Il n'y a pas de paradoxe de Fermi

Freitas, Robert A., Jr.: Icarus 62, pp. 518-520 (1985), lundi 18 mars 1985
n1reçu le 25 juin 1984: revu le 18 mars 1985 n2Cette version web est dérivée d'un premier brouillon de l'article et pourrait différer de manière substantielle de l'article final publié .

Le "paradoxe de Fermi", un argument selon lequel une intelligence extraterrestre ne peut exister parce qu'elle n'a pas encore été observée, est une logique fallacieuse. Ce "paradoxe" est une inférence formellementy invalide. A la fois parce qu'elle nécessite des opérateurs modaux se trouvant hors du calcul propositionnel du 1er ordre et parce qu'elle n'est pas étayée par les éléments observés.

Une activité rénovée dans le domaine de la Recherche d'Intelligence Extraterrestre (SETI) a stimulé un intérêt pour un vieil argument visant à montrer que des IET ne peuvent exister. Connu comme la question "Où sont-ils ?" ou le "paradoxe de Fermi", ce sophisme pose que dans le temps une une espèce extraterrestre intelligente doit développer une haute technologie, explorant et colonisant d'abord son système planétaire, puis la galaxie, comme l'humanité a exploré et colonisé la Terre. Ces êtres devraient être parvenus à voyager jusqu'à la Terre, mais nous ne voyons aucun indice de telles visites, et que donc les IET ne peuvent exister. Les partisans du "paradoxe" s1Hart, M. H. (1975): "An explanation for the absence of extraterrestrials on Earth", Q. J. R. Astron. Soc. 16:128-135. s2Tipler, F. J. (1980): "Extraterrestrial intelligent beings do not exist", Q. J. R. Astron. Soc. 21:267-281. s3Hart, M. H., & B. Zuckerman (Eds.) (1982). Extraterrestrials: Where Are They? Pergamon. Elmsford, New York. admettent qu'il est incomplet sous la forme grossière dessinée ci-dessus, mais arguent que des alternatives visant à expliquer le paradoxe s4Ball, J. A. (1973): The zoo hypothesis. Icarus 19:347-349. s5Sagan, C., & W. I. Newman (1983) "The solipsist approach to extraterrestrial intelligence", Q. J. R. Astron. Soc. 24:113-121. sont invalides ou mènent à une contradiction ou impossibilité. Cette position a été faiblement mise en cause s6Cox. L. J. (1976): "An explanation for the absence of extraterrestrials on Earth", Q. J. R. Astron. Soc. 17:201-208. s7Schwartzman, D. W. (1977): "The absence of extraterrestrials on Earth and the prospects for CETI", Icarus n° 32, pp. 473-475. s8Papagiannis, M. D. (Ed.) (1980): Strategies for the Search for Life in the Universe.Reidel, Boston. s9Stephenson, D. G. (1982): "Models of interstellar exploration", Q. J. R. Astron. Soc. n° 23, pp. 236-251., mais le débat continue.

Logique fallacieuse

Il est surprenant que l'invalidité formelle du paradoxe, qui ne peut être projetée sous une forme syllogistique acceptable, soit restée non-mentionnée dans les discussions précédentes. Par exemple, pour A = des IET existent, B = des IET sont là, et C = des IET sont observées, l'inférence :

S1 :
  • Si A
    • alors probablement B
  • Si B
    • alors probablement C
  • Non-C
    • alors non-B
    • alors non-A

est à la fois syntaxiquement et sémantiquement invalide puisque "probablement" (ou "doit être", "devrait être", "pourrait être", "est supposé être", "est espéré être", "susceptible de ... .. raisonnablement") est un opérateur fonctionnel de vérité modal hors du cadre du calcul propositionnel du 1er ordre. Même reprojetée dans la forme syntaxiquement correcte :

S2 :
  • Si A
    • alors probablement B
  • Si (probablement B)
    • alors (probablement C)
  • Non-(probablement C)
    • alors non-(probablement B)
    • alors non-A
Fig. 1 - Diagramme d'Euler du "paradoxe de Fermi". Pour A = (des IET existent), B = (des IET sont là), et C (des ETI sont observées), puisque A ∩ ~C ® ∅ alors ~C®A (U = univers des possibilités)
Fig. 1 - Diagramme d'Euler du "paradoxe de Fermi". Pour A = (des IET existent), B = (des IET      sont là), et C (des ETI sont observées), puisque A ∩ ~C ® ∅ alors      ~C®A (U = univers des possibilités)

l'inférence est sémantiquement valide si et seulement s'il est possible d'affirmer que non-(probablement C) est vrai. Mais la valeur booléenne de non(probablement C) est indéterminée, et donc S2 est, classiquement, sémantiquement invalide. L'incertitude incluse ne peut être supprimée des subjonctifs primaires et secondaires parce que ni A ® B ni B®C ne sont certainement vrai ; non-C ne peut impliquer non-A parce que C est un sous-ensemble de B et B est un sous-ensemble de A (figure 1). Par conséquent la ligne de raisonnement du paradoxe de Fermi n'a pas de valeur probative formelle de quelque valeur que ce soit.

Le calcul de probabilité ou inférence probable s10Keynes, J. M. (1921): A Treatise on Probability. Macmillan & Co., London. s11Carnap, R. (1962): Logical Foundations of Probability. Univ. of Chicago Press, Chicago., la logique probabilistique conditionnelle s12Nute, D. (1980). Topics in Conditional Logic. Reidel, Dordrecht., l'inférence statistique, et méthodes semblables ne peuvent remédier au paradoxe. Il n'existe pas de données statistiques sur les IET, et donc les affectations de probabilité pour A, B et C sont nécessairement a priori et ne peuvent server de base pour des tests de vérité en logique propositionnelle formelle. Ce problème persiste même dans les systèmes de logique floue s13Zadeh, L. A. (1983): The Role of Fuzzy Logic in the Management of Uncertainty in Expert Systems. Memorandum n° UCB/ERL M83/41, Electronics Research Laboratory, University of California, Berkeley.A, B et C sont des propositions conditionnelles, qualifiées ou des prédicats flous conjoints avec une probabilité ou un quantifieur flou.

Probablement peut aussi être traité en utilisant le calcul de prédicat modal du 1er ordre s14Snyder, D. P. (1971): Modal Logic and Its Applications. Van Nostrand-Reinhold, New York. s15Bowen, K. A. (1979). Model Theory for Modal Logic: Kripke Models for Modal Predicate Calculi. Reidel, Dordrecht.. Des logiques épistémiques modales traitant partiellement ce qui est connu et ce qui est cru, crédible, plausible s16Rescher, N. (1964): Hypothetical Reasoning, North Holland, Amsterdam. s17Rescher, N. (1974). Studies in Modality. American Philosophical Quarterly Monograph Series, No. 8, Oxford., ou probable ont été étudiées mais ne montrent qu'une faible transitivité parce que quelque chose qui est possible ou probable n'est pas incompatible avec ce qui ne l'est pas. Soutenir le contraire revient à dire que tout ce qui l'est probablement l'est nécessairement et que ce qui ne l'est pas ne peut avoir de probabilité de l'être, des positions que l'on peut démontrer erronées s18White, A. R. (1975): Modal Thinking. Cornell Univ. Press, Ithaca, N.Y..

Faille observationnelle

Une faille fondamentale supplémentaire dans le paradoxe s19Freitas, R. A., Jr. (1983a): "The search for extraterrestrial artifacts (SETA).", J. Brit. Interplanet. Soc. n° 36, pp. 501-506. s20Hibbs, A. R. (1983): "Are we sure we are alone?" Discover n° 4(8), pp. 44-48. est l'extraordinaire faiblesse d'indice de non C. Non C n'est certainement pas vrai sur la base des éléments disponibles. Pas plus que C ne peut actuellement être démontré vrai, la non-vérité de non C n'est suffisante pour détruire toute inférence.

Par exemple, une limite de recherche observationnelle appropriée pour la taille d'une sonde messagère extraterrestre est de 1 à 10 m s21Freitas, R. A., Jr. (1983b): "If they are here. where are they? Observational and search considerations", Icarus, n° 15, pp. 337-343.. Les limites sphériques du système solaire Atrans-Plutonien inclut 260 000 UA3 et 1011 km2 de surface planétaire et astéroïdale. La limite de recherche continue de ciel est peut-être de +14 mag par les amateurs, plus une couverture intermittente jusqu'à +21 mag avec le Palomar Schmidt et +24 mag pour les meilleurs télescopes au sol. Ainsi les explorations actuelles n'ont même pas pu détecter une sonde de 1- à 10-m à plus de 0,01-1 UA de la Terre, et donc l'espace orbital héliocentrique est au moins à 99,999 % inexploré pour des artefacts de 1- à 10-m. Le télescope spatial ne peut matériellement améliorer cette situation à cause d'un champ étroit et d'un planning serré. Les données IRAS établissent de nouvelles limtes de recherche IR presque aussi bonnes que dans le visible ; les limites micro-ondes restent bien plus médiocres.

Moins de 10 % de la surface de la Terre, 1 % de la Lune, 0,1% de Mars, et 10-7 % de Vénus (total 5 x 107 km2) a été exploré à une résolution visible de 1- à 10-m. Cela laisse 99,96 % de la surface du système solaire (1,3 x 1011 km2) non examinée pour la recherche d'artefacts possibles. Des vaisseaux spatiaux interplanetaires et des télescopes au sol ont photographié des portions de certaines planètes et asteroïdes jusqu'à une résolution de 20 km, plus quelques tracts sur certaines planètes extérieures à 1-10 km. Des objets ensevelis ou submergés sont indétectables avec l'instrumentation actuelle. De grands habitats artificiels dans la ceinture d'astéroïdes s22Papagiannis, M. D. (1978): "Are we all alone, or could they he in the Asteroid Belt?", Q. J. R. Astron. Soc. n° 19, pp. 277-281. paraitrait visuellement indistinguables d'objets naturels, en particulier parce que la population de la ceinture est elle-même mal cataloguée. L'affirmation qu'un artefact résident nous alerterait de sa présence est une supposition injustifiée, insupportable et intenable.

Il y a eu quelques recherches sérieuses s23Freitas, R. A., Jr., & F. Valdes (1980): "A search for natural or artificial objects located at the Earth-Moon libration points", Icarus n° 42, pp. 442-447. s24Valdes. F., & Freitas, R. A., Jr. (1983): "A search for objects near the Earth-Moon Lagrangian points", Icarus n° 53, pp. 453-457. même pour des classes les plus probables d'artefacts observables, et aucune pour des classes moins probables. Un programme actif de Search for Extraterrestrial Artifacts (SETA) s25Freitas, 1983a s26b aiderait à combler ce fossé énorme et critique dans les données observationnelles.