1965

Manuel Borraz: Anomalia, jeudi 15 avril 2010

Toulon, jeudi 1 juillet 1965. Le sous-marin Junon de la Marine française part à la rencontre du sous-marin Daphné et du navire de soutien Rhône. Ils font des manœuvres conjointes avec la Marine américaine. A bord du Junon voyage Michel Figuet (23 ans), au poste de timonier.

Chicago, dimanche 19 septembre 1965. Jacques ValléeVallee, Jacques écrit dans son journal s1Vallée, J.: "Science Interdite : Journal 1957-1969", O.P. Editions, 1997-07, p. 153: Je viens de terminer la lecture d'un livre hautement recommandé par Don. Il pose le problème de la possibilité d'autres dimensions physiques interférant avec la conscience. A Woman Clothed with the Sun, de John Delaney est une description condensée des apparitions les plus célèbres de la Sainte Vierge Les histoires sont prodigieuses et très troublantes. On est tenté d'imaginer une puissance qui suivrait de près les affaires humaines et y interviendrait.

Vallée, qui réside maintenant aux USA, préparait son doctorat en Informatique à l'Université Northwestern tout en maintenant une collaboration étroite avec l'astronome J. Allen Hynek, conseiller scientifique de l'Armée de l'Air sur les ovnis depuis 1947. Au printemps, un 1er livre de Vallée a été publié sur ce thème : Anatomie of a phenomenon: unidentified objects in space--a scientific appraisal. Il prépare déjà un 2ᵉ livre (Challenge to Science -- The UFO Enigma) dans lequel, entre autres, il retrace son étude des "orthoténies" : Les analyses conduites établissent seulement que, parmi les alignements proposés, la grande majorité, sinon la totalité, doivent être attribués au pur hasard (...) s2Vallée, J. & Janine: Les phénomènes insolites de l'espace - Le dossier des mystérieux objets célestes, coll. L'ordre du jour, La table ronde, 1966, p. 121

Île des Barbades, lundi 20. Le projet HARP est opérationnel depuis 1962 et les essais se succèdent s3"High Altitude Research Project". Comme l'expliquera Gerald Bull des années plus tard : L'idée était de trouver ce qui se passe dans l'atmosphère entre le coucher et le lever du Soleil. Souvenez-vous, personne ne nous subventionnait. On devait produire des [données] météorologiques atmosphériques tropicales pour le bureau de recherche de l'Armée [des USA], c'est comme cela qu'on obtenait de l'argent. On s'efforçait de tout mesurer jusqu'au sommet de l'atmosphère, qu'on avait fixé nominalement à 12 km. Le coût d'un lancer était d'environ 5000 $. Nous en fîmes jusqu'à 8 par nuit. On avait l'habitude d'enchaîner 3 nuits d'affilée pour obtenir les données. s4"Gerald Bull", Wikipedia, citant le livre "Wilderness of Mirrors", de Dale Grant (1991, Prentice-Hall).

Tout au long de la nuit du lundi 20 à mardi 21 fut réalisée une série de lancements de "Martlet 2" avec l'énorme canon de 16 pouces n1La nuit du le lendemain à jeudi 23 furent réalisées des expériences similaires.. Les plans sont faits pointant vers l'Est-Sud-Est n2Azimut de 119° (à compter à partir du nord dans le sens horaire)., en direction de l'Atlantique, avec une élévation proche de la verticale.

Chaque "Martlet 2" — un projectile de conception spéciale — libère une charge de triméthylaluminium (TMA) entre 90 km et un maximum de 140 km d'altitude. Le triméthylaluminium éjecté est un composé réagissant avec l'oxigène de l'atmosphère qui entraîne un phénomène de chimiluminescence. Cela permet de créer une traînée visible de nuit qui peut être photographiée depuis différents sites pour obtenir des informations sur les vents à différentes altitudes. Dans les premiers instants, la traînée ressemble à la traînée blanche rectiligne laissée par les avions à réaction mais, déformée par les vents de la haute atmosphère, elle acquiert des formes capricieuses. Enfin, au bout de , la traînée disparaît n3Pas mal d'informations sont disponibles sur les "Martlets" du projet HARP lancés depuis les Barbades, dont un certain nombre de rapports techniques. Voir un article sur la famille des projectiles "Martlet" et un bref historique du projet. Vous pourrez trouver une liste des lancers depuis les Barbades dans la "Base de données des Véhicules de Lancers" de l'astrophysicien Jonathan McDowell. Il existe au moins 1 rapport spécifique sur les lancers du lundi 20 à jeudi 23, bien que non accessible sur Internet: - Fuller, R. N.: "Upper atmosphere winds from gun launched vertical probes (Barbades, 20-23 septembre 1965)", Rapport n° 2, BRL Contract 169, Février 1966. Non consulté. (à noter que, comme dans une autre référence de l'époque, les coordonnées approximatives de la station des Barbades contiennent une coquille, indiquant 57,5° W / 13.10° N au lieu de 59,5° W / 13.10° N). Un autre rapport non accessible contenant des informations pertinentes est : - Luckert, H. J.: "Report of the November 1965 test firing series - Project HARP". Cependant, heureusement, il est possible de trouver sur Internet d'autres rapports de l'époque incluant suffisamment d'informations sur le sujet. Par exemple, les 2 références suivantes : - Murphy,Charles H. / Bull,Gerald V.: Aerospace application of gun launched projectiles and rockets (1967) . Voir en particulier le paragraphe 7.2 et les figures correspondantes. - Fagot, J. A., Epler, W. E., Howard, D. E.: "Upper atmosphere winds from gun launched vertical probes (Barbades, 21-22 juin 1967) (Yuma, 12 juin 1967), Rapport final", Contrat BRL 169, août 1968..

Projet  HARP, Barbades. Tir du canon de 16 pouces dans les années 1960s.
Projet HARP, Barbades. Tir du canon de 16 pouces dans les années 1960s.

Depuis l'île voisine de la Martinique — à 200 km au nord-est n4NDT: au Nord-Ouest des Barbades — de nombreux témoins ont observé les traînées des premiers lancers, les tirs de lundi 20 et lundi 20 20:53 (heure locale des îles) n5Autrement dit, 23:30 GMT le 20 septembre et 00:52 GMT du jour suivant. L'heure locale des îles est l'AST (Temps Standard Atlantique). Les "Martlets" qui furent tirés depuis un lieu situé à quelques 240 km de Fort de France et leur trajectoire était loin de la Martinique. Les traînées se sont maintenues à des distances de cet ordre de magnitude.. Dans l'essai de lundi 20 19:30 il se trouve qu'il se libère aussi du triméthylaluminium dans la traînée descendante de la trajectoire balistique du projectile et non uniquement durant son ascension n6Le rapport "Upper atmosphere winds from gun launched vertical probes (Barbades, 20-23 septembre 1965), Rapport Final", Contract BRL 169 (août 1968), inclut des "tracés au sol" de la traînée (sa projection sur une carte à un instant donné) de tous les essais dans lesquels l'éjection de TMA se poursuit pendant la traînée descendante. Cependant le seul "tracé au sol" de lundi 20 19:30 reproduit dans le rapport est celui du lancer du 1965-09-20 19:30AST, montrant la situation de la traînée à 278 secondes du décollage. Ceci est relatif au lancer lié à la 1ʳᵉ observation de . Comme indiqué dans le rapport, on en déduit que les autres "Martlets" tirés cette nuit-là n'ont libéré de triméthylaluminium que pendant la trajectoire ascendante. Tout cela est intéressant pour 2 raisons. D'abord, cela explique pourquoi une descente a été vue depuis Fort-de-France : il y a vraiment eu une traînée descendante. Elle a émané du "Martlet" tiré à 19:30. Ensuite, cela aide à comprendre la 2ᵉ partie de l'observation de Figuet, lié au lancer de 20:52, qui parle essentiellement d'un phénomène ascendant. On pourrait spéculer que ces différences ont amené Figuet à supposer que le phénomène se répétait au même endroit en sens "inverse". . Parmi les observateurs se trouvent 2 habitants de l'île comme des membres d'équipage du Junon, du Daphné et du Rhône, ancrés à Fort-de-France pour une escale de 10 jours. Michel Figuet, témoin de l'événement, se souvient : Le lendemain, j'ai téléphoné à l'observatoire météo et ils m'ont répondu que ce n'était pas un ballon sonde, ni un météore, ni un avion, ni une fusée, ni de un satellite, mais un objet non identifié. s5"Lumières dans la Nuit", n° 145, mai 1975.