Un paradoxe et l'hypothèse de l'infrarouge

Le lendemain, j'ai déjà eu une description détaillée de ce qui s'était passé, mais le film ne pouvait être développé que le jour suivant. Monsieur Ferryn me téléphona et me fit part de sa perplexité : je n'arrive pas à comprendre ce qui s'est passé. Toutes les photos du film étaient normales, à l'exception de celles de l'objet volant non identifié. A première vue, il n'y avait "rien" sur ces photos. Plus tard, en scrutant les photos avec une loupe, M. Ferryn a découvert quatre petits points blancs sur la 3ème photo, mais leurs intensités et leur distribution relative n'étaient pas en accord avec ce qui aurait dû apparaître. C'était paradoxal, mais je savais que les trois témoins étaient les meilleurs que je pourrais espérer trouver et en discutant différentes possibilités, nous n'avons pas trouvé des défaillances techniques possibles.

J'étais donc obligé d'admettre certains faits. (1) Il y avait réellement eu de la lumière visible. (2) Elle avait traversé l'objectif et agi sur le film pour produire une image latente. (3) Celle-ci aurait dû être révélée par le processus du développement, mais cela ne s'était pas produit. Puisque les autres photographies n'étaient pas altérées, il fallait supposer que l'image latente avait été effacée au moment de la prise de vue. (4) Il était concevable qu'une radiation invisible aurait traversé l'objectif en même temps que la lumière visible et que c'était elle qui avait détruit l'image latente. Le candidat le plus plausible était la lumière infrarouge, parce qu'elle traverse le verre de l'objectif et je suspectais qu'elle pourrait défaire le travail de la lumière visible.

En examinant la littérature scientifique, je trouvais effectivement que l'image latente, formée en lumière visible, peut être effacée plus ou moins par de la lumière infrarouge. On peut la superposer par après ou simultanément. C'est "l'effet Herschel", mais cela ne me suffisait pas. J'ai voulu comprendre le processus photographique normal et pourquoi la lumière infrarouge peut produire un effet antagoniste. Disons simplement que les photons de lumière visible absorbés dans des petits cristaux d'halogénure d'argent (AgCl, AgBr ou AgI) créent de minuscules agglomérats d'atomes d'argent. Ces "grains" ont des tailles variables, avec 1, 2, 3, 4, 5 ou plus d'atomes d'argent, mais il faut que la taille soit suffisante pour que ces "germes de cristallisation" puissent grandir au cours du processus du développement. Normalement il faut qu'il y ait au moins trois atomes d'argent. Or les photons de lumière infrarouge sont absorbés par les grains déjà constitués et ils en réduisent la taille, en enlevant des atomes d'argent. Si l'on tombe au-dessous du seuil critique, le développement de l'image latente n'est plus possible.

C'était intéressant en soi, mais ne démontrait pas encore que la troisième photo prise à Ramillies pouvait se présenter comme s'il n'y avait pratiquement pas eu de lumière visible. Est-il vraiment possible d'en arriver à un effacement complet de l'image latente avec du matériel photographique commercial d'aujourd'hui ? Il fallait passer par un test expérimental, mais avant cela, on pouvait se dire au moins qu'une exposition simultanée de très courte durée renforcerait "l'effet Herschel". En effet, la lumière visible ne parviendrait qu'à former de petits grains, plus facilement réduits au-dessous de la taille critique.