Sommes-nous seuls, ou pourraient-ils être dans la ceinture d'asteroïdes ?

Michael D. PapagiannisPapagiannis, Michael D.: Quarterly Journal of the Royal Astronomical Society, Vol. 19, n° 3, pp 277-281, mardi 24 janvier 1978

(Département d'Astronomie, Université de Boston, Boston, Massachusetts 02215, USA

(Reçu le 24 janvier 1978)

Les observations selon lesquelles la vie a une tendance naturelle à s'étendre dans tout l'espace disponible, des civilisations technologiques avancées devraient être capables de s'engager avec une relative facilité dans le voyage interstellaire, et qu'une fois ce seuil franchi le colonisation complète de la Galaxie entière sera accomplie en un intervalle très court en comparaison à l'âge de la Galaxie, nous amènent au dilemne suivant : soit la Galaxie entière ruisselle de vie intelligente et notre système solaire doit donc avoir été colonisé il y a des millions d'années de cela, soit il n'y a pas d'autres habitants dans notre système solaire et par conséquent il n'y en a très probablement pas non plus ailleurs dans la Galaxie. Avant d'accepter, cependant, le verdict morne que nous soyons seuls dans la Galaxie, nous devons chercher attentivement à travers le système solaire tous signes d'autres civilisations technologiques. L'endroit le plus logique pour les rechercher semble être la ceinture d'astéroïdes en raison des nombreux avantages qu'elle offre à une société galactique vivant dans des colonies spatiales.

Un changement d'avis

L'optimisme euphorique des années 1960s et du début des années 1970s selon lequel la communication avec des civilisations extraterrestres semblait plutôt possible s1[Sagan 1973], est remplacé lentement depuis deux ou trois années s2[Hart 1975; Jones 1976; Shklovskii 1977] par une acceptation pessimiste que nous pourrions bien être la seule civilisation technologique dans toute la Galaxie. Ce changement d'avis a eut lieu à la suite des observations suivantes :

  1. La vie semble posséder une tendance naturelle à s'étendre comme un gaz pour occuper tout l'espace disponible. Ceci est évident, e.g. lorsqu'une algue gagne rapidement sur une piscine non surveillée, et a certainement été la caractéristique de l'homme qui après avoir conquis la planète entière est maintenant prêt à de nouvelles entreprises dans l'espace.
  2. Le voyage interstellaire semble facilement atteignable, en particulier dans l'intervalle de 0,01 à 0,1 c, par des sociétés technologiques avancées. L'établissement de colonies permanentes dans l'espace, telles qu'envisagées par O'Neill s3[1974], rendra possible pour des gens vivant toute leur vie dans ces colonies de se désengager émotionnellement de la planète mère. De telles colonies disposeraient de la force émotionnelle et de la cohérence pour entreprendre des voyages vers les étoiles voisines qui dureraietn plusieurs générations. La fusion nucléaire, avec un rendement de 0,007 mc2, peut devenir une source d'énergie très attractive pour de tels voyages à un efficacité Eta aussi faible que 10 à 20 %. Comme vu d'après la relation

    1/2MV2 = 0,007 Etamc2 mc2 (1)

    un vaisseau spatial de masse M sera capable d'atteindre des vitesse de V = 1–3 x 10-2c avec une charge de carburant m pas plus grande que M.
  3. Dans les dernières 100 années à peu près, les vitesses de voyages longs, sans arrêts (des trains aux vaisseaux spatiaux) ont augmenté de ~ 103 à 106 cm/s. Il semble raisonnable, par conséquent, d'anticiper une augmentation supplémentaire d'un facteur de 300 à 1000 dans les prochaines 100 à 200 années, en particulier avec l'utilisation de la fusion nucléaire. On peut également être optimiste sur l'autosuffisance des colonies spatiales, qui d'après les calculs de O'Neill pourraient même être une réalité avant la fin du siècle. Il semble, par conséquent, qu'avec un progrès technologique continu et sans le besoin de quelconques nouvelles découvertes majeures, nous puissions devenir capable d'entreprendre des missions stellaires dans quelques siècles. Ceci est un intervalle en termes cosmiques aussi bref que quelques minutes dans la vie d'un homme, ce qui signifie que notre civilisation est extrêmement proche de ce moment critique.
  4. Une fois le seuil du voyage interstellaire franchi la Galaxie entière sera colonisée en seulement quelques millions d'années, ce qui est une période très courte en comparaison de l'âge de 10 à 15 milliards d'années de notre Galaxie. Même en supposant un rythme d'expansion de 1 année-lumière par siècle (disons 500 ans pour un voyage de 10 années-lumières vers une étoile voisine adaptée, et 500 ans pour la construction d'une nouvelle colonie avant qu'elle puisse entreprendre d'autres missions stellaires), nous voyons que la Galaxie entière peut être conquise en moins de 10 millions d'années. Il est également clair que à mesure que de nouvelles colonies rejoingnent la vague de colonisation, il y aura tellement de voyageurs interstellaires qu'il n'y aura plus de place raisonnable dans la Galaxie restant innocupée.
  5. Les nombreuses caractéristiques attractives de notre système solaire (une étoile chaude et unique, se comportant bien, durant longtemps, entourée d'une multitude de planètes, lunes et astéroïdes divers) n'auraient pas pu être manquées par les colonisateurs, et par conséquent notre système solaire n'aurait pas pu être évité alors que la vague de colonisation balayait la Galaxie.
  6. Il est probable que les extraterrestres colonisateurs de notre système solaire, en particulier après leur longs voyages interstellaires, se soient accoutumés à la vie dans l'espace. En conséquence, non seulement ils n'auraient plus besoin d'une planète habitable sur laquelle s'installer, mais préfèreraietn plus probablement continuer à vvre dans des colonies spatiales. Les orbites de leur choix seraient à l'évidence celles fournissant l'accès le plus efficace aux ressources en matériaux et énergie.

De ce qui précède il s'ensuit que si des centaines de millions de civilisations intelligentes avaient évolué dans notre Galaxie pendant les plusieurs milliards d'années passés, comme suggéré par l'intégration de la formule de probabiltié DrakeSagan sur l'histoire entière de la Galaxie s4[Freeman & Lampton 1975], il semble alors inévitable que certaines de ces civilisations galactiques aient réalisé des voyages interstellaires et que toute la Galaxie, y compris notre système solaire, ait ruisselé de société technologiques avancées. A contrario, si nous sommes les seuls habitants technologiques de notre système solaire, alors il est plus probable que nous soyons aussi les seuls dans la Galaxie entière. Cette déduction implique que les valeurs communément utilisées pour l'un ou l'autre des facteurs de probabilité de la formule de Drake s5[Shklovskii & Sagan 1966; Kreifeldt 1971; Sagan 1973; Oliver 1975] doivt avoir été grossièrement surestimé s6[Papagiannis 1978].

Pourraient-ils être alentours ?

Nous en sommes, par conséquent, à l'étape où le test d'acidité de notre dilemne semble être de savoir si oui ou non notre système solaire est habité par une société extraterrestre avancée. Bien sûr il y a dans la littérature plusieurs rapports d'observations d'ovnis et même des histoires de rencontres dramatiques avec des extraterrestres. Il existe également plusieurs livres populaires, tels que ceux de von Daniken s7[1969], dans lesquels l'intervention d'extraterrestres dans cette planète est envisagée en d'innombrables occasions. Pourtant, cependant, il n'y n'existe aucune preuve convaincante d'aucune de ces histoires ou suggestions ; conformément au principe de Shklovskii selon lequel tous les événements devraient être considérés naturels à moins de la preuve du contraire la communauté scientifique reste non convaincue de visites de la Terre par des extra-terrestres. En conséquence, et en acord avec les éléments actuellement disponibles, nous tendons à penser que nous sommes la seule civilisation avancée habitant notre système solaire.

L'absence de preuve, cependant, ne devrait pas être prise comme une preuve de l'absence. Avant de nous résigner, par conséquent, à un acquiesement pessimiste que nous serions les seuls habitants technologiques de notre Galaxie, nous avons la responsibilité de rechercher de manière exhaustive d'autres sociétés avancées dans notre système solaire. La supposition que nous soyons seuls dans le système solaire est essentiellement basée sur la supposition que si d'autres étaient là ils auraient déjà établi contact avec nous, ou du moins que nous aurions été au courant de leur existence. Aucune de ces suppositions, cependant, n'est nécessairement vraie, bien qu'il soit possible que certaines des milliers d'observations d'ovnis puisse mériter une considération supplémentaire, comme suggéré par Hynek s8[1972].

La question la plus intriguante de l'ensemble du problème est la suivante :

si notre système solaire est effectivement habité par des extraterrestres, où est-il le plus probable de les trouver ? Dans les premiers temps des gens ont essayer d'identifier une des autres planètes de notre système solaire, le plus souvent Mars s9Lowell 1908, comme demeure d'une société extraterrestre. D'après la discussion ci-dessus cependant, il s'ensuit que les colonisateurs de notre système solaire sont fortement susceptibles de continuer à vivre dans des colonies spatiales, probablement à une distance raisonnablement proche du Soleil de manière à avoir un approvisionnement suffisant en énergie solaire pour leurs besoins, et plus probablement près de corps célestes de faible gravité à partir desquels ils obtiendraient tous les matériaux naturels nécessaires à la prospérité continue de leur civilisation.

Le choix de la ceinture d'astéroïdes

Dans ce cadre, il semble que la ceinture d'astéroïdes serait un lieu idéal pour que des extraterrestres y installent leurs colonies spatiales. Non seulement ils auraient un accès facile à l'ensemble des ressources naturelles en exploitant le minerai des astéroïdes, mais ils seraient aussi suffisamment proches du Soleil pour avoir une énergie solaire suffisant à leurs besoins. Il y a des années cette suggestion aurait paru déraisonnable, principalement parce que nous avions l'habitude de penser que la ceinture d'astéroïdes doit être pleine de débris pouvant être très dangereux pour tous vaisseaux spatiaux basés de manière permanente dans leur voisinage. Les missions Pioneer 10 et 11, cependant, s10[Kinard et al. 1974] ont découvert que la densité des météroïdes dans la ceinture d'astéroides diffère peu de tout autre endroit dans le système solaire, et que par conséquent la colonisation de la ceinture d'astéroides semble relativement faisable. Il y a également, bien sûr, les creux de Kirkwood dans la ceinture d'astéroïdes qui sont practiquement vides de tous astéroïdes. Un vaisseau pourrait rester là presque indéfiniment en compensant simplement les effets de marée de Jupiter par son propre système de propulsion.

On peut même envisager la possibilité que la grande fragmentation des composants de la ceinture d'astéroïdes puisse être le résultat de projets miniers par les colonies extraterrestres. Il est même concevable qu'ils aient essayé de garder la région propre de débris flottant librement pour leur sûreté. L'identification de colonies spatiales de taille de 1 à 10 km cachées dans la ceinture d'astéroïdes ne serait pas une tâche facile pour un observateur terrestre parce que depuis une longue distance ces colonies seraient pratiquement indistinguable des milliers d'astéroïdes naturels. Elles suivraient aussi les mêmes orbites autour du Soleil que les astéroïdes, qui seraient bien plus nombreux, le tout revenant par conséquent à chercher une aiguille dans une botte de foin. Ceci étant dit, avec des observations attentives dans le domaine radio, nous pourrions parvenir à détecter certaines fuites de bruit radio, des observations dans l'infrarouge pourraient révéler une température effective plus élevée que celle justifiée par leur distance au Soleil et enfin, des missions spatiales adaptées en conséquence vers la ceinture d'astéroïdes pourraient effectuer des écoutes fructueuses et pourraient même retourner des preuves photographiques directes. Le projet de recherche, par conséquent, bien qu'à l'évidence relativement difficile, est toujours dans les capacités de notre technologie actuelle et au regard des conséquences considérables de résultats positifs ou négatifs, devrait recevoir une considération sérieuse.

Pourquoi sont-ils silencieux ?

Quant à savoir pourquoi ils n'ont pas établi de contact avec nous, on peut penser à plusieurs réponses, y compris l'hypothèse du zoo de Ball s11[1973]. L'explication la plus simple, cependant, et par conséquent, peut-être la plus probable, pourrait être celle de la confusion et de l'indécision. Nos voisins hypothétiques étaient probablement habitués depuis des millions d'années à une Terre léthargique habitée par des formes de vie ne méritant pas d'effort de communication. Soudain, dans les 50 dernières années à peu près, ce qui est probablement un intervalle très court pour une société galactique bien installée, ils ont été confrontés à une société technologique se répandant de manière exponentielle (aéroplanes, communications radio, bombes nucléaires, vaisseaux spatiaux) ce qui doit sans doute leur causer de sérieuses préoccupations. Il est possible, cependant, que face à une explosion technologique si soudaine, une civilisation cosmique sereine soit perplexe et indécise quand à la manière de gérer la situation. Ils pourraient être en train de débattre pour savoir s'il faut nous écraser ou nous aider, et par conséquent ils pourraient simplement reporter leur décision, attendant de voir ce que nous faisons de nous-mêmes. Dans le même temps, la ceinture d'astéroïdes fournit une cache naturelle où ils peuvent rester innaperçus pendant un long moment jusqu'à ce que nous décidions d'aller à leur recherche.

Conclusions

En conclusion, bien que l'idée que la ceinture d'astéroïdes puisse héberger un certain nombre de colonies extraterrestres sonne comme de la science-fiction, les arguments présentés ci-dessus suggèrent que si il existe de quelconques colonies extraterrestres dans notre système solaire alors la ceinture d'astéroïdes semble être l'endroit le plus logique où les chercher. Avant d'accepter, par conséquent, le verdict morne que nous soyons tout seuls dans la Galaxie, nous avons une obligation d'investiguer avec attention cette possibilité, aussi éloignée soit-elle.

References :