Les enfants verts de Woolpit

Une vue d'artiste des enfants sortant de la grotte, inexacte cependant, puisqu'ils auraient porté des    vêtements semblables à des robes
Une vue d'artiste des enfants sortant de la grotte, inexacte cependant, puisqu'ils auraient porté des vêtements semblables à des robes

Un beau jour de 1173, à 4 ou 5 miles de Bury Saint Edmunds, près du village de Woolpits1 Un village d'une soixantaine de personnes dans le Suffolk (sud-est de l'Angleterre), à la limite du Norfolk. Ce village tire son nom de "Wolf pit" (le trou du loup) en raison des fossés antiques qui s'y trouvent, des paysans se rassemblent dans un champ de maïs pour faire la moisson, quand ils remarquent, sortant des fossés caractéristiques de cet endroit 2 enfants à l'apparence étrange : ils sont vêtus de sortes de robes inconnues du coin, et surtout ont la peau verdâtre. Voyant les paysans s'approcher, et visiblement appeurés, ils tentent de s'enfuir, mais sont rattrapés.

Le village de Woolpit
Le village de Woolpit

On les emmène au village comme une attraction, puis devant à Wikes, à la demeure d'un chevalier, Sir Richard de Calne. Plusieurs victuailles leur sont présentées, mais ils ne mangent rien... jusqu'à ce qu'on leur montre des tiges de haricots. Ils ouvrent les tiges, ne trouvant rien, et pleurent. On leur montre comment ouvrir les cosses, et ils se décident enfin à manger les haricots qui s'y trouvent.

Le garçon, visiblement trop malade, meurt cependant assez rapidement. La fille finit par être engagée au service de De Calne, et même par se marier 4 ans plus tard avec un homme du village voisin, un des ambassadeurs de Henri 2, sous le nom d'Agnes Barre. Elle a 13 enfants.

Le pays de Saint Martin

Une variation courante de l'histoire indique que depuis le pays d'origine des enfants pouvait être vu au loin un pays lumineux, séparé par un grand plan d'eau. En fait la fille aurait décrit son pays comme Non loin d'ici [Woolpit] , mais coupé de nous par une grande rivière de lumière.s2 Rowan, Margaret. House of Evil. Ce pays, les enfants l'auraient appelé Pays de Saint Martin ou simplement Saint Martin, et que les gens de ce pays étaient tous des chrétiens adorant des églises.

Récits

Newburgh

En l'an 1200, William de Newburgh n1Un monastère du Yorkshire, en Angleterre entreprent de répertorier les divers événements qui eurent lieu sous le rêgne du Roi Stephen, de 1135 à 1154 n2Publié en 1618. William n'était pas du genre fantaisiste et réputé pour ne pas embellir les événements, de sorte que nombre d'historiens aujourd'hui sont intrigués par le récit suivant du moine, relatant un événement étrange qui aurait eu lieu dans la ville du Suffolk de Woolpit, qui se trouve près de Bury Saint Edmonds :

Je me dois ici de n'omettre une merveille, un prodige dont on a entendu parler depuis l'aube des temps, qui est connu pour s'être passé sous le Roi Stephen. J'ai moi-même longtemps hésité à lui accorder crédit, bien qu'il ait été ébruité à l'étranger par beaucoup de gens, et je pensais qu'il était ridicule d'accept une chose qui n'avait aucune raison d'être recommandée, ou au mieux avait des raisons d'être très obscure, jusqu'à ce que je fus tant submergé par le poids de tant de témoins crédibles que je fus obligé de croire et d'admirer ce que mon esprit tâche vainement d'atteindre ou de suivre.

Il y a un village en Angleterre à quelques 4 miles ou 5 miles du noble monastère du Roi Béni et du Martyre Edmund, près duquel pourraient être vues certaines tranchées d'antiquité immémoriale nommées Wolfpittes dans la langue anglaise, et qui ont donné leur nom à la ville adjacente. Lors d'une moisson, alors que les moisonneurs se rassemblaient dans le maïs, rampèrent hors de ces 2 tranchées un garçon et une fille s3La fille âgée de 10 ans environ, le garçon plus jeune verts en tous points de leur corps et dotés de vêtements n3Semblables à des robes, selon Rodney Davies dans Supernatural Disappearances de teinte étrange et de texture inconnue. Ceux-ci errèrent éperdumment aux alentours du champ, jusqu'à ce que les moisonneurs les prennent et les emmènent au village, où nombre affluèrent pour voir cette merveille, ils furent gardés pendant des jours sans nourriture. Mais, lorsqu'ils furent presque morts de faim, et ne pouvaient toujours goûter aucune espèce qui leur était offerte pour les aider, il arriva que des haricots furent apportées du champ, qu'ils saisirent immédiatement avec avidité et examinèrent la tige for the pulse, mais ne trouvant rien dans le creux de la tige, ils pleurèrent amèrement. Sur ce, un des spectateurs, prenant les fèves dans les cosses, les offrit aux enfants, qui les saisirent directement, et les mangèrent avec plaisir. Par cette nourriture ils furent soutenus durant de nombreux mois, jusqu'à ce qu'ils apprennent l'utilisation du pain.

A la longue, par degrés, ils changèrent leur couleur d'origine, à travers l'effet naturel de notre nourriture, et devinrent comme nous, et aussi apprirent notre langue. Il semblait convenir à certaines personnes discrètes qu'ils devraient recevoir le sacrement du baptême, qui fût administré en conséquence. Le garçon, qui semblait être le plus jeune, survécu au baptême, mais peu de temps, et mourrut prématurément sa sœur, cependant, poursuivit en bonnê, et ne différait pas le moins du monde des femmes de notre propre pays. Par la suite, raconte-t-on, elle se maria à Lynne, et vécut à partir de là quelques années, au moins, dit-on.

De plus, après qu'ils eurent acquis notre langue, lorsqu'on leur demanda qui et d'où ils étaient, on dit qu'ils répondirent, "Nous sommes des habitants du pays de Saint Martin, qui est considéré avec une vénération particulière dans le pays qui nous a donné naissance". Etant interrogés plus avant quant à l'endroit où se trouvait ce pays, et comment ils vinrent de là jusqu'ici, ils répondirent, "Nous sommes ignorants de ces deux circonstances ; nous ne nous souvenons que de ceci, qu'un certain jour, lorsque nous nourrissions les volailles de notre père dans les champs, nous entendîmes un grand son, comme celui auquel nous sommes aujourd'hui habitués d'entendre à Saint Edmund, quand les cloches sonnent ; et tout en écoutant le son en admiration, nous entrâmes dans une soudaine, comme ils le dirent, transe, et nous retrouvâmes parmi vous dans les champs où vous étiez en train de récolter". Interrogés sur le fait que les gens de ce pays croyaient au Christ, ou si le Soleil s'y levait, ils répondirent que le pays était chrétien, et possédait des églises ; mais dirent-ils, "Le Soleil ne se lève pas sur les gens de notre pays ; notre pays est peu chéri par ses rayons ; nous nous contentons de cette pénombre qui, chez vous, précède le lever du Soleil, ou suit son coucher. De plus, un certain pays lumineux est vu, pas très loin du nôtre, séparé de lui par une rivière très considérable". Ceci, et bien d'autres choses, trop nombreuses à énumérer, sont dites avoir été racontées aux investigateurs curieux. Laissons dire à chacun ce qu'il veut, et raisonner sur de tels sujets selon ces capacités ; je ne regrette pas d'avoir répertorié un événement si prodigieux et miraculeux s4William de Newburg. Historia Rerum Anglicarum, écrit dans le Yorkshire, England (1136-1198?).

Coggeshall

Si William de Newburgh avait été le seul rapporteur de cet incident, il aurait été interprété comme un conte de fées hors normes écrit par un moine ayant peut-être imbibé trop d'hydromel, mais l'Abbott Ralph de Coggeshall - un autre scribe monastique contemporain de William vivant juste à 30 miles au sud de Woolpit dans l'Essex, répertoria aussi l'apparition des enfants verts. D'eux, il écrivit :

Une autre chose merveilleuse, arrivée dans le Suffolk, à Sainte Marie des Wolf-pits. Un garçon et sa sœur furent trouvés par les habitants de ce lieu près de la bouche d'un trou qui se trouve là, qui avaient la forme de tous leurs membres comme ceux d'autres hommes, mais ils différaient par la couleur de leur peau de tous les gens de notre monde habitable ; car toute la surface de leur peau était teintée d'une couleur verte. Personne ne pouvait comprendre leur discours. Lorsqu'ils furent amenés comme curiosités à la maison d'un certain chevalier, Sir Richard de Calne, à Wikes, ils pleurèrent amèrement. Du pain et d'autres victuailles furent disposés devant eux, mais ils ne touchaient à aucun d'entre eux, bien que tourmentés par une grande faim, comme le reconnu par la suite la fille. Finalement, lorsque de [grands] haricots fraîchement coupés, avec leurs tiges, furent apportés à la demeure, ils firent signe, avec grande avidité, qu'ils devraient leur être donnés. Lorsqu'ils furent apportés, ils ouvrirent les tiges au lieu des cosses, pensant que les haricots étaient à l'intérieur ; mais ne les trouvant pas là, ils commencèrent à pleurer de nouveau. Lorsque ceux qui étaient présents virent cela, ils ouvrirent les cosses et leur montrèrent les haricots nus. Ils mangèrent ceux-ci avec grand délice, et pendant une longue période ne goûtèrent aucune autre nourriture. Le garçon, cependant, était toujours languissant et déprimé, et il mourut en peu de temps. La fille jouissait d'une bonne santé ; et s'accoutûmant à divers types de nourriture, perdit complètement sa couleur verte et récupéra progressivement l'habitude sanguine de tout son corps. Elle fut par la suite régénérée par l'application du saint baptême, et vécu de nombreuses années au service de ce chevalier (comme je l'ai souvent entendu de lui et de sa famille), et était plutôt dissolue et dévergondée dans sa conduite. Etant fréquemment questionnée sur les gens de son pays, elle affirma que les habitants, et tout ce qu'ils avaient de ce pays, étaient d'une couleur verte ; et qu'ils ne voyaient pas de Soleil, mais jouissaient d'un degré de lumière comme ce qui est après le coucher du Soleil. Interrogée sur la manière dont elle arriva dans ce pays avec le garçon susmentionné, elle répondit qu'alors qu'ils suivaient leurs volailles, ils arrivèrent à une certaine caverne, dans laquelle en entrant, ils entendirent un délicieux son de cloches ; ravis par leur douceur, ils partirent un long moment errer à travers la caverne, jusqu'à ce qu'ils arrivent à sa sortie. Lorsqu'ils en sortirent, ils furent struck senseless par la lumière excessive du Soleil et la température inhabituelle de l'air ; puis reposèrent ainsi un long moment. Terrifiés par le bruit de ceux qui arrivèrent sur eux, ils voulurent s'enfuir, mais ne purent trouver l'entrée de la caverne avant d'être attrapés. s5Chronicon Anglicarum, tel que cité par Picart dans ses notes ssur William de Newbridge. L'original n'a pu être trouvé dans la Collection of Histories, etc., de Martens et Durand, -- le seul endroit où les travaux du chroniqueur sont censés avoir été imprimés.

Théories

Peuple souterrain

Les enfants verts de Woolpit Sainte Marie
Les enfants verts de Woolpit Sainte Marie

La première idée qui vient à l'esprit lorsque l'on voit des gens d'apparence étrange sortir d'une grotte, c'est de penser qu'ils vivent sous terre. La couleur verte de leur peau serait alors le symptôme d'un manque de lumière (un lien jamais constaté cependant). Les enfants verts seraient alors une sorte de cousins des elfes et des fées dont on disait aussi qu'ils avaient la peau verte. La prédilection des enfants pour les fèves aide encore plus à interpréter, surtout à cette époque, la nature véritablement mystérieuse des jeunes, les fèves étant décrites comme la nourriture des morts. On pensait aussi que les fantômes et autres esprits demeuraient dans les champs de haricots.

Extraterrestres

La deuxième idée d'explication immédiate est probablement celle d'extraterrestres. Leur peau verte, sorte de prémisse des petits hommes verts, leurs vêtements étranges et leur langue inconnue semblent être les caractéristiques d'une origine non humaine. A contrario, la constitution de ces enfants parait tout à fait normale et, de fait, la fille reprendra une pigmentation normale en s'alimentant comme les gens du coin. On comprendrait également mal dans un cadre extraterrestre les mentions tout à fait banales du "pays de Saint Martin" où les gens sont chrétiens et se rendent régulièrement à l'église, et où les enfants ont nourri les poules avant d'entrer dans la grotte. On a tenté d'interpréter cosmiquement la mention de Saint Martin comme séparé d'un autre pays lumineux par une grande rivière (jusqu'à le déformer en disant que c'était la rivière qui était lumineuse), mais l'idée d'une ville éclairée derrière une rivière semble bien correspondre à cette description. Et, de fait, il existe des villages environnant du nom de Saint Martin, séparés d'autres par une rivière ou un estuaire.

Empoisonnement

L'histoire est toujours célébrée à Woolpit
L'histoire est toujours célébrée à Woolpit

Des gens du Suffolk pensent que l'histoire pourrait trouver son origine chez celle d'un comte médiéval de Norfolk qui était gardien de 2 jeunes enfants. Le comte essaya sans succès de les empoisonner à l'arsenic puis les abandonna dans le Bois de Wayland, dans la région de la Forêt de Thetford, à la frontière entre le Norfolk et le Suffolk. Là, ils devaient sans aucun doute mourrir, lui permettant ainsi de prendre contrôle du domaine dont ils devaient hériter lorsqu'ils atteindront l'âge adulte. Selon les gens de Woolpit, ils devinrent probablement les enfants verts qui furent trouvés par la suite, toujours vivants, mais désorientés et malades. On sait que l'empoisonnement à l'arsenic peut faire virer la peau au vert et causer d'anémie, résultat de malnutrition, dont les jeunes abandonnés devaient apparemment souffrir. Une origine relative au régime concernant leur peau verte expliquerait aussi pourquoi la complexion de la ville revint à une couleur normale après avoir commencé à consommer de la nourriture adaptée s6"Green Children of Woolpit", Castle of Spirits.

Emigrants

Mais comment expliquer la langue incompréhensible pour les gens de Woolpit ? Comme cela fut le cas pour d'autres enfants sauvages, les enfants verts de Woolpit auraient pu avoir été perdus ou abandonnés à la suite d'une période de guerre civile. L'est de l'Angleterre vivait une période d'immigration flammande au 12ᵉ siècle, mais après que Henry 2 a accédé au trône les immigrants furent l'objet d'une persécution et nombre d'entre eux furent massacrés à une bataille en 1173. Il pourrait alors s'agir de la date de leur aventure. Etant flammands, la langue que parlaient et les vêtements que portaient les enfants auraient semblés étrangers aux villageois qui n'avaient jamais rencontré de personnes flammandes auparavant. Après que leurs parents ont été abattus, peut-être les enfants verts furent-ils perdus pendant une période dans la forêt, et errèrent-ils dans les souterrains de cette région, pour émerger près de Woolpit s7"The Green Children of Woolpit", Feral Children.

Mais qu'est-donc le "pays de Saint Martin" ? En cherchant un peu, trouve à une vingtaine de km au sud-ouest de Woolpit, toujours dans le Suffolk, plusieurs villages portant ce nom, comme Tuddenham Saint Martin mais aussi et surtout Trimley Saint Martin, bordé des grands plans d'eau que sont les estuaires du Suffolk (Deben, Bawdsey). On y trouve l'église Saint Martin, établie par des immigrants... danois.

La couleur verte resterait toutefois assez énigmatique. On connait des cas chez l'enfant comme l'adulte où elle a été constatée, consécutive à un désordre de la glande endocrine ou d'un type secondaire d'anémie. En fait la chlorosis, symptomatique d'un manque de fer, donnant une teinte vert-jaune, était connue à l'époque. On l'appelait "maladie verte" ou "maladie des vierges" car elle touchait plutôt les jeunes filles s8King, Helen: The disease of virgins: green sickness, chlorosis and the problems of puberty, Routledge, 2004. Une telle maladie chez les 2 enfants à la fois peut paraître improbable, mais il serait après tout plus surprenant qu'ils n'aient pas souffert des mêmes carences alimentaires, si carences il y eut.

Par la suite cette histoire inspirera une histoire identique, mais près de Banjos (Espagne), en août 1887, où il est indiqué que la fille mourut en 1892.

s9Slemen, Thomas. "The Strange Tale of the Green Children", Strange But True: Mysterious and Bizarre People, London Bridge (Mm) 1998, Barnes & Noble, New York, 1999. (ISBN 0-7607-1244-1) s10Ralph of Coggeshall (écrivant au monastère de Coggeshall, dans l'Essex, en 1210) < Camden. Britannia (trans. Holland, 1610) < Westwood, Jennifer. Albion: A Guide to Legendary Britain (London: Grafton, 1987 pp. 210-212) < Clarke, David. Magonia Exchange mailing list, 14 août 2006 s11Clark, Jerome. Unexplained! - Décrit l'événement comme ayant eu lieu sous le rêgne du roi Stephen, ou de son successeur Henri 2 s12Wilkins, Harold T.Wilkins, Harold T.: Strange mysteries of Time and Space s13Harris, Paul. Article du Fortean Times n° 57 - Indique que le "Pays de Martin" pourrait être une mauvaise description du nom "Pays de Merlin". s14Briggs, Katharine. The Fairies - Indique que la fille aurait déclaré venir d'un monde souterrain s15Duncan Lunan. Magazine américain - Après publication de son article, un lecteur vivant aux USA envoya son arbre généalogique à Lunan, montrant qu'il était un descendant de Barre. Indique que les enfants venaient d'un autre système stellaire. s16Robert Burton's Anatomy of Melancholy in 1651 - Indique que les enfants auraient pu venir de Mars ou de Vénus. s17Bergier, J.: "Les enfants verts", Les extraterrestres dans l'Histoire, J'ai Lu, 1970