Statistiques ufologiques

Il n'existe de connaissance scientifique que statistique s1Michel, Aimé: Préface du Collège Invisible de Jacques ValléeVallee, Jacques, p. 16

Un événement rare implique toujours au début une question sur la réalité de l'observation qualitative. Par la suite, une enquête scientifique, combinant généralement statistiques et physique, résoud la question d'une manière ou d'une autre s2Kuettner, Joachim P.Kuettner, Joachim P. UFO - An Apraisal of the Problem, Astronautics and Aeronautics, journal de l'AIAA, novembre 1970

Une personne avec si peu de compréhension des statistiques et des probabilités pour penser qu'une personne peut avoir des douzaines d'observations d'ovnis alors qu'un grand nombre d'autres gens (en fait, la majorité) n'ont jamais dans leurs vies vu quoi que ce soit ressemblant à un ovni, peut être identifié d'un coup comme absolument pas fiable s3Hynek, J. A.: "The UFO Gap", Playboy n° 12, vol. 14, décembre 1967, p. 270

Est-il possible d'en apprendre plus sur les ovnis à l'aide de l'outil statistique ? Et si oui, quels sont les résultats ?

Résultats récurrents

Les analyses statistiques se heurtent à plusieurs obstacles en ufologie s6Fouéré, R.: "Statistique et connaissance", Phénomènes Spatiaux n° 45, 1975-09, pp. 3-10 :

  1. Une majorité d'observations n'est pas rapportée (le nombre des observations rapportées est réputé faible par rapport au total réel d'observations inexpliquées)
  2. Le phénomène est très diversifié/hétéroclite, même s'il présente certaines similitudes.
  3. Les données sont peu fiables, issues de sources aux qualités hétérogènes, et potentiellement déformées par divers biais (méthodes d'enquêtes, traductions, écrit/oral, etc.) et donc les conclusions contestables.

Cela n'a cependant pas empêché nombre d'études d'être réalisées, sur des rapports d'observations comme sur des sondages d'opinion.

Blue Book

GOC

Statistiques de l'ATIC fournies au GOC
Statistiques de l'ATIC fournies au GOC

A partir de juillet à 22 h, avec le démarrage de l'"Opération Skywatch" apparaît une nouvelle catégorie de témoin d'ovni : l'observateurs du GOC. En janvier 1953, ce dernier publie dans son journal officiel s7"'Unidentified Aerial Objects' Receive Careful Analysis by Air Force Experts", The Aircraft Flash, vol. 1, n° 4, janvier 1953 la décomposition en pourcentage de l'ensemble des rapport est jusqu'à présent ci-contre (qualifiés de "possibles et probables" pour les catégories d'identifiés).

Statistiques de l'ATIC pour les catégories d'observateur, telles que fournies au GOC
Statistiques de l'ATIC pour les catégories d'observateur, telles que fournies au GOC

Les sources de ces signalements sont categorisées dans les groupes ci-contre.

Bear/Stork/Battelle/Rapport Spécial n° 14 du projet BlueBook

En juillet 1952 à 22 h commence le projet Bear, sous-projet du projet Stork d'étude des technologies étrangères. Menée par le BMI, Bear est une étude statistique informatisée de près de 2199 rapports d'observation d'ovnis reçus par l'ATIC. Ce dernier la publie en mai 1955 à 22 h dans le cadre d'un "Rapport Spécial" n °14 s8ATIC/USAF: Project Blue Book. Special Report n° 14: Analysis of Reports of Unidentified Aerial Phenomena, Wright-Patterson Air Force Base, Ohio, projet n° 10 073, ATIC, 5 mai 1955. du projet Blue Book. Les conclusions de cette étude statistique - probablement la plus grande officielle réalisée sur les ovnis - seront interprétées différemment, l'USAF déclarant dans la presse qu'il n'existe pas de preuve que des appareils extraterrestres aient visité la terre et qu'avec plus d'information l'ensemble des observations pourraient être expliquées, à la différence de l'avis de certains ufologues s9Friedman, S. T. & B. Ann Slate: "'Secret' Air Force Study Says UFOs Are Real", Rapport ovni Saga, vol. 1, n° 5, printemps 1974, p. 28. s10Hynek 1977.

Condon

En revoyant les éléments accumulés du projet Blue Book, le sous-comité ovni de l'AIAA trouve un ratio signal-pour-bruit excessif, comme cela est illustré par les statistiques du projet citées dans l'étude de l'Université du Colorado, qui montre 3,3 % des observations comme non-identifiées (253 cas/7741 disponibles à cette époque s11Les chiffres définitifs, seront de 701 sur 12618, soit 5,5 %). Ces chiffres sont souvent contestés, mais son ordre de magnitude (5 %) semble être correct, si l'on prend en compte tous les signalements disponibles. Le fait que l'étude Condon elle-même arrive à un pourcentage bien plus grand de cas non-expliqués - c'est-à-dire, près de 30 % (35 cas/117) - est principalement dû à la pré-sélection pour enquête de cas spécifiques. Les chiffres précis sont difficiles à envisager, le rapport Condon ne se prêtant pas lui-même très bien à ce type d'analyse, les mêmes cas étant souvent traités dans des sections différentes et selon différentes identifications.

Joachim P. KuettnerKuettner, Joachim P., président le sous-comité sur les ovnis de l'AIAA, dira que : La question immédiate est comment s'attaquer au problème ovni en évitant les pièges des tentatives précédentes. Il ne fait pas de doute qu'une approche en seul coup et sur une courte durée par une équipe ad hoc n'est pas plus prometteuse qu'économique. Cela est particulièrement vrai si l'équipe d'étude décide — comme le groupe de l'Université du Colorado le fit — de se concentrer sur les observations actuelles plutôt que sur celles passées. Comme le montrent les statistiques sur les ovnis, cela aboutit à dévouer un temps précieux à enquêter sur le bruit, plutôt que sur le signal.

Dans son dernier chapitre, Hynek suggère un nouveau départ pour l'ensemble du problème ovni. Il recommande une approche statistique afin de définir les paramètres du phénomène. Cela implique un traitement informatisé des données et un accord international sur les formats et le codage. Il propose un "institut" pour l'étude du phénomène ovni qui éliminerait l'approche actuelle strictement privée. Il servirait de point focal national ou international pour la collecte des données et de rapports. Le périmètre d'un d'un institut dépendrait des fonds et du temps disponible pour son équipe.

Vallée

En France, dès 1966 22 h, Jacques ValléeVallee, Jacques commence à élaborer des statistiques sur plus de 600 cas. Il trouve des éléments caractéristiques en terme d'heure et de durées d'observations d'ovnis, avec un intervalle typique entre 2 et 45 mn.

Poher

De 1968 22 h à 1969 22 h, Claude Poher, avec l'aide de 4 collaborateurs du GEPA, entame quelques travaux privés sur le sujet s12Poher, C.: Etudes statistiques portant sur 1000 témoignages d'observations d'UFO, 1971. Publication privée complétée en 1976. s13Poher, C.: Statistiques sur 735 témoignages d'observations d'ovnis sur près d'un millier de témoignages. Un traitement informatique "clandestin" est organisé : un programme en ForTran est écrit, et des cartes perforées soumises à des ordinateurs du CNES durant leurs heures creuses. Il commence à les diffuser, discutant avec ses collègues pour ouvrir les esprits.

Sur la base d'un échantillon de 150 cas identifiés et 135 cas non identifiés, Poher répond aux questions suivantes :

Les témoignages sont-ils crédibles ?

Autrement dit, les témoins décrivent-ils vraiment ce qu'ils ont vu ?

Dans son étude, Poher démontre que les témoins ont observé respectant les lois de l'optique. Donc pas ou quasiment pas de canulars ou hallucinations et autres problèmes psycho (hypothèses souvent avancées).

Ces conclusions pourraient fort bien s'appliquer à n'importe quel phénomène banal, mais ici les témoins n'ont pas décrit de phénomènes triviaux. Ils ont vu des choses qui leur ont semblé inhabituelles, inconnues ou extraordinaires, et Poher montre qu'ils l'ont bien vu.

Ce qui est observé est-il réel ?

Dans s14Poher 1977, Poher relie le nombre d'observations avec la distance de visibilité (une distance "potentielle" objective, issue des conditions météo) et non une distance estimée par le témoin. Il trouve que, plus un grand nombre de gens se trouvent près du phénomène, plus le phénomène est signalé par des témoins, comme cela se fait pour d'autres observations d'objets physiques connu.

Cependant Poher ajoute que le résultat est insuffisamment probant car il est extrêmement contraignant de devoir choisir seulement les rares observations pour lesquelles on connaît la distance de visibilité (et donc des conditions météo relativement précises).

Ce qui est observé est-il vraiment inconnu ?

Autrement dit, les caractéristiques de ce qui est observé se recoupent-elles ou non avec celles de phénomènes connus ?

Dès l'année suivante on trouve des refutations de l'amalgame des phénomènes réellement non identifiés (non assimilables à des causes connues) comme relevant simplement du manque d'information. Biraud et Ribes rappellent ces références :

Il serait malhonnête d'ignorer la minorité de cas inexpliqués : en effet, des études statistiques s15Powers, W. T.: "The Case for 'Real' UFOs", Physics Today, juin 1970, pp. 14-17 — Rejet de l'argument des non-identifiés comme "manque d'information" s16Friedman, S. T.: "More on UFOs", Physics Today, janvier 1971, pp. 97-99 — Prolongement de l'article de Powers rejettant l'argument des non-identifiés comme "manque d'information", avec référence à l'étude statistique du projet Bear (Stork) montrent que ceux-ci restent inexpliqués non pas parce que vagues ou douteux, mais au contraire parce que la précision et le sérieux des observations excluent les explications traditionnelles s17Biraud et Ribes 1970, P. 186.

Comparatif de durée d'observation pour 150 OVIs, et 135 OVNIss18 Poher
Comparatif de durée d'observation pour 150 OVIs, et 135 OVNIss18 Poher

s19Poher 1977 indique des différences statistiques de comportement du phénomène ovnis par rapport à celui d'autres phénomènes (avions, météores, planètes, etc.) : les observations d'ovnis seraient, en moyenne, et majoritairement, de durée "moyenne", alors que les phénomènes "connus" auraient — dans leur grande majorité — des durées extrêmes, soit très courte (> ), soit très longues (< , comme pour un phénomène astronomique par exemple). Double courbe en cloche de répartition des observations de phénomènes "inconnus" et "connus". Ces conclusions seront remises en cause par Allan Hendry s20Hendry, A.: "Tools: statistics", The UFO Handbook, Doubleday, New York, 1979 qui ne trouve pas les mêmes courbes mais surtout voyant dans l'examen des durées — et même des heures — plus des caractéristiques des témoins que des phénomènes observés, puis par Denis Breysses s21Pinvidic, ThierryPinvidic, Thierry: 1993 qui argue que les courbes OVNIs comme OVIs seraient en fait relativement arbitraires.

Par la suite, du lundi 20 à mercredi 22 lors de la Convention Annuelle de l'AIAA sur les Sciences Aérospatiales, Poher et ValléeVallee, Jacques unissent leurs efforts pour sortir une publication sur les caractéristiques fondamentales du phénomène ovni s22Poher, Claude & Vallée, J. "Basic patterns in UFO observations", 13ᵉ Convention Annuelle de l'AIAA sur les Sciences Aérospatiales à Pasadena, Californie, 20-22 janvier 1975, qui représente le point d'orgue de l'approche scientifique et statistique du phénomène ovni.

Armée de l'Air

En l'année suivante, le colonel Alexis, du Bureau de Prospectives et Etudes de l'Etat-Major de l'Armée de l'Air qui centralise alors tous les rapports d'ovnis initie les premières statistiques officielles sur le phénomène, et reconnaît à son tour l'existence d'un reliquat d'observations inexplicables s23Alexis, G.: Armées d'Aujourd'hui, avril 1976 < Alexis, G.: "A propos d'un phénomène spatial non identifié dénommé 'OVNI'", Phénomènes Spatiaux n° 48, juin 1976.

GEPAN

Au cours de sa 1ère année d'existence, le GEPAN réalise des travaux statistiques sur plus de 300 rapports transmis par la Gendarmerie, et procède à une vérification des études déjà conduites par Claude Poher à titre privé depuis 1974, ainsi que travaux d'autres ufologues.

Esterle

Classes A et B (résultats partiels) s24CNES/GEPAN 1979
Explication # cas
Avion
Ballon
Rentrée atmosphérique
Planète
Lune
Bolide
Hélicoptère
Satellite
Fusée
Etoile
Soleil
Nuage
Montgolfière
Feux
Trainée avion
Physique élec.
Artifice pétard
Glaçon
Phare
Canular
30
25
20
17
10
8
7
6
5
4
4
3
2
2
2
2
1
1
1
1
Classes de rapports d'observation s25CNES/GEPAN 1979

En 1979, Alain Esterle relance au GEPAN des travaux statistiques élémentaires sur les rapports d'observation transmis par la gendarmerie. L'organisme effectue également des recherches dans le cadre des statistiques différentielles (data mining), pour définir des caractéristiques typologiques du phénomène, la définition des principes méthodologiques et à l'étude du rôle des mass-médias, ainsi que des expériences de propulsion MHD et la psychologie des perception sensorielles.

En février le CNES publie Le GEPAN et l'étude du phénomène OVNI, où apparaissent p. 11 les chiffres indiqués ci-contre, établis d'après 354 rapports d'observation établis par la gendarmerie qui furent expertisés au GEPAN, et se répartissant en 4 classes. On y trouve les pourcentages établis par un chercheur du CNES sur 678 rapports de gendarmerie de 1974 à l'année d'avant.

Classement de ces 89 cas en "crédibilité relative" du témoin s26CNES/GEPAN 1979
Classement de ces 89 cas en "crédibilité relative" du témoin s26CNES/GEPAN 1979

Toujours en l'année suivante, L'Institut d'Etudes Cosmiques et l'Académie des Sciences de l'URSS publie une analyse statistique des 256 observations de phénomènes atmosphériques anormaux dont 13 en vol et 1 en mer. Parmi ces observations, 12 furent effectuée à moins de 100 m de distance, 1 au télescope, 2 au radar dont une couplée à l'observation optique, le tout accompagné de 50 dessins et 3 photographies. Dans 64 % des cas, plusieurs témoins étaient présents et 15 % sont des observations de masse. Enfin, 11 % de celles-ci sont le fait de stations d'observation et 5 % de militaires en opérations. Toutes les catégories de témoins sont représentées dont 33 % de scientifiques. On trouve parmi ceux-ci 10 astronomes, 6 météorologistes, 6 géophysiciens mais aussi 23 ingénieurs et 14 aviateurs. Dans ce sondage, les astronomes (7,5 %) voient 7500 fois plus d'ovnis que la population générale. Sur les 256 cas, 194 ont été observés en 1967. Toutes les formes classiques ont été vues, avec cependant une prédominance des formes en croissant. Dans 94 cas, il y avait plus d'un objet, et dans la majorité ils étaient silencieux. Dans 101 cas la luminosité était intense, voire aveuglante dans 9 cas. La couleur la plus fréquemment observée est l'orange. La vitesse estimée va de 18 à 187000 km/h, à une altitude variant de 35 m à 100 km s27Guindilis & Menkov & Pétroskaïa: Observations de phénomènes atmosphériques anormaux en URSS < GEPAN, Note d'information n° 1, 50, 2: 15 février 1980.

Répartition des 89 cas représentant les "non-identifiés" s28CNES/GEPAN 1979
Définition %
LN
DD
Radar
RR1
RR2
RR3
42
4
1
21
28
4

Cette étude statistique russe met également en avant que le maximum de la répartition des durées d'observations est obtenu entre 1 et 4 minutes, ainsi que la similitude de cette caractéristique pour différents pays (sous-tendant un phénomène commun). Un aspect intéressant de l'étude porte même sur les durées en fonction des formes des objets.

Un certain nombre d'études conclueront également à une corrélation avec les activités nucléaires terrestres.

Classe Définition Nombre %
A
B
C
D
Identifiés
Probablement identifiés
Inanalysables
Reste non-identifiés
23
153
239
263
3,3
22
35
38
s29Sturrock, P. A. (2004). "Time-Series Analysis of a Catalog of UFO Events: Evidence of a Local Sidereal Time Modulation", Journal of Scientific Exploration, 18, 3, 399-419 s30Vallée, J. F.: "Are UFO Events related to Sidereal Time? Arguments against a proposed correlation…", janvier 2005 ? s31"How to Monitor UFO Waves", CISU, 22 novembre 2005