1980

[...] (quelques jours plus tard)

Werner Von Braun n’est pas l’inventeur des V.1 et V.2…….

Le temps s’écoulait mais j’en perdais pratiquement la notion. Depuis combien de temps étais-je dans cet endroit bizarre ou l’on enfermait, indifféremment, aussi bien les fous, « les individus dangereux » que les lepreux? 4, 5, 6 jours? Comment savoir avec ces piqûres journalieres qui me maintenaient dans un etat semi-comateux.

Et toujours les interrogatoires, la sempiternelle question: Vous n’avez pas tout dit, n’est-ce pas ?

Un matin, la porte s’ouvre:

Habillez-vous Dewilde, on y va.

Où ? Quelle importance! Je me sens habité par une espèce de fatalisme a toute epreuve, car l’échéance est fatale: Je m’en sortirai, d’une manière ou d’une autre, sans avoir a intervenir personnellement.

Quant à expliquer ce sentiment, cela m’est impossible: je sais, voila tout.

Une nouvelle fois,le fourgon. Une heure de route. Je n’ai ni ceinture ni lacets.

En descendant du fourgon, je découvre un camp militaire qui est, en fait, une ancienne prison civile. La fête continue: médecins, interrogatoires, piqûres. Je me souviens du conseil de l’infirmier « l’individu classé dangereux » se fait doux comme un agneau, mais il ne rajoute rien a ses dépositions précédentes.

Durant trois jours, c’est l’habituel carrousel: hopital, camp militaire, camp militaire, hopital: Ils sont inlassables. Moi aussi.

Ils optent enfin pour le camp militaire où le médecin est un commandant qui officie dans le service du professeur Merle d’Aubigne. J’y demeure quelques jours.

Aujourd’hui, en 1980, je me demande si les autorités qui me détenaient n’ont pas commis une regrettable erreur en me laissant parler à un autre détenu, lui aussi classé « dangereux » ou « fou », et avec lequel j’ai longuement conversé, il ne m’a paru ni dangereux, ni fou.

Il s’agit du savant Georges Claude qui voulut vendre son invention a la France, laquelle refusa parce qu’elle jugeait cette invention aussi inutile que coûteuse. Georges Claude trouva acquéreur en Allemagne et les nazis attribuèrent la paternité de l’invention à Werner von Braun !

On m’accuse, maintenant de trahison ! me dit Georges Claude.

Mais si j’ai trahi, pourquoi n’informe-t-on pas l’opinion publique ?

Parce que j’aurais mon mot a dire!

Intéressante digression, non ?

Est-ce bien cela que vous avez vu ?

Electrochocs, penthotal, séances d’hypnose, finalement, a mon insu, j’ai probablement parlé. Mais n’anticipons pas. On m’eveille en pleine nuit, on m’emmène jusqu’au fourgon qui, a l’aube, stoppe au bord de la mer. Laquelle ? Je n’en sais rien. Je suis encore sous l’effet des « calmants ». J’entends cependant le bruit des vagues dans l’obscurité de la nuit et je respire, à pleins poumons, l’air salin.

On me pousse vers des marches que je descends, me voici devant un blockhaus surveillé, gardé par des fusiliers marins. L’officier qui m’accompagne désigne des meurtrières dans la masse de béton.

Regardez a l’intérieur.

J’obtempère tétanisé, je n’en crois pas mes yeux.

L’officier me murmure a l’oreille:

Est-ce bien cela que vous avez vu ?

Dans une grande pièce à l’intérieur de l’édifice, je vois un énorme engin de forme lenticulaire, long d’environ dix mètres et parfaitement éclairé.

Je l’observe tandis qu’il se situe en contrebas par rapport à mon angle de vision.

Est-ce que l’engin que vous avez vu ressemble a celui-ci ? insiste l’officier.

Je déglutis difficilement.

Il m’est impossible de répondre affirmativement, car je n’ai vu aucun détail lors de la nuit du 10 septembre, sinon la forme approximative de l’engin.

A ma grande surprise, l’officier semble se contenter de cette réponse. Il me laisse tout a mon observation qui ne durera pas moins de trente minutes, après quoi, on m’a ramené chez moi, à Quarouble.

Etait-ce bien la fin du cauchemar ?

L’armée récupère la boite

Il n’y avait pas un quart d’heure que j’étais de retour à Quarouble qu’une Jeep de l’armée de Terre s’arrêtait devant la maison. A son bord: un commandant, un capitaine et deux hommes de troupe en armes. Suivi de près par le capitaine, le commandant s’approcha:

Monsieur Dewilde, donnez-nous la boîte.

La boîte ? Quelle boîte ?

Allons… vous savez bien la boîte

Je ne sais pas de quoi vous parlez.

Nous savons ou elle se trouve, monsieur Dewilde.

– Eh bien, dans ce cas, vous n’avez qu’a la prendre.

Le commandant eut un sourire circonspect.

C’est ce que nous allons faire.

À mon grand étonnement, je vis les deux officiers et les deux soldats se diriger vers la cave. Ils réapparurent quelques instants plus tard avec la boite !

Monsieur Dewilde, déclare le commandant, on vous paiera cet objet. On vous le paiera très cher. La somme que vous recevrez sera vraiment très importante.

Je n’ai plus jamais entendu parler de la boite, quant à l’argent promis par le commandant, celui-ci a du oublier de me le faire parvenir…

[...]