Le paradoxe de Fermi

Seth D. BaumJacob D. Haqq-MisraShawn D. Domagal-Goldman: Acta Astronautica, 2011, 68(11-12): pp. 2114-2129, vendredi 22 avril 2011

Même si des IET existent dans le voisinage galactique, cela ne veut pas nécessairement dire que la communication avec eux sera possible ou évidente. Un défi majeur est de sélectionner la fréquence sur laquelle diffuser et écouter s1Drake, F.D. & Sagan, C.: "Interstellar radio communication and the frequency selection problem", Nature n° 245 (1973) pp. 257-258. 29. Le spectre électromagnétique consiste en un continuum de longueurs d'onde pour une communication qui comprend les bandes radio, micro-onde, infrarouge, visible, ultraviolette et des rayon X. Chercher dans tout cet intervalle est une tâche monumentale et pratiquement impossible, et nous choisissons donc des longueurs d'onde particulières qui semblent plus probables pour une communication interstellaire. Par exemple, la transition hyperfine de 21 cm de hydrogène neutre fut la 1ère suggestion pour une longue d'onde de communication s2Cocconi, G. & Morrison, P.: "Searching for interstellar communications", Nature, 184 (1959) pp. 844-846.. Ce trou d'eau à une longueur d'onde de 18 cm est un autre choix populaire pour la SETI s3Drake, F.D. & Sagan, C.: "Interstellar radio communication and the frequency selection problem", Nature n° 245 (1973) pp. 257-258. 29, et une analyse récente a suggéré que nous nous concentriions vers des fréquences plus élevées s4Benford, G. & Benford, J. Benford, D.: "Searching for cost-optimized interstellar beacons", Astrobiology n° 10 (2010) pp. 491-498.. Cependant, parce qu'il existe un nombre infini de longueurs d'ondes pour la communication interstellaire, nous devons admettre la possibilité que des IET puissent émettre ou écouter à des longueurs d'ondes que nous n'avons pas encore envisagé. Reste aussi la possibilité que des IET n'utilisent pas de radiation électromagnétique pour la communication mais aient au lieu de cela découvert une autre méthode (potentiellement plus efficace) pour échanger de l'information sur des distances astronomiques.

La communication via radiation électromagnétique est limitée par le temps mis pour un signal à atteindre sa destination, i.e., la vitesse de la lumière. Sur Terre, la communication électromagnétique est pratiquement instantanée en raison des faibles distances impliquées. Cependant, la communication galactique intervient sur des distances astronomiques de sorte que même un message voyageant à la vitesse de la lumière prendra longtemps à atteindre sa destination. Par exemple, la communication avec une IET sur une planète à juste 50 années-lumières de distance – ce qui est relativement proche selon les standards galactiques – s'étalera sur une période de 100 ans. Comme Sagan s5Sagan, C.: Communication with Extraterrestrial Intelligence (CETI), MIT Press, Cambridge, MA, 1973. le fait remarquer, cela fait de la communication avec une iET un projet intergénérationnel : une communication efficace sur des distances astronomiques demandera une coopération sans précédent qui couvre le temps de plusieurs vies humaines. Cette difficulté à communiquer sur de si grandes distances pourrait aussi limiter la capacités des IET à s'engager dans une guerre interstellaire pour la simple raison que le problème des communications rend une telle guerre trop logistiquement difficile à coordonner s6Ćirković, M. M.: "Observation selection effects and global catastrophic risks", in: Bostrom, N. & Ćirković, M.M. (Eds.), Global Catastrophic Risks, Oxford University Press, Oxford, 2008, pp. 120-145. ; les entreprises pacifiques comme la formation d'un Club Galactique pourraient être confrontées à des défis logistiques. Ces limites physiques sur la communication interstellaire par des IET sont à leur tour des limites quant à la manière dont les IET pourraient plus généralement entrer en contact avec l'humanité et l'affecter.

Une autre implication de ces longs temps de communication à travers la galaxie est que les IET pourraient être alertées de notre présence sans que nous le réalisions. La communication par ondes électromagnétiques sur Terre est utilisée depuis presque une centaine d'années, durant laquelle nos émissions radio, télévisées et conversations sur téléphones mobiles ont fuité dans l'espace de manière isotrope. Si des IET nous recherchent tout comme nous les cherchons, i.e. en scrutant le ciel à des longueurs d'onde radio et optique à la recherche de tout type de communication interstellaire s7Tarter, J.: "The search for extraterrestrial intelligence (SETI)", Annual Review of Astronomy and Astrophysics n° 39 (2001) pp. 511-548. 28, alors ils pourraient détecter nos signaux perdus. Des IET avancées à moins de 100 années-lumière pourraient recevoir nos premières émissions radio ; celles à moins de 50 années-lumière pourraient voir nos émissions télévisées s8Scheffer, L.: "Aliens can watch 'I Love Lucy'", Contact in Context, vol. 2 (2004) v2i1/lucy.pdf.; et ceux à moins de 10 années-lumières pourraient recevoir nos premières tentatives METI intentionnelles s9Zaitsev, A.L.: "Sending and searching for interstellar messages", Acta Astronautica n° 63 (2008) pp. 614-617.. Ainsi, la radiation qui s'est non-intentionnellement échappée et a été transmise depuis la Terre pourrait avoir déjà alerté n'importe quelle IET voisine de notre présence et pourrait au final alerter des IET plus éloignées. Une fois les IET alertées de notre présence, cela prendra au moins autant de temps pour que nous réalisions qu'ils savent que nous sommes là. Durant ce temps, les IET peuvent répondre à notre présence ou se préparer au contact de manières que nous ne connaissons pas ni influencer.

Même si l'humanité peut parvenir à échanger des signaux avec des IET, il n'y a aucune garantie que l'information sera communiquée avec succès. Pour que des informations soient échangées, il est aussi nécessaire qu'humains et IET comprennent chacun le contenu des messages de l'autre. Il sera certainement difficile au départ de communiquer quoi que ce soit de subjectif quant au vécu, aux émotions et aux expressions humaines, de sorte que la conversation mathématique pourrait constituer nos premiers quelques exchanges avec une IET s10Devito, C.L. & Oehrle, R.T.: "A language based on the fundamental facts of science", Journal of the British Interplanetary Society n° 43 (1990) pp. 561-568.. Il pourrait finalement être prudent de développer un cadre pour le METI afin d'augmenter la probabilité d'une communication fructueuse à chaque fois qu'une transmission est envoyée depuis la Terre s11Atri, D. & DeMarines, J. & Haqq-Misra, J.: "A protocol for messaging to extraterrestrial intelligence", Space Policy, in review.. Peut-être de tels schémas permettront-ils de communiquer efficacement avec des IET. Cependant, notre ignorance extrême de la nature de quelque IET que ce soit implique que nous ne pouvons exclure la possibilité que nous échouerons ou du moins aurons beaucoup de mal à échanger de l'information avec eux.