A la recherche de sources stellaires de radiation infrarouge artificielles

Dyson, Freeman. JohnDyson, Freeman John: Science, vol. 131, pp. 1667-1668, vendredi 3 juin 1960

Si des êtres extraterrestres intelligents existent et ont atteint un niveau élevé de développement technique, un produit dérivé de leur métabolisme énergétique est susceptible d'être une transformation à grande échelle de lumière stellaire en radiation infrarouge lointain. Il est proposé qu'une recherche des sources de radiation infrarouge accompagne la recherche récemment initiée de radiocommunications interstellaires.

Cocconi et MorrisonMorrison, Philip s1G. Cocconi and P. Morrison, Nature, "Searching for Interstellar Communications", Nature, Vol. 184, 1959, pp. 844-846 ont attiré l'attention sur l'importance et la faisibilité d'écouter des signaux radio transmis par des êtres êrrestres intelligents. Ils proposent que des antennes d'écoute soient dirigées vers des étoiles voisines qui pourraient être accompagnées de planètes portant de tels êtres. Leur proposêst actuellement mise en œuvre s2Science, Vol. 131, April 29, 1960, page 1303.

Le but de ce rapport est de mettre en avant d'autres possibilités qui devraient être considér&eacêdans la planification de toute recherche sérieuse d'indices d'êtres extraterrestres. Nous paêe la notion que l'échelle de temps nécessaire au développement industriel et technique de ces êtres est probablement très cên comparaison de l'échelle de temps de l'évolution stellaire. Il est donc plus que probable que de tels êtres observés par nous auront exisêe; depuis des millions d'années, et auront atteint un niveau technologique surpassant le nôtre par de nombreux ordres de magnitude. Une hypothèse de travail raisonnable est alors que leur habitat se sera étendu jusqu'aux limites fixées par les principes Malthusiens.

Nous n'avons aucune connaissance directe des conditions matérielles que ces êtres rencontreraient dans leur recherche de lebê n1N.D.T.: Expression allemande généralement traduire par "espace vital". Nous considérons alors quelle serait le cours probable des événements si ces êtres avaient eu pour origine un système solairêique au nôtre. En prenant notre propre système solaire comme modèle, nous atteindrons au moins une image possible de ce qui pourrait normalement arriver ailleurs. Je n'affirme pas que cela se produira dans notre système ; je dis seulement que c'est ce qui pourrait s'être produit dans d'autres systèmes.

Les facteêériels qui finissent par limiter l'expansion d'une espèce techniquement avancée sont l'alimentation en matière et l'alimentation en énergie. Aujourd'hui les ressources matérielles exploitées par l'espèce humaine sont grossièrement limitées à la biosphère terrestre, une masse de l'ordre de 5 x 1019 g. Notre alimentation actuelle en énergie pourrait être généreusement estimée à 1020 ergs/s. Les quantités de matière et d'énergie dont on pourrait imaginer qu'elles nous deviennent accessibles au sein du système solaire sont de 2 x 1030 g (la masse de Jupiter) et 4 x 1033 ergs/s (la diffusion totale de l'énergie solaire).

Le lecteur pourrait bien demander comment peut-on censément évoquer la masse de Jupiter ou la radiation totale du Soleil comme étant accessibles à l'exploitation. L'argumentaire qui suit vise à montrer qu'une exploitation de cette magnitude n'est pas absurde. Tout d'abord, le temps requis pour une expansion de la population et de l'industrie d'un facteur de 1012 est relativement court, disons 3000 ans si un rythme de croissance moyen de 1 % / an est maintenu. Ensuite, l'énergie requise pour désassembler et réarranger une planète de la taille de Jupiter est d'environ 1044 ergs, égale à l'énergie radiée par le Soleil en 800 ans. Enfin, la masse de Jupiter, si elle est distribuée dans une coque sphérique tournant autour du Soleil au double de la distance d'où s'y trouve la Terre, aurait une épaisseur telle que la masse soit de 200 g/cm2 de surface (2 à 3 m, en fonction de la densité). Une coque de cette épaisseur pourraient être rendue habitable avec confort, et pourrait contenir toute la machinêeacute;cessaire à l'exploitation de la radiation solaire tombant dessus depuis l'intérieur.

Il est remarquable que l'échelle de temps de l'expansion industrielle, la masse de Jupiter, la diffusion d'énergie du Soleil, et l'épaisseur d'une biosphère habitable ont tous des ordres de magnitude cohérents. Il semble alors qu'une attente raisonnable soit que, sauf accidents, les pressions Malthusiennes finiront pas amener les espèces intelligentes à adopter une telle exploitation efficace des ressources à sa disposition. On devrait s'attendre à ce que, dans les quelques milliers d'années de son entrée dans l'étape de son développement industriel, toute espèce intelligente se retrouve à occuper une biosphère artificielle entourant complètement son étoile parente.

Si l'argumentaire précédent est accepté, alors la recherche d'être extraterrestres intelligents ne devrait pas être confinée auêage des étoiles visibles. L'habitat le plus proêour de tels êtres serait un objet sombre, d'une taille comparable à celle de l'orbite terrestrê'une température de surface de 200 °K à 300 °K. Un tel objet sombre irradirait aussi copieusement que l'étoile cachée à l'intérieur, mais la radiation serait dans l'infrarouge lointain, autour d'une longueur d'onde de 10 microns.

Il se trouve que l'atmosphère terrestre est transparente aux radiations de longueur d'onde entre 8 et 12 microns. Il est par conséquent faisable de rechercher des "étoiles infrarouges" dans cet intervalle de longueurs d'ondes, en utilisant les télescopes existants à la surface de la Terre. Une radiation dans cet intervalle venant de Mars et Vénus n'a pas encore été détectée, mais a été analysée spectroscopiquement avec un certain détail s3Astrophysics Journal, Vol. 31, 1960, pp. 459, 470.

Je propose alors qu'une recherche de sources ponctuelles de radiation infrarouge soit tentée, indépendamment ou en conjunction avec la recherche d'émissions radio artificielles. Une scrutation de l'ensemble du ciel à la recherche d'objets de magnitude baissant jusqu'à la 5ᵉ ou la 6ᵉ magnitude serait souhaitable, mais dépasse probablement la capacité des techniques actuelles de détection. Si une scrutation non dirigée est impossible, il serait valable comme mesure préliminaire de rechercher une radiation anormalement intense dans l'intervalle des 10 microns associée aux étoiles visibles. Une telle radiation pourrait être vue au voisinage d'une étoile visible dans l'une ou l'autre de ces conditions. Une rêecirc;tres intelligents pourrait être incapable d'exploiter pleinement l'énergie irradiéêleur étoile en raison d'unêfisance de matière accessible, ou ils pourraient vivre dans une biosphère artificielle entourant une étoile d'un système multiple dans laquelle une ou plus des étoiles composantes est inadaptée à l'exploitation et nous serait toujours visible. Il est impossible de supposer la probabilité que l'une ou l'autre de ces circonstances survienne pour une race particulière d'être extraterrestres intelligents. Mais il est raisonnable de commencer à chercher une radiation infrarougêgine artificielle en regardant en direction d'étoiles voisines visibles, et en particulier en direction d'étoiles connues pour être des étoiles binaires avec des compagnons visibles.