Les années 1960s : l'implication de la CIA diminue, et la controverse augmente

Au début des années 1960s, Keyhoe, Davidson, et d'autres ufologues, maintinrent leurs attaques contre l'Agence pour la publication d'informations sur les ovnis. Davidson déclarait alors que la CIA était l'unique responsable de la création de la folie des Soucoupes Volantes comme arme psychologique dans la guerre froide depuis 1951. En dépit des appels pour des auditions au Congrès et de la publication de tous les documents relatifs aux ovnis, peu de choses changèrent s1Davidson, lettre au membre du Congrès Joseph Garth, lundi 26 s2Carl Vinson, Chairman, House Committee on Armed Services, lettre à Rep. Robert A. Everett, 2 Septembre 1964.

En 1964 cependant, à la suite de discussions à haut niveau à la Maison-Blanche sur la question de savoir ce qu'il fallait faire si une intelligence étrangère était découverte dans l'espace, et après une nouvelle éruption de rapports et d'observations d'ovnis, le DCI John McCone demanda une mise à jour de l'évaluation des ovnis par la CIA. En réponse à la demande de McCone, l'OSI demanda à la CD d'obtenir du NICAP des échantillons récents divers et des rapports d'observations d'ovnis. Avec Keyhoe, l'un des fondateurs, qui n'était plus actif dans l'organisation, les officiers de la CIA rencontrèrent Richard H. Hall, le directeur suppléant. Hall donna aux officiers des échantillons de la base de données du NICAP sur les observations les plus récentes s3Maxwell W. Hunter, staff member, National Aeronautics and Space Council, Executive Office of the President, memorandum for Robert F. Parkard, Office of International Scientific Affairs, Department of State, Thoughts on the Space Alien Race Question, 18 Juillet 1963, File SP 16, Records of the Department of State, Record Group 59, National Archives s4F. J. Sheridan, Chief, Washington Office, memorandum to Chief, Contact Division, National Investigation Committee on Aerial Phenomena (NICAP), 25 janvier 1965.

Après que les officiers de l'OSI eurent examiné ce matériel, Donald F. Chamberlain, Directeur Adjoint de l'OSI, assura à McCone que peu de choses avaient changé depuis le début des années 1950s. Il n'y avait toujours pas de preuve que les ovnis fussent une menace pour la sécurité des Etats-Unis, ou qu'ils fussent d'origine étrangère. Chamberlain dit à McCone que l'OSI contrôlait toujours les rapports d'ovnis, y compris l'enquête officielle de l'USAF, le projet Blue Book s5Chamberlain, memorandum for DCI, Evaluation of UFOs, 26 janvier 1965.

En même temps que la CIA menait cette dernière étude interne sur les ovnis, la pression publique contraignit l'USAF à établir un comité spécial ad-hoc pour examiner Blue Book. Présidé par le docteur Brian O'Brien, membre du Comité Consultatif Scientifique de l'USAF, le jury comprenait Carl Sagan, le célèbre astronome de l'Université de Cornell. Son rapport n'apporta rien de nouveau. Il déclara que les ovnis ne menaçaient pas la sécurité nationale, et qu'il ne put trouver aucun cas d'ovni qui représentât une avance technologique ou scientifique au-delà d'une conception terrestre. Le comité recommandait que les ovnis soient étudiés intensivement avec une grande université pour diriger la coordination du projet, afin d'apporter une conclusion décisive à la question s6Jacobs 1975, p. 199 USAF, Scientific Advisory Board, Ad Hoc Committee (O'Brien Committee) to Review Project BLUE BOOK, Special Report (Washington, DC: 1966) s7New York Times, 14 août 1966, p. 70.

Le House Armed Service Committee tint également de brèves auditions sur les ovnis en 1966, qui produisirent des résultats semblables. Le Secrétaire de l'USAF Harold Brown assura au comité que la plupart des observations s'expliquaient facilement et qu'il n'y avait pas de preuves que des étrangers d'outre-espace eussent visité la Terre. Il dit aux membres du comité, cependant, que l'USAF garderait un esprit ouvert et continuerait à enquêter sur tous les rapports d'ovnis s8"Congress Reassured on Space Visits", New York Times, 6 avril 1966.

A la suite du rapport de son comité O'Brien, des auditions de la Chambre sur les ovnis, et de la révélation du Dr Robertson dans une émission de CBS Reports, disant que la CIA avait bien été impliquée dans l'analyse des ovnis, l'USAF approcha à nouveau l'Agence en juillet 1966 pour la déclassification de l'intégralité du rapport de la commission Robertson de 1953, et de l'intégralité du rapport Durant sur les délibérations et conclusions de la commission Robertson. L'Agence, à nouveau, refusa de bouger. Karl H. Weber, Directeur Adjoint de l'OSI, écrivit à l'USAF que nous sommes très inquiets qu'une publicité future ne soit donnée à l'information selon laquelle le jury avait été soutenu par la CIA. Weber remarquait qu'il y avait déjà une version aseptisée disponible pour le public s9Weber, lettre au Col. Gerald E. Jorgensen, Chief, Community Relations Division, Office of Information, USAF, 15 août 1966. La réponse de Weber était plutôt à courte vue et irréfléchie. Elle n'a fait qu'attirer davantage l'attention sur le rapport de la commission Robertson vieux de 13 ans, et sur le rôle de la CIA dans les enquêtes sur les ovnis. Le rédacteur scientifique de The Saturday Review attira l'attention de tout le pays sur le rôle de la CIA dans l'investigation des ovnis quand il publia un article critiquant la "version aseptisée" du rapport de la commission Robertson de 1953, et lança un appel pour la publication de l'intégralité du document s10John Lear, The Disputed CIA Document on UFOs, Saturday Review (3 septembre 1966), p. 45. n1L'article de Lear était par ailleurs défavorable aux observations d'ovnis et à la possibilité que des extraterrestres aient été impliqués. L'USAF s'était empressée de fournir à Lear le rapport entier s11Walter L. Mackey, Executive Officer, memorandum for DCI, Air Force Request to Declassify CIA Material on Unidentified Flying Objects (UFO), 1er septembre 1966.

Inconnu des responsables de la CIA, le Dr James McDonald, un physicien de l'atmosphère renommé de l'Université d'Arizona, avait déjà vu le rapport Durant sur les débats de la commission Robertson à Wright-Patterson le lundi 6. Quand McDonald retourna à Wright-Patterson le 30 Juin pour copier le rapport, cependant, l'USAF refusa de le laisser le voir encore une fois, affirmant que c'était un document classé par la CIA. Devenu une autorité en matière d'ovnis, McDonald déclara publiquement que la CIA était derrière la politique de secret et de dissimulation de l'USAF. Il exigea la publication de l'intégralité du rapport de la commission Robertson et du rapport Durant s12Klass 1983, p. 40 Jacobs 1975, p. 214 Everet Clark, "Physicist Scores 'Saucer Status,'" New York Times, 21 octobre 1966 s13James E. McDonald, Statement on Unidentified Flying Objects, soumis au House Committee on Science and Astronautics, 29 juillet 1968.

Sous la pression publique, et selon la recommandation de son Comité O'Brien, l'USAF annonça en août 1966 qu'elle cherchait à conclure un contrat avec une université pour entreprendre un programme d'investigations intensives sur les observations d'ovnis. Le nouveau programme était conçu pour désamorcer les attaques continues selon lesquelles le Gouvernement américain avait dissimulé ce qu'il savait sur les ovnis. Le 7 octobre, l'Université du Colorado accepta un contrat de 325000 $ avec l'USAF pour une étude de 18 mois sur les soucoupes volantes. Le docteur Edward U. Condon, un physicien de Colorado et ancien directeur du NBS, accepta de conduire le programme. Se déclarant lui-même "agnostique" sur le sujet des ovnis, Condon fit remarquer qu'il avait un esprit ouvert sur la question et pensait que de possibles origines extraterritoriales étaient improbables, mais pas impossibles s14Condon est cité dans Walter Sullivan, 3 Aides Selected in Saucer Inquiry, New York Times, 8 Octobre 1966 s15"An Outspoken Scientist, Edward Uhler Condon",New York Times, 8 Octobre 1966. n2Condon, un scientifique extraverti, bourru, s'est vite embrouillé dans une controverse avec le House Unamerican Activities Committee qui a demandé si Condon était "un des plus faibles liens dans notre sécurité atomique" s16Peebles, Watch the Skies, pp. 169-195. Le Général de Brigade Edward Giller, USAF, et le Dr Thomas Ratchford, du Bureau de Recherche et de Développement de l'USAF, devinrent les coordinateurs de l'USAF pour le projet.

En février 1967, Giller contacta Arthur C. Lundahl, Directeur du NPIC de la CIA, et proposa une liaison informelle entre le NPIC et le Comité Condon pour fournir des conseils techniques et des services dans l'examen des photographies d'ovnis présumés. Lundahl et le DDI R. Jack Smith approuvèrent l'arrangement comme un moyen de "garder une fenêtre" sur la nouvelle étude. Ils voulaient que la CIA et le NPIC gardent un profil bas, cependant, et ne participent en aucun cas à l'écriture de conclusions pour le comité. Aucun travail fait pour le comité par le NPIC ne devait être reconnu officiellement s17Lundahl, memorandum for DDI, 7 Février 1967.

Ratchford demanda ensuite que Condon et son comité soient autorisés à visiter le NPIC pour discuter des aspects techniques du problème et pour voir le matériel spécial dont le NPIC disposait pour les analyses de photos. Le lundi 20, Condon et quatre membres de son comité visitèrent le NPIC. Lundahl souligna auprès du groupe qu'aucun travail du NPIC pour aider le comité ne devait être identifié comme un travail de la CIA. De plus, le travail exécuté par le NPIC serait d'une nature strictement technique. Après avoir reçu ces directives, le groupe bénéficia d'une série d'instructions sur les services et l'équipement, introuvable ailleurs, que la CIA avait utilisé dans son analyse de quelques photographies d'ovnis fournies par Ratchford. Condon et son comité furent impressionnés s18Memorandum pour enregistrement, Visit of Dr. Condon to NPIC, 20 February 1967, 23 février 1967 s19Analyse des photographies dans memorandum for Lundahl, Photo Analysis of UFO Photography, 17 février 1967.

Condon et le même groupe se rencontrèrent encore en mai 1967 au NPIC pour prendre connaissance d'une analyse de photographies d'ovnis prises à Zanesville (Ohio). L'analyse démonta cette observation. Le comité fut une fois encore impressionné par le travail technique effectué, et Condon remarqua que pour la première fois, l'analyse scientifique d'un ovni confortait l'enquête s20Memorandum pour archive, UFO Briefing for Dr. Edward Condon, 5 May 1967, 8 Mai 1967 s21Guidelines to UFO Photographers and UFO Photographic Information Sheet qui lui sont associés s22Condon Committee, Press Release, 1er mai 1967 et Klass, UFOs, p. 41. n3Les photographies de Zanesville se sont révélées être un canular. Le groupe discuta aussi du projet du comité de lancer un appel aux citoyens américains pour obtenir d'autres photographies, et de publier des directives pour prendre des photographies d'ovnis qui puissent être utiles. De plus, les officiels de la CIA consentirent à ce que le comité Condon publie le rapport Durant dans son intégralité, à l'exception de quelques suppressions mineures.

En avril 1969, Condon et son comité publièrent leur rapport sur les ovnis. Le rapport concluait que peu de choses, sinon rien, n'était sorti de l'étude des ovnis dans les 21 dernières années, et que la poursuite d'une étude plus intensive des observations d'ovnis n'était pas souhaitable. Il recommandait aussi que l'unité spéciale de l'USAF, le projet Blue Book, soit dissoute. Il ne mentionnait pas la participation de la CIA dans l'enquête du comité Condon s23Edward U. Condon, Scientific Study of Unidentified Flying Objects (New York: Bantam Books, 1969) n4Klass 1983, p. 41. Le rapport contenait le rapport Durant à l'exception de quelques suppressions mineures. Une commission spéciale nommée par la NAS examina le rapport Condon et concurrut à sa conclusion qu'aucune priorité urgente dans les enquêtes sur les ovnis n'était justifiée à la vue des données des 2 dernières décennies. Elle conclut son examen en déclarant, Sur la base des connaissances actuelles, l'explication la moins vraisemblable des ovnis est l'hypothèse de visites extraterrestres par des êtres intelligents. Suivant les recommandations du comité Condon et de la NAS, le Secrétaire de l'USAF, Robert C. Seamans Jr., annonça le 17 décembre 1969 la clôture de Blue Book s24Office of Assistant Secretary of Defense, News Release, Air Force to Terminate Project Blue Book, 17 Décembre 1969. n5L'Air Force a transféré les documents de Blue Book aux archives de l'USAF à Maxwell Air Force Base en Alabama. En 1976 l'Air Force a remis tous les dossiers de Blue Book à la National Archives and Record Administration, qui les a rendus disponibles au public sans restrictions majeures. Quelques noms ont été enlevés des documents s25Klass 1983, p. 6.