Etude scientifique des Objets Volants Non Identifi�s

Thornton PagePage, Thornton: American Journal of Physics, vol. 37, n�. 10, 1071-1072, octobre 1969

Critique du rapport final de la recherche men�e par l'Universit� du Colorado pour le Bureau de la Recherche Scientifique de l'Air Force sous la direction d'Edward U. Condon. Pp. 965+xxiv, Bantam Books, 1969. Prix : $1.95, paperback.

La plupart de ceux qui passeront ce livre en revue ont un avantage sur Condon et l'équipe de son Projet du Colorado de par le fait que nous �crivons pour un public plus homog�ne. Je suppose que les lecteurs de l'Amer. J. Phys. sont pour la plupart des physiciens, dont un grand nombre voient les "soucoupes volantes" avec amusement ou d�dain, et je me h�te d'ajouter que j'ai eu la m�me réaction en 1953 lorsque j'ai servi dans le 1er comit� (secret) sur les ovnis prèsid� par feu H. P. Robertson (physicien de Cal. Tech.). Il reconnut notre responsibilit� mieux que moi, et me r�primanda s�v�rement pour la l�g�ret� excessive (bien qu'il inclut mon avertissement dans notre bref rapport que les signalements d'ovnis pourraient engorger le système de communications U. S. lors d'une véritable urgence militaire).

Le rapport Condon n'est pas bref (989 pages), ni très humoristique, et je ne peux pas dire en avoir lu chaque mot de ses 24 chapitres et 24 annexes allant de sujets de physique tels que l'optique, le radar, la lumi�re zodiacale, les plasmas et le bang sonique, jusqu'� l'histoire, la perception et la psychologie. Cette �dition débute avec une introduction de 8 pages par Walter Sullivan du New York Times, et s'ach�ve avec un excellent index de 23 page. Que l'on soit ou non d'accord sur le fait que le sujet soit int�ressant tout ceci, les 56 études de cas détaill�es constituent une lecture int�ressante, et une bonne portion de physique est appliqué à un problème populaire. En fait, nous avons offer les Soucoupes Volantes en tant que cours de 1 semestre � l'Universit� Wesleyan depuis les 2 dernières années, avec un certain succès (il a attir� des étudiants qui autrement n'auraient eu aucune science).

Dans un sens, le rapport Condon fait honneur à son titre d'Etude Scientifique, parce que les principes physiques et les donn�es disponibles sont appliqués m�ticuleusement à plus de 56 "cas" (observations d'ovnis) sélectionnés, bien document�s, avec comme résultat 33 cas expliqu�s. Cependant, comme plusieurs autres relecteurs l'ont not�, ceci laisse inexpliqu� une proportion plus grande que les 10 % peu ou prou qui provoqu�rent tout le ruckus et forc�rent l'Air Force à financer le Projet Colorado en 1er lieu. Ainsi, on peut arguer les conclusions �crites avec pr�caution de Condon (les 5 premières pages du Rapport) ne suivent logiquement pas des études de cas. Il recommande, en effet, qu'il n'y ait plus d'autres enregistrements ni n'étude par le gouvernement d'observations d'ovnis, une recommandation qui fait voir rouge les "ufologues". Ceux d'entre nous int�ress�s par le symposium de l'AAAS sur les ovnis (pr�vu pour le samedi 27 � Boston) find it important not to take sides on this controversial issue (nous avons découvert combien la réaction est émotionnelle des 2 côtés, un fait hinted at in Sullivan's introduction. Je d�gagerais donc 3 vues distinctes : celle de Condon, telle qu'exprim�e dans ce rapport, celle de ses critiques (les plus sensibles) et une position "interm�diaire".

Condon argue que son Projet Colorado a expliqu� la majorit� des cas comme étant des ph�nom�nes normaux, examiné l'hypothèse "lointaine" de visiteurs extraterrestres, et n'a trouvé aucune preuve directe en sa faveur. En fait, l'utilisation de l'hypothèse extraterrestre pour expliquer plus de cas violerait clairement les lois de la physique et/ou nécessiterait des mat�riaux ayant des propriétés que nous consid�rons impossibles. Il semble probable pour Condon que, si des observations plus complètes avaient été faites, l'ensemble des observations d'ovnis aurait été expliqu� comme autant de ph�nom�nes normaux. 21 ans d'investigation n'ont développé aucune preuve de nouveau ph�nom�nes scientifiques, et par conséquent une étude plus pouss�e n'a pas de valeur scientifique, et ne devrait pas être maintenue en tant que charge pour la communaut� scientifique.

Les critiques sensibles, dont l'un d'entre eux est J. Allen Hynek, qui a r�cemment passé en revue le rapport Condon s1[Bull. At. Scientists 85,39 (1969)], admet que 90 à 95 % des observations d'ovnis sont facilement expliqu�es, mais trouve quelques cas bien document�s parmi les 5 ou 10 % qui pourraient être hautement significatifs. Ils pourraient indiquer de nouveaux ph�nom�nes atmosphèriques, ou des visiteurs extraterrestres avec une technologie bien supérieure à la nêtre. Comme dans de nombreuses découvertes importantes (supernovae, quasars, pulsars), les "cas" notables pourraient être submerg�s par les non-significatifs, et de vastes quantités de "donn�es messy" (anciennes observations d'étoiles brillantes, localisations grossi�res de petites sources radio, et observations d'ovnis) doivent être étudi�es avec attention. Par conséquent, l'archivage par l'Air Force et le passage en revue périodique, disent les critiques, devraient être poursuivis.

La "position interm�diaire" est bas�e sur le fait, mentionné dans la section de psychologie du Rapport, mais ignor� dans les conclusions de Condon, qu'une large fraction du public U. S. (30 à 40 %) croit que les ovnis sont des visiteurs extraterrestres. Ceci n'a pas seulement une significativit� politique (cela explique probablement les 500 000 $ accord�s à l'Universit� du Colorado pour la préparation du Rapport) ; cela soul�ve des questions supplémentaires sur l'�ducation du public et l'image publique de la science et des scientifiques. Il est certain que les enseignants (en particulier les enseignants en science) devraient être préoccupés lorsque le public est excessivement mal inform� (le symposium de l'AAAS discutera de plusieurs aspects du problème ovni pour cette raison). Mais cela n'aide pas l'image publique de la science lorsque les scientifiques écartent les observations et l'interpr�tation accept�e par tant de citoyens contribuables simplement parce que les ovnis ne nous parlent pas. En fait, le refus général des scientifiques de prendre les ovnis au sérieux pourraient renforcer la vue de "nouvelle gauche" que la science est plus bas�e sur l'autorit� que sur l'observation et la raison. Des profanes intelligents peuvent mettre en avant (et le font) la faille logique dans la conclusion de Condon bas�e sur un échantillon réduit (et sélectionné), m�me si dans cet exemple un schéma coh�rent peut être reconnu ; il est ignor� par les "autorit�s", qui ajoutent à leur "crime" en recommandant qu'aucune autre donn�e d'observation ne soit plus recueillie. En fait, le projet Colorado a introduit un nouvel ensemble de donn�es de fiabilité statistique plus �lev�e que les observations visuelles d'ovnis - les photos de ciel du R�seau (de météores) Prairie. Il a été not� s2Science 160, 1258 (juin 1968) qu'il s'agit d'une source de donn�es sur les ovnis de valeur et ne coétant pas des millions of dollars, mais le Rapport n'en fait à peine justice que dans une brève section s3[(pp. 770-774) garbled par des poor definitions et erreurs d'impression].

De mon opinion, cette "position interm�diaire" mène à la question philosophique : Quelle est la preuve pertinente de la réalité physique ? En suivant la définition "operationnelle" de P. W. Bridgeman s4 Logique de la physique moderne, The MacMillan Co., New York, 1927, les ovnis ont certainement �t� "mesur�s" (d�tect�s) d'une manière définissable, contrairement à l'�ther luminiferous, ou les temp�ratures centrales des étoiles de 20 000 000 �K, par exemple. En termes plus modernes, les observations d'ovnis montrent certains motifs statistiques que l'on peut faire correspondre avec une théorie bas�e sur l'hypothèse de "civilisations extraterrestres connaissant bien plus la plysique que nous, et ayant développé des mat�riaux, sources d'�nergie, et appareillages de champs que nous n'avons pas encore invent�s." Comment pouvons-nous rejeter cette théorie dans le m�me temps où nous acceptons des théories d'étoiles à neutrons en rotation pour expliquer les pulsars ? Bien sûr, une meilleure théorie pourrait être con�ue si plus de donn�es étaient recueillies et les donn�es prèsentes examinées en termes plus larges. Par exemple, il y a une tendance définie dans les formes rapportées des "soucoupes" en 1947 à des "faucilles" en 1960 et à des "cigares" en 1966, ainsi qu'un déplacement vers l'est des "vagues" (maxima de l'activité ovni) circulant autour de la Terre en 15 ans. Ce dernier fait empirique, que j'aime appeler la "loi de Page," pourrait correspondre à une théorie sociologique installant le problème ovni et permettant � des physiciens de retrouver leur sens de l'humour (bien que cela soit "hors du p�rimêtre" du Rapport Condon).