Des scientifiques prennent moins de distance avec les ovnis

Zecchini, Laurent: Le Monde, mardi 7 juillet 1998

C'est un groupe de 10 scientifiques qui l'affirme : il est temps de considérer sérieusement les ovnis. Sous la direction de Peter Sturrock, professeur de physique appliquée à l'université de Stanford (Californie), ces spécialistes, qui représentent de respectables institutions américaines, françaises et allemandes, viennent de rédiger un rapport qui accorde aux objets volants non identifiés, sinon la respectabilité, du moins le bénéfice du doute, qu'il reste à évaluer, au cas par cas. Les hommes de science, soulignent-ils, ont trop souvent tendance à prendre leurs distances avec le phénomène des ovnis, de peur d'être associés aux pseudo-spécialistes qui ne doutent pas de l'existence de ces "petits hommes verts" dont Hollywood a fait un fonds de commerce.

Après avoir passé en revue les éléments d'enquête réunis par 8 spécialistes originaires de plusieurs pays, les auteurs du rapport n'en concluent ni à l'existence d'une intelligence extraterrestre (et encore moins à la réalité des soucoupes volantes), ni même à une aberration des lois naturelles connues. Ils se bornent à constater que certaines manifestations inexplicables peuvent justifier une évaluation attentive des rapports [d'observation] sur les ovnis, afin d'en extraire des informations relatives à des phénomènes inhabituels actuellement inconnus de la science. Pour que la communauté scientifique accorde quelque crédit à ces études, ajoutent-ils, elles doivent être menées dans un esprit d'objectivité et avec une volonté d'évaluer des hypothèses contradictoires.

Pour prudentes qu'apparaissent ces recommandations, elles tranchent nettement avec celles des 2 précédentes études scientifiques, réalisées en 1968 et 1970. La 1ère concluait alors que de plus amples études sur les ovnis ne peuvent être justifiées dans l'espoir d'une avancée de la science. Or, la technologie ayant fait des progrès en plus d'un quart de siècle, certaines observations d'ovnis méritent d'être analysées, estiment le professeur Sturrock et ses collègues, afin d'élargir les connaissances sur l'atmosphère terrestre et certains phénomènes naturels de l'espace, quitte à détruire au passage des mythes qui ont la vie dure.

Canulars et avions espions

Les "vrais croyants" n'ont pas ajouté foi à la mise au point du Pentagone, en juin 1997, concluant que les extraterrestres de Roswell, dans le désert du New Mexico, étaient en réalité des mannequins lâchés par des avions militaires... Depuis 50 ans, un nombre incalculable de témoignages ont été enregistrés dans le monde entier : bon nombre d'entre eux ont été attribués à des hallucinations ou des canulars, certains à des phénomènes atmosphériques, d'autres enfin à des avions espions.

Reste, selon l'équipe scientifique réunie par la Society for Scientific Exploration, un ensemble d'incidents méritant que l'on s'y attarde, selon une approche scientifique : effets physiques sur des témoins, détections d'ovnis par les radars, mystérieuses lumières, manifestations gravitationnelles ou d'inertie, traces non expliquées sur le sol et la végétation. Les auteurs du rapport soulignent la complexité du phénomène ovni, pour lequel il ne peut y avoir de réponse simple et universelle, et demandent que de futures recherches bénéficient d'un soutien institutionnel (notamment militaire). Enfin, sachant qu'ils prennent le risque de voir leur démarche tournée en dérision, ils estiment que celui-ci vaut d'être couru, au nom du progrès scientifique.