En fait, les difficultés majeures, à mon avis, ne proviennent pas des faits à étudier en eux-mêmes mais de la manière dont ces faits peuvent être pris en compte par l'institution scientifique. Les difficultés considérées jusqu'ici, même si elles peuvent décourager le plus grand nombre, ne sont pas rédhibitoires. Elles sont plutôt de nature à stimuler l'action d'une petite minorité qui voudra relever le défi à ses risques et périls. Cela suffit pour qu'un progrès des connaissances ait lieu. Mais elle ne le peut (presque) pas en raison de difficultés liées à l'organisation, l'évaluation et la publication des recherches. Voyons cela.
La règle d'arain de la recherche scientifique, au moins dans le secteur académique, c'est "publier ou périr". Le chercheur doit publier ses résultats dans des revues spécialisées avec comité de lecture dont le facteur d'impact (mesuré par le taux de citation des articles) soit le plus élevé possible. C'est alors qu'il est le plus nettement soumis au jugement de ses pairs. Une petite équipe de chercheurs s'intéressant aux ovnis serait bien en peine de produire régulièrement des résultats publiables dans les journaux existants. Il est concevalbe que des travaux sur le témoignage, la perception, la rumeur, les mouvements d'opinion, etc. fondés sur des observations d'ovnis allégués puissent trouver leur voie dans les journaux de psychologie et de sociologie. Mais ce serait plus difficile pour des travaux visant à reconstruire et analyser des événements ne relevant pas clairement de méprises ou autres. Dès lors que les problèmes traités contribueraient spécifiquement à l'étude du cœur du problème ovni, les possibilités de publication se restreignent fortement, car ils échappent à toute discipline constituée. Paradoxalement plus une étude de cas est intéressante (non par l'apport d'une "preuve" mais simplement par des informations utiles pour poursuivre) moins, elle est publiable. Il faudrait un journal propre, mais un tel journal ne pourrait avoir qu'un facteur d'impact faible.
On peut essayer de contourner la difficulté. Dès lors qu'une recherche est innovante et présente un risque d'échec élevé il est de pratique courante de la conduire discrètement au départ, en utilisant les équipements et crédits disponibles (justifiés par des recherches plus mûres), jusqu'à ce que les résultats préliminaires obtenus soient suffisamment encourageants pour qu'on puisse en fait état ouvertement. Ce procédé n'a rien que de très banal. L'ennui c'est que l'étude du cœur du phénomène ovni se présente pratiquement comme une nouvelle discipline qui peut difficilement se développer dans le giron et sous la protection bienveillante d'une discipline ou d'un laboratoire déjà établis. Certes, cette nouvelle discipline peut (et doit) se traiter en partie dans les cadres existants en sciences physiques, biologiques, psychologiques et sociales, car elle a cette particularité de recourir à presque toutes les autres (on peut la comparer de ce point de vue et, toutes proportions gardées, à l'Histoire par exemple, quand elle vise à reconstituer tous les aspects d'une société disparue) mais à condition de ne pas y perdre complètement sa spécificité. Mais comment justifier durablement ces études spécifiques, et notamment les incontournables enquêtes sur le terrain (et analyses statistiques des enquêtes), qui ne relèvent strictement d'aucune de ces disciplines ?
Toutes les conditions sont donc réunies pour maintenir le sujet dans l'obscurité et justifier par l'absurde qu'il ne mérite rien d'autre. Le problème se présente de façon propre à enflammer l'imagination, frustrer la connaissance et exciter la controverse stérile. L'information vague surabonde mais les informations fiables manquent cruellement, au point que l'existence-même d'observations objectivement intriguantes en vient à être oubliée ou niée. Le bruit de fond intense qui en résulte maintient le sujet dans le vulgaire et les banlieues marginalisées de la connaissance. La communauté restreinte des personnes travaillant sérieusement le sujet est morcelée et les opinions, souvent tranchées, prennent une place trop importante eu égard à l'état des connaissances empiriques. C'est d'ailleurs une situation courante en science : quand les faits manquent les théories surabondent. Les chercheurs qui pourraient être intéressés par le sujet s'en trouvent écartés à la fois par un climat décourageant et par l'absence d'informations fiables. Une rétroaction négative est ainsi mise en place qui empêche ou freine le cumul des expériences.
L'intervention à temps partiel de scientifiques volontaires pourrait contribuer à rompre ce cercle vicieux. Ceux-ci poursuivraient par ailleurs une carrière normale mais accepteraient de consacrer un peu de leur temps pour des travaux sur le phénomène. Malgré tout il n'est pas possible de faire l'économie d'une petite unité assurant le suivi et la continuité des opérations et la publication des travaux réalisés n1Il serait souhaitable que les articles soumis bénéficient des critiques constructives d'un comité de lecture et qu'une partie au moins soit rédigée en anglais pour pouvoir atteindre un plus grand nombre de scientifiques intéressés.