OVNI, 1976 : la position officielle de l'armée de l'air par le responsable de l’étude du phénomène

Roussel, Robert: OVNI, la fin du secret, Belfond 1978, 1976
OVNI, 1976 : la position officielle de l'armée de l'air par le responsable de l’étude du phénomène

OVNI, 1976 : la position officielle de l'armée de l'air par le responsable de l’étude du phénomène

Roussel, Robert: OVNI, la fin du secret, Belfond 1978, 1976
s1Rhedae Magazine, dimanche 7 Mars 2010, Under Creative Commons License: Attribution Non-Commercial

En 1976, ce responsable était le lieutenant-colonel Alexis, directeur du Bureau Prospective et Études de l'armée de l'air, qui, pour les besoins d'une émission sur les ovnis dont je me suis occupé pour le compte de la station FR-3 de Nancy, nous a accordé une interview et a bien voulu répondre aux questions de ma consœur, Francine Buchi.

Buchi : Pour l'armée de l'air, le phénomène ovni semble exister, puisque cette armée a créé un bureau chargé de l'étudier...

Alexis : Sans parler du phénomène en lui-même, il est peut-être utile de rappeler quelles sont les origines qui ont conduit l'armée de l’air à s’occuper de ces objets. Sans le qualifier d'OVNI ou d'autre chose, disons qu'il s'agit d'un phénomène spatial non identifié. La genèse de cette affaire remonte à assez longtemps puisque à l’issue de la guerre 39-45, il a été créé, au ministère de l'Armée de l'air, un bureau qui s'appelait le Bureau Scientifique et Spatial. Tout naturellement, lors de la première vague de témoignages sur les phénomènes spatiaux non identifiés, ce bureau a été amené à constituer, en 1951, un dossier sur ces observations de façon à voir quelles étaient les corrélations possibles et localisations de ces phénomènes. En 1954, à la suite de l'intervention de 2 députés, une question écrite a été posée au secrétaire d'État à la Défense de l'époque qui a jugé nécessaire de confier officiellement cette affaire au Bureau Spatial de l'armée de l'air.

Buchi : Est-ce la multiplicité des témoignages qui a amené à la création d'un bureau d'étude?

Alexis : Oui. Vous vous souvenez que l'année 1954 fut une année assez féconde en témoignages pour l'ensemble de la France, et la presse locale et nationale a commenté largement les faits. A tel point que 2 parlementaires, M. Jean Nocher et M. Léotard, ont jugé nécessaire de poser par écrit au secrétaire d'État à la défense de l'époque la question de savoir ce que faisaient les armées dans cette affaire.

Buchi : Maintenant, combien de dossiers avez-vous?

Alexis : En prenant tous les témoignages depuis 1951, on peut dire, en gros, que nous avons reçu plus de 2000 dossiers.

Buchi : Est-ce qu'aujourd'hui, en 1976, on en sait plus sur ces phénomènes que nous appellerons, pour plus de commodité, ovnis ?

Alexis : Si vous y tenez, appelez-les ovnis. Je crois qu'il y a 2 choses à considérer. La 1ère est celle-ci : quel est le rôle confié réellement à l'armée de l'air dans cette affaire ? Ce rôle est extrêmement limité. Il s'agit de voir à travers les témoignages si un certain nombre de relations de faits intéressent ou non la Défense nationale. A l'heure actuelle, on peut dire que, depuis 1951, aucun témoignage ne met en cause la Défense française ni l’espace aérien français. Comme vous le montreront un certain nombre de statistiques, nous n'avons observé aucun cas d'agressivité, aucune localisation particulière d'ovni, soit sur des sites militaires, soit sur des zones industrielles, soit sur des villes, etc. En bref, ces observations restent très aléatoires. Puisqu'il est clair, à travers ces témoignages, que la Défense nationale n'est pas en cause, vous concevrez aisément qu'il n'appartient pas aux militaires de se prononcer sur la nature réelle de ce phénomène. Nos dossiers, après avoir été exploités sur le plan de la Défense aérienne, avec les principales constatations que nous avons faites, à savoir que, présentement, ce phénomène est absolument inoffensif pour la population française, sont transmis à des scientifiques afin que ceux-ci accomplissent leur travail, c'est-à-dire cherchent à déceler, si possible, l'origine de ces phénomènes. Nous envoyons actuellement ces dossiers au Centre National d'Études Spatiales, le CNES, où M. Claude Poher est chargé de faire l'analyse et, pratiquement tous les ans, nous recevons un rapport des constatations effectuées par ces chercheurs.

Buchi : Les observations ou conclusions des scientifiques vous sont donc communiquées?

Alexis : Les observations des scientifiques nous sont, en effet, rapportées, ce qui nous permet d'avoir une vision globale du phénomène et non de s'y attacher cas par cas.

Buchi : A partir de cette vision globale, pouvez-vous dire que le phénomène ovni existe?

Alexis : Je crois qu'il faut aborder cette question avec la plus grande ouverture d'esprit possible et vous dire ce que nous connaissons dans ce domaine. Il est possible, actuellement, de corréler à peu près 80 à 82 % des observations faites par des gens de bonne foi, observations très précises avec des événements que nous appelons aérospatiaux connus. Il reste donc à peu près 16 % de cas. Dans 12 % de ces 16 % restants, il y a un doute mais il reste une forte présomption pour que ce phénomène soit quelque chose que l'on puisse appréhender comme étant un phénomène connu. Il reste néanmoins environ 4 % des cas pour lesquels les chercheurs ou les organismes officiels sont incompétents et ne connaissent pas l'origine.

Buchi : Quelle est la définition de ces cas irréductibles?

Alexis : Pour ces cas irréductibles, nous avons pris des précautions, disons scientifiques. Parmi les cas que nous estimons crédibles, il faut remplir un certain nombre de critères. Que les témoins soient connus, que le rapport ait été transmis à la Gendarmerie nationale et qu'au moins 2 personnes adultes aient vu le phénomène. Vous pouvez penser que l'on prend beaucoup de précautions, mais dans une affaire, si l'on veut rester large d'esprit tout en l'abordant sous une couverture scientifique, je crois qu'il est sage de prendre un certain nombre de précautions ! Les autres cas sont mis en mémoire pour être traités ultérieurement. En résumé, on peut dire que ces 4 % de cas restants ne peuvent être corrélés avec aucun phénomène, soit physique, soit aérospatial, connu. Il y a donc une ignorance actuelle de la science quant à la solution de l'énigme posée.

Buchi : 4 % sur 2600 rapports?

Alexis : A peu près. Entre 2000 et 2600.

Buchi : A-t-on établi des statistiques sur l'observation du phénomène ovni ?

Alexis : Oui. M. Claude Poher a fait des statistiques dans le sens d'une recherche et d'une approche du phénomène sur un plan global. On constate que l'échantillonnage de la population française qui a observé un certain nombre de phénomènes spatiaux non identifiés est connu. Il n'y a pas de dominante parmi les couches de la population française qui effectuent ces observations. On peut noter, peut-être, que 20 % de techniciens voient les phénomènes ovnis. Il n'y a par contre que 5 % d'astronomes et de chercheurs qui assistent à ce type de manifestations. Mais toute la population est touchée à deux exceptions près, quand même, qu'il convient de signaler. Parmi les pilotes civils et militaires, qui représentent 10% des observations, pour les militaires qui sont tout de même présents dans l'espace national 24 h/24, on ne note que 1 % des témoignages sur ces phénomènes disons non identifiés, et ion retrouve le même pourcentage parmi les contrôleurs radars. Cela s’explique puisque, en fait, une des caractéristiques du phénomène que l'on nomme OVNI est qu'il résiste à l'analyse d'instruments scientifiques. La source d'information fondamentale est une source orale ou visuelle. En effet, en France comme à l'étranger, les radars ne voient pas ces phénomènes et de nombreux pilotes de chasse, également équipés de radar, ne les enregistrent pas ; il en est de même pour les radars météo et les radars civils.

Buchi : Peut-il s'agir d'engins secrets, de prototypes?

Alexis : A vrai dire, je ne le pense pas pour la raison suivante : tous les chercheurs mondiaux s'accordent à dire que si une civilisation terrestre possédait une telle avance technologique, à savoir passer en un instant d'une vitesse pratiquement nulle à une vitesse dépassant 6 fois le mur du son, être imperméable aux radars, ne pas être vu par nos chasseurs assurant la surveillance du ciel, il est fort probable que, dans la course aux armements, aucune de ces nations ne se serait privée de cette technologie. Là, je crois que tous les savants du monde entier s'accordent au moins sur ce point, c'est-à-dire qu'il est peu probable que ce soit une technologie terrestre.

Buchi : Quelle est la vision globale de l'armée de l'air à propos du phénomène ovni ?

Alexis : La vision globale de l'armée de l'air, indépendamment de ce que j'ai dit tout à l'heure, et qui apparaît à travers des statistiques, est la suivante.

Toutes les couches de la population voient le phénomène et font des déclarations. La gendarmerie, qui exploite ces rapports, le fait très sérieusement avec un souci minutieux permettant justement, grâce aux détails enregistrés, de retrouver les phénomènes spatiaux. Donc, on ne peut mettre en cause, je crois, les 4 % de témoignages qui existent et que l'on ne peut expliquer, puisque dans 95 % des cas ou 80 % des cas, si vous voulez, on a la certitude que, en un instant donné, en un lieu donné et dans un environnement donné, ces gens-là ont bien vu quelque chose. Voilà le 1er point.

On peut dire également que la répartition dans la population en tranche d'âge reflète assez bien celle que l'on retrouve pour l'ensemble de la population française, à savoir que 64 % des témoins se situent entre 21 et 51 ans. C'est un 2ᵉ point.

On note également, en analysant ces témoignages, qu'il n'est pas anormal que des gens qui ne sont pas familiarisés avec tous les phénomènes aéronautiques, spatiaux ou physiques, trouvent des choses étranges et que les spécialistes, eux, arrivent justement à analyser ces phénomènes et leur donnent une origine naturelle. C'est une chose qu'il est important de souligner : les personnes non averties voient bien des phénomènes qui, pour elles, sont étranges, et il est tout à fait normal que des gens dont c’est le métier et qui sont spécialisés dans ces recherches puissent reconstituer, par leurs connaissances, un certain nombre de phénomènes.

Examinons maintenant plus précisément les observations et leurs particularités. Leur durée est très variable; elle peut être de 1 h ou de 10 s, avec une moyenne de 41 % se situant entre 1 mn et 19 mn. On retrouve, notamment, un maximum d'observations en ciel clair pour 60 % des cas. Les distances varient également ; 38 % des observations sont faites à une distance supérieure à 3 km, très peu sont vues à une distance inférieure à 20 m et 10 m. En gros, on note entre 3 et 7 % d'observations entre 20 et 10 m. En ce qui concerne le phénomène lui-même, et c'est là que réside toute la complexité de cette analyse, on note depuis 1951, en France, 20 cas signalés d'atterrissages dans des lieux divers, aussi bien à proximité des zones urbaines que d'habitations isolées ou dans des régions de plaines à très faible densité de population. Dans la description des formes, on retrouve la même diversité. Elles vont de la coupole à l'ovoïde en passant par le cigare, le disque, la boule et, apparemment, à travers nos statistiques, on ne peut pas privilégier une forme plutôt qu'une autre. On peut tout de même dire que, dans les formes rondes, circulaires et en forme de boule, on trouve à peu près 30 % des cas signalés.

Buchi : S'il y a eu atterrissage déclaré, en a-t-on fourni la preuve?

Alexis : Nous possédons actuellement dans nos dossiers 8 cas d'observations avec traces laissées après l'atterrissage sur le sol. Ces traces sont extrêmement variables puisqu'elles vont de 3 points à 4, 5 ou 6 points, et qu'elles sont de forme triangulaire, ronde ou autre. Il est à signaler, cependant, que nous ne possédons, pas plus, du reste, que les groupes de recherches privés qui s'intéressent à cette affaire, aucune photo d'ovni au sol, aucune photo de petits êtres étranges ou d'humanoïdes et, jusqu'à ce jour, aucun débris de ces engins n'a été retrouvé. Donc, la seule preuve, la seule marque physique de ces atterrissages consiste en ces 8 témoignages de traces relevées au sol et confirmés par la gendarmerie. Pour vous faire toucher la complexité de la question, je vais vous donner une série de statistiques que nous avons établies à la suite des observations que nos services détiennent. Ainsi, pour ce qui touche la luminosité, on retrouve une dispersion très grande dans les statistiques, puisque 42 % des gens ont vu des objets lumineux, 15 % sous forme éclatante, 1 % seulement sous forme non lumineuse, 14 % sous diverses formes avec lumières ou clignotants. Les dimensions de ces phénomènes varient de 1 m à 70 m avec le même étalage de dispersion qui s'échelonne de 38 % à 4 % pour les objets les plus petits aux objets les plus longs. On retrouve les mêmes données en ce qui concerne la vitesse. 12 % ont observé des phénomènes supersoniques, 43 % des phénomènes passant successivement du vol stationnaire aux accélérations très brutales, 23 % des objets sont lents, 12 % des objets sont immobiles. Quant aux trajectoires, elles sont aussi diverses. Elles sont de 35 % pour les observations rectilignes, de 45 % pour des trajectoires dites anormales en forme d'arabesques ou, disons, défiant les lois de l'aéronautique et, enfin, 20 % ont aperçu des phases d'immobilisme. Les effets produits au cours de telles apparitions sont très divers également, mais on doit retenir dès maintenant une caractéristique dominante, c'est l'absence totale de bruit pour 70 % des témoignages. Seulement 15 % de gens disent avoir entendu un sifflement ou un autre bruit. Pour les effets thermiques, 97,27 % dans la population affirment ne pas avoir ressenti d'effets thermiques. Seulement 1,37 % ont constaté des effets pouvant faire songer à des émanations calorifiques. Pour ce qui touche l'apparition des fameux rayons lumineux, on peut dire que 92 % des témoins n'ont pas relevé ce type de phénomènes et il en est de même pour 1 odeur où 98 % des observateurs affirment ne pas en avoir décelé. Parlons maintenant des effets sur les témoins. Ils confirment ce que nous disions tout à l'heure. Ce phénomène, du moins jusqu'à aujourd'hui, est absolument inoffensif pour ce qui a trait aux préoccupations essentielles de l'armée de l’air, à savoir une éventuelle menace sur le territoire. Traces de maladie : aucune, à l'exception de quelques éruptions de boutons dont certains médecins affirment qu'elles sont consécutives à la peur, comme nous le verrons tout à l'heure. Maux de tête : pratiquement nuls. Paralysie temporaire et évanouissements: 2,73 % seulement. Décès, nausée, viol et agression : rien. Peur : seulement 8,18 % des témoins en parlent, et, là, les témoins français sont beaucoup plus courageux que ceux de l'étranger dont le pourcentage rapportant ce sentiment est, paraît-il, plus important. Le pourcentage se rapportant aux pannes de moteur est très faible : on compte simplement 1,82 % des personnes qui déclarent avoir vu le leur s'arrêter mais qui ne savent pas très bien si c'est la peur qui les a fait caler ou alors si c'est le moteur qui s’est arrêté de lui-même. Les actions prolongées sur la végétation donnent un pourcentage infime, moins de 0,40 %. Aucune panne de télé, de radio, d'électricité dans le réseau public ou dans le réseau radio ou de télévision nationale n'a été constatée.

Buchi : En conclusion, il semblerait donc que ce phénomène ne soit pas dangereux?

Alexis : Je crois que c'est le point de vue que partagent non seulement tous les chercheurs mais, également, toutes les armées de l'air mondiales. Ce phénomène, jusqu'à preuve du contraire, ne révèle aucun acte d'agression caractérisé envers les personnes civiles ou militaires ou envers les biens. Enfin, à notre connaissance, il n'existe pas de lieux privilégiés d'observation.

Buchi : Quel est le pourcentage de personnes ayant aperçu des êtres vivants ou des humanoïdes ?

Alexis : C'est un pourcentage extrêmement faible qui ne dépasse pas 1 %. L'aspect de ces humanoïdes est extrêmement varié. Il va de la représentation d'un être physique ressemblant à un humain au sac de pommes de terre en passant par les formes les plus diversifiées. Je crois que les chercheurs s'accordent à dire que, sous le coup de l'émotion, bien que ces témoignages ne puissent pas être mis en cause, il y a probablement un phénomène secondaire pouvant engendrer l'apparition de certains effets psychologiques inconnus.

Buchi : Il est très difficile de classer objectivement le phénomène ovni ?

Alexis : Eh bien, malheureusement ou heureusement, selon les points de vue, c'est ce que je crois avoir démontré. La diversité des formes, des couleurs, des vitesses, des localisations, des apparitions, l'absence de preuves, disons matérielles, photos au sol, découverte de débris, interdit de cataloguer ce phénomène comme étant un phénomène de type matériel. Ce qui ne veut pas dire qu'il relève de la physique. Je rappelle, enfin, qu'il n'appartient pas à l'armée de l'air de se prononcer sur l'origine de ce problème au plan scientifique alors que les chercheurs sont impuissants, avec tous leurs moyens, à en déterminer l'origine.

Buchi : Cependant, est-ce que les pilotes n'ont pas des instructions particulières concernant les ovnis ? Ne leur demandez-vous pas d'essayer d'entrer en communication avec eux, voire de les intercepter, ou même de les abattre ?

R. Depuis 1954, les instructions du ministère de l'Armée de l'air sont parues justement pour codifier et quantifier ces témoignages. Lorsqu'un phénomène est signalé par nos stations radar comme étant non identifié, c'est-à-dire comme n'étant pas réellement un avion militaire français, eh bien, il est tout à fait normal que la Défense aérienne se mette en œuvre. Or, je crois l'avoir déjà souligné, nos pilotes, qui sont en l'air en permanence et qui effectuent près de 500 000 heures de vol par an, constatent que nos radars sont impuissants à voir ces phénomènes sauf pour des cas particuliers très rares. En fait, en France, officiellement il n'y a que 4 cas depuis 1951, dont 3 ont été corrélés avec des phénomènes connus aujourd'hui. Sur le plan de la Défense nationale, on peut en conclure, comme l'avait souligné M. Galley en 1974, alors ministre de la Défense, qu'il n'y a pas menace pour la population. Sur un plan scientifique, nous sommes obligés de constater que dans 4 % des cas, la science est, à l'heure actuelle, impuissante à expliquer le phénomène. Ceci n'est peut-être pas trop anormal. Il suffirait de se rappeler qu'il a fallu 250 ans à nos chercheurs pour pouvoir analyser et décrire le phénomène du gaz des marais ou des feux follets et qu'il a fallu 350 ans pour comprendre et maîtriser la foudre.