Mercredi 9 mai 1990

Des objets volants non identifiés ont été observés dans le ciel de Belgique par de nombreux témoins. Les scientifiques invitent à la prudence et à la rigueur.

Ce n'est pas encore la guerre des mondes, mais cela pourrait bien le devenir. Depuis la fin du mois de novembre, le ciel de Belgique est devenu le terrain de jeu de nombreux objets volants non identifiés (ovnis) qui font la nique à leurs chasseurs. Tout a commencé dans la soirée du mercredi 29 novembre 1989, l'année dernière, lorsque des dizaines de témoins - dont 2 gendarmes - ont observé pendant plusieurs minutes dans la région de Spa un engin aux contours mal définis doté de 3 puissants phares.

Quelques jours plus tard, la chasse belge décolle sur la foi de nouveaux témoignages. Mais en vain, les conditions météorologiques n'étant guère favorables à l'observation des engins suspects. 10 jours plus tard, nouveau décollage d'urgence... pour découvrir finalement que les lumières émises par l'ovni sont celles d'une discothèque flamande. Une autre fois encore, de nouveaux témoignages donneront l'alerte. Mais l'heure à laquelle des "spots" sont enregistrés sur les radars ne correspond pas à celle des observations recueillies par les témoins.

Il n'en a pas fallu plus, cependant, pour que la Société belge d'études des phénomènes spatiaux (SOBEPS) mobilise ses membres, tous amateurs passionnés, pour travailler sur le sujet. Ce n'est pas tous les jours que l'on doit faire face à la vague d'ovnis la plus importante jamais enregistrée en Europe depuis des années. Une vague qui s'est calmée au début de l'année pour reprendre de plus belle au moment des fêtes de Pâques.

Des moyens importants ont alors été mis en œuvre pour traquer le mystérieux engin et ses 3 projecteurs. Militaires, badauds, scientifiques et journalistes ont été, le temps du week-end pascal, mobilisés pour lever le mystère. Un bi-moteur a même été mis en état d'alerte. Toujours en vain... Depuis, le mystérieux ovni a pris la clé des champs et passé la frontière pour, au milieu de la semaine dernière, attirer l'attention d'un témoin français dans la région de Valenciennes.

Alors ? S'agit-il de la dernière histoire belge, d'un phénomène de psychose collective déclenché par les premières descriptions - fortement médiatisées - ou, plus simplement, de témoignages, la plupart du temps sincères, mais dont il faut distinguer toutes les nuances pour mener une enquête scientifique rigoureuse ? C'est sans doute sur ce dernier point, note un expert, que pèche l'affaire belge. La rigueur n'a pas toujours été de mise et j'en voudrais pour preuve que ceux qui la prônaient ont mis en œuvre des moyens de mesure très particuliers, comme s'ils savaient à l'avance ce qui les attendait. Une attitude qui n'est, semble-t-il, pas celle de ces autres amateurs d'ovnis qui ont organisé, à la fin du mois d'avril à Lyon, leurs 4èmes rencontres européennes sur le sujet, en tentant d'y apporter un minimum de rationalisme. Au terme de 3 jours de discussions, les participants à ces rencontres se sont séparés sur 2 constats : les objets volants non identifiés existent, même s'ils n'ont pu encore être identifiés, mais les extraterrestres sont le fruit de l'imagination.

Une conclusion que les spécialistes du SEPRA (Service d'expertise des phénomènes de rentrée atmosphérique du CNES) ne refusent pas, même si les faits y perdent en rêve et en poésie. La plus grande rigueur et la plus grande prudence sont nécessaires dans toutes ces affaires d'ovnis, vis-à-vis desquelles il ne faut être ni trop naïf ni trop fermé a priori. Seule compte, précise Jean-Jacques Velasco, responsable du SEPRA, l'analyse des faits soumis à la plus rigoureuse des recherches.

Une preuve ? Voilà 3 ans environ, un curieux objet fut récupéré dans un champ. Dépêchés sur place, les experts du SEPRA pensèrent qu'il s'agissait d'un morceau du 3ème étage d'une fusée soviétique. Erreur. L'objet, confié aux spécialistes d'un laboratoire d'expertise métallurgique, se révéla n'être qu'un banal projectile de lance-fusée allemand de la dernière guerre qui, pour des raisons inconnues, s'était spontanément mis à feu et avait décrit une trajectoire sous l'œil ébahi d'un témoin.

Toutes les affaires, cependant, ne sont pas aussi simples. Mais il est rare, après analyse, qu'il ne soit pas possible d'apporter une explication aux phénomènes observés. Environ 80 % d'entre eux sont interprétables après une enquête sommaire de caractère statistique. Mais, reconnaît Jean-Jacques Velasco, sur les quelque 1900 témoignages recueillis en France depuis 1977 (1), 2 ou 3 ont résisté à des enquêtes poussées. L'un d'eux concerne l'affaire de l'ovni de Trans-en-Provence (Var).

Voici une dizaine d'années, un témoin avait affirmé avoir vu un engin qui avait la couleur du plomb atterrir non loin de lui.

Enquête faite par les spécialistes du Groupe d'études des phénomènes aérospatiaux non identifiés, auquel a succédé depuis le SEPRA, il apparut, après analyse de plu sieurs laboratoires, que l'appareil photosynthétique de la flore au voisinage du point d'impact avait été fragilisé. Peut-être, dit-on aujourd'hui, en raison de rayonnements électromagnétiques intenses du type micro-ondes pulsées, dont on ignore l'origine. En outre, le sol était très fortement marqué et, par endroits, il paraissait avoit été fortement chauffé (600 °C à 800 °C) superficiellement. Que s'est-il réellement passé ? Nul ne le sait. Mais une chose est sûre, il faut mettre en avant sur ce type d'affaire la recherche la plus rigoureuse. Des cercles quasi parfaits.

Les mêmes précautions s'imposent pour cet autre événement enregistré en plein jour, voici 7 ans, dans la banlieue d'une grande ville par un scientifique. Pendant 20 mn environ, il put observer un curieux phénomène stationnaire qui, au moment de sa disparition, fit se lever les brins de gazon comme le font les cheveux sous le passage d'une peigne d'écaille. Enquête faite, les experts pensent que cette soudaine levée de l'herbe est le résultat d'une exposition à un champélectromagnétique de 30 kilovolts/m. D'où venait-il ? Par quoi était-il émis ? Mystère. Comme est aussi mystérieuse la cause du dessèchement et de l'éclatement des graines dans leurs coques de quelques queues-de-renard (amarante) qui décoraient ce jardin.

Ces 2 affaires militent en faveur d'une certaine recherche fondamentale pour tenter d'expliquer de semblables phénomènes. L'un d'entre eux, connu d'ailleurs depuis une quarantaine d'années, ne laisse pas d'exciter la curiosité des scientifiques : de mystérieux cercles et couronnes qui apparaissent dans les champs de blé, de colza ou de seigle du sud de l'Angleterre. Là, les cultures paraissent avoirété couchées, comme si un formidable tampon les avait écrasées. Les cercles, raconte un témoin, sont quasi parfaits. Certains ont un diamètre de 80 cm à 1 mètre, tandis que d'autres atteignent 40 m. Et cequi est curieux, c'est que chaque année ces phénomènes réapparaissent dans les mêmes zones, mais pas tout à fait aux mêmes endroits.

Beaucoup ont tenté d'expliquer leur formation par des effets de verse, bien connus des agronomes après les pluies ou les orages. Cette hypothèse ne tient pas, souligne Jean-Jacques Velasco, car dans ce cas la courbure des tiges de blé présente des caractéristiques particulières et les structures dessinées au sol sont très désordonnées. Rien de tel avec les cercles de la campagne anglaise, où des cultures sont couchées soit en spirale, soit par secteur, soit par chevauchement.

En Grande-Bretagne, un électro-mécanicien et un électronicien à la retraite, Colin AndrewsAndrews, Colin et Pat Delgado, pensent que ces cercles pourraient être formés par une masse électromagnétique dans laquelle les molécules en rotation créent une pression barométrique, locale mais importante, à travers une sévère variation de gradient. On ne saurait être plus confus, d'autant que les 2 chercheurs en mal de publicité ajoutent que, quelle que soit la force qui crée ces marques, elle est forcément manipulée par une intelligence inconnue (2).

Une thèse qui ne saurait satisfaire Georges Terence Meaden, plus soucieux de rigueur scientifique mais très artisanal dans ses méthodes. Lors des rencontres de Lyon, il a affirmé que ces traces parfaitement circulaires étaient la conséquence de tourbillons électromagnétiques atmosphériques descendants. Des vortex qui pourraient s'accompagner d'émissions lumineuses et d'un bruit ressemblant à un ronflement très puissant. Une explication un peu courte pour Jean-Jacques Velasco, qui estime que le voile ne peut être levé qu'au terme d'une investigation très sérieuse. Mais, reconnaît-il, nous sommes vraiment en présence d'une énigme scientifique.