L'épidémie d'impact des pares-brises à Seattle : Une illusion de masse fameuse du 20ème siècle

Bartholomew, Robert: Reality Check, publié par la Society for Sensible Explanations, 1998
n1Robert Bartholomew est sociologue à l'Université James Cook, Queensland, Australie, co-auteur de UFOs and Alien Contact: Two Centuries of Mystery, publié par Prometheus Books, mars 1998)

La plupart des personnes vivant aux environs de Seattle, dans l'état de Washington, ne savent probablement pas que chaque année depuis les années 1950s, ils ont fait l'objet de discussions de sociologues et psychologues donnant des cours sur le comportement collectif et la psychologie sociale. Pourquoi ?

A cause d'un épisode qui toucha la région en 1954, et les scientifiques des sciences sociales y font largement référence comme "l'épidémie des impacts de pares-brises de Seattle." L'incident est un exemple classique d'une illusion sociale ou de masse. Il est malheureux que de tels événements soient parfois qualifiés d'"hystérie de masse". La plupart des scientifiques des sciences sociales d'aujourd'hui préfèrent le terme d'illusion sociale et hésitent à utiliser le mot "hystérie", la plupart des participants aux épisodes n'étant certainement pas hystériques au sens clinique du terme (l'hystérie est une perturbation sérieuse du système nerveux caractérisée par une excitabilité émotionelle et des perturbations sensorielles).

Également, l'utilisation du terme "hystérie" peut être vue comme offensante pour les femmes. Ceci parce qu'au cours des 2 derniers siècles, de nombreux scientifiques ont improprement qualifié une variété de comportements féminins comme "hystériques". Bien que cette vision ait changé chez la plupart des scientifiques dans les dernières décennies, elle reste une question sensible.

Cela étant dit, le terme "hystérie de masse" reste populaire dans les médias de masse et chez le public pour décrire les réponses exagérées d'une communauté à diverses menaces imaginaires. Ceci inclurait des incidents comme la villianization de nombre de citoyens innocents de Wenatchee, dans l'état de Washington en tant que criminels sexuels comme cela a été documenté dans l'excellent livre de Kathryn Lyon, Witch Hunt s1Lyon, Kathryn. (1998) Witch hunt: a true story of social hysteria and abused justice. New York: Avon Books, et a peu de chances d'être remplacé dans un futur proche par des termes moins dramatiques comme illusion de masse ou illusion sociale. Pour des exemples de "véritables" hystéries de masse impliquant la diffusion rapide de symptômes hystériques dans des groupes, voir Wessely s2Wessely, Simon. (1987). "Mass hysteria: two syndromes?" Psychological Medicine, 17:109-120, Bartholomew et Sirois s3Bartholomew, Robert E., et Francois Sirois (1996). "Epidemic hysteria in schools: an international and historical overview." Educational Studies 22(3):285-311, et Boss s4Boss, Leslie P. (1997). "Epidemic hysteria: a review of the published literature." Epidemiological Reviews 19:233-43.

L'épisode des impacts fantômes de pares-brises débuta le mardi 23, lorsque des récits de presse commencèrent à apparaître à Seattle. Les histoires parlaient de dommages sur les pare-brises d'automobiles dans une ville à 80 miles au nord. La police suspecta à l'origine des vandales, mais à mesure que le nombre de cas affluait, il devint vite évident qu'il ne s'agissait pas d'une explication viable. À mesure que les jours passaient, les signalements de pare-brises endommagés se rapprochèrent de Seattle. À la tombée de la nuit du mercredi 14 avril 1954 lorsque l'agent mystérieux atteignit la ville pour la 1ère fois, jusqu'au le lendemain, la police enregistra 242 appels téléphoniques de résidents préoccupés à travers Seattle, parlant de minuscules marques d'impacts sur des véhicules se comptant au-delà de 3000. Dans certains cas, des lots de parking entiers furent signalés avoir été touchés.

Le signalement le plus courant de dommage impliqua des déclarations de témoins étonnés que de minuscules marques d'impact aient grandi en des bulles de la taille d'un 10ᵉ de dollar qui étaient incluses dans la vitre, amenant à spéculer dans certains quartiers que le coupable était des œufs de chique qui avaient déposés dans la vitre d'une manière ou d'une autre et plus tard hachés.

Les signalements déclinèrent rapidement et cessèrent tous. Le le lendemain la police enregistra 46 plaintes d'impacts, et 10 le 17, mais après cette date, pas un seul autre signalement ne fut reçu. L'événement était terminé. La présence soudaine des "impacts" créa une anxiété qui se répandit largement lorsqu'ils furent typiquement attribués à des retombées atomiques d'essais de bombe à hydrogène qui avaient été récemment menés dans le Pacifique et avaient reçu une publicité des médias jusqu'à saturation. À la hauteur de l'incident la nuit du 15 avril, le maire de Seattle chercha même l'aide du président des États-Unis Dwight David Eisenhower.

Cependant, une enquête de Nahum Z. Medalia de l'Institut de Technologie de Géorgie et d'Otto N. Larsen de l'Université de Washington s5Medalia, Nahun Z, Larsen, Otto N. (1958). "Diffusion and belief in a collective delusion." American Sociological Review 23:180-186 détermina que les impacts avaient toujours existé et provenaient d'événements banaux comme un usage ordinaire de la route, mais étaient n'avaient jamais été remarqués. Dans le wak de rumeurs comme la présence de retombées nocives et stimulés par quelques cas initiaux amplifiés par les médias d'actualités, les résidents commençèrent à regarder sur au lieu d'à travers leurs pare-brises.

Pendant l'épisode, le gouverneur contacta le Laboratoire de Recherche Environnementale à l'Université de Washington pour analyser les signalements. Ils rapportèrent que les mystérieux grains noirs et sooty trouvés sur de nombreux pare-brises étaient des cénosphères — de minuscules particules produites par la combustion incomplète de charbon bitumeux. De telles particules, fut-il noté, avaient été courante à Seattle depuis de nombreuses années, et ne pouvaient pas impacter ou pénétrer les pares-brises s6Bovee, Harley H. (1954). "Report on the 1954 windshield pitting phenomena in the State of Washington." Mimeographed: Environmental Research Laboratory: University of Washington (10 juin).

La littérature sur les illusions de masse ou collectives indique le rôle pivot de plusieurs facteurs-clés. Ceux-ci incluent la présence d'ambiguïté, d'anxiété, la diffusion de rumeurs et les croyances fausses, mais plausibles, et une redéfinition de la menace potentielle de générale et éloignée à spécifique et imminente. Des facteurs exacerbants incluent la faillibilité de la perception humaine, l'influence des médias de masse dans la diffusion des peurs, les événements géopolitiques récents et le renforcement de la fausse croyance par des figures d'autorité et celles dans des institutions de contrôle social (par exemple la police, les militaires, un conférencier universitaire ou le chef des sceptiques de Washington).

Dans leur conclusion, Medalia et Larsen notent au moins 2 autres fonctions possibles de l'illusion des impacts. D'abord, les signalements d'impact coïncidant avec les essais de la bombe H, la publicité des médias semble avoir réduit la tension sur les inévitables grandes conséquences des essais de la bombe - quelque chose devait nous arriver comme une conséquence des essais de la bombe H — les pare-brises furent impactés — c'est arrivé — maintenant ce sujet est clos (p. 186).

Ensuite, l'acte-même de téléphoner à la police et les appels du maire au gouverneur et même au président des États-Unis, servirent à donner aux gens l'impression qu'ils "faisaient quelque chose" par rapport au danger qui les menaçaient (p. 186).

L'épidémie d'impacts de Seattle n'est que l'une d'une longue liste d'illusions de masse étant intervenues aux Etats-Unis au cours du 20ᵉ siècle. D'autres exemples incluent le "Diable du Jersey" (1909), la panique de l'invasion martienne (1938), le gazeur fou de Mattoon, dans l'Illinois (1944), les observations de soucoupes volantes (depuis 1947), la Vierge Marie à Saba Grande (1953) et les rumeurs et persécutions entourant l'existence d'un réseau répandu de culte satanique et de groupes de maltraitance d'enfants devenus proéminents depuis les années 1980s (voir s7Bartholomew Bartholomew, Robert E. (1997). "Collective delusions: a skeptic's guide." Skeptical Inquirer 21:29-33, s8Bartholomew, Robert E. (1998). "The Martian Panic Sixty Years Later: What have we learned?" Skeptical Inquirer 22 (novembre-décembre) dans la presse).

Alors que nous approchons le 21ᵉ siècle, l'humanité semble être de plus en plus dépendante de diverses formes de communications de masse pour obtenir des informations précises et instantanées. Malgré des avancées continues en science et en technologie depuis l'Ere de Enlightenment, dans le climat présent, nous pourrions en fait devenir plus, et non moins vulnérables, aux illusions de masse.