La commission Robertson, 1952-1953

Le jeudi 4, l'IAC s'empara de la question des ovnis. Amory, en tant que président effectif, soumit la requête du DCI Smith au comité, qu'il débatte informellement du sujet des ovnis. Puis Chadwell passa brièvement en revue la situation et le programme en cours de l'ATIC concernant les ovnis. Le comité fut d'accord que le DCI engage les services de scientifiques sélectionnés pour analyser et estimer les éléments disponibles à la lumière de théories scientifiques pertinentes, et qu'il rédige une NSCID sur le sujet s1Klass 1983, p. 27. Le Major Général John A. Samford, Directeur du Renseignement de l'USAF, offrit sa totale collaboration s2Richard D. Drain, Secrétaire Exécutif de l'IAC, "Minutes of Meeting held in Director's Conference Room, Administration Building, CIA," 4 décembre 1952.

Au même moment, Chadwell s'intéressa aux tentatives britanniques dans ce domaine. Il apprit que les Britanniques étaient aussi actifs dans l'étude du phénomène ovni. Un éminent scientifique britannique, R. V. Jones, dirigeait un comité permanent sur les soucoupes volantes, créé en juin juin 1951. Les conclusions de Jones et de son comité sur les ovnis étaient similaires à celles des officiels de l'Agence : les observations n'étaient pas un aéronef ennemi, mais une mauvaise interprétation de phénomènes naturels. Le Britannique remarquait, par ailleurs, que pendant un récent show aérien, des pilotes de la RAF et des responsables militaires de haut rang avaient observé une soucoupe volante parfaite. Vu l'écho dans la presse, d'après l'officier, Jones traversait une période des plus difficiles en tentant de corriger l'opinion publique au sujet des ovnis. Le public était convaincu qu'ils étaient réels s3Memorandum de Chadwell pour enregistrement, British Activity in the Field of UFOs, 18 décembre 1952.

En janvier 1953, Chadwell et H. P. Robertson, un physicien renommé du California Institute of Technology, rassemblèrent une commission éminente formé de scientifiques non-militaires pour étudier la question des ovnis. Il comprenait Robertson, son président; Samuel A. Goudsmit, un physicien nucléaire du BNL; Luis Alvarez, physicien des hautes-énergies; Thornton Page, le directeur-adjoint du Bureau de Recherche John Hopkins, expert en radar et en électronique ; et Lloyd Berkner, un directeur du BNL et spécialiste en géophysique s4Memorandum de Chadwell pour DCI, Consultants for Advisory Panel on Unidentified Flying Objects, 9 Janvier 1953 Curtis Peebles, Watch the Skies! A Chronicle of the Flying Saucer Myth (Washington, DC: Smithsonian Institution Press, 1994). pp. 73-90 Jacobs 1975, pp. 91-92.

La tâche de la commission était d'analyser les éléments diponibles sur les ovnis et d'estimer les dangers possibles du phénomène pour la sécurité des Etats-Unis. La commission se réunit du mercredi 14 janvier 1953 à mai 1954. Elle éplucha les données de l'USAF sur les cas-types d'histoires d'ovnis et, après avoir étudié le phénomène pendant 12 heures, déclara que des explications rationnelles pouvaient être suggérées pour la plupart, sinon pour toutes les observations. Par exemple, après avoir examiné le film d'une observation d'ovnis près de Tremonton (Utah), le mercredi 2 juillet 1952, et un autre pris près de Great Falls (Montana), le mardi 15 août 1950, la commission conclut que les images du film de Tremonton étaient causées par le reflet du soleil sur des mouettes, et que les images de Great Falls étaient des réflections de la lumière solaire sur la surface de 2 intercepteurs de l'USAF s5Fred C. Durant III, Report on the Robertson Panel Meeting, Janvier 1953.

La commission conclut à l'unanimité qu'il n'y avait pas de preuve d'une menace directe contre la sécurité nationale dans les observations d'ovnis. La commission ne trouvait pas non plus d'éléments prouvant que les objets observés puissent être extraterrestres. Il pensait que la collecte continuelle de rapports d'ovnis pourrait menacer le fonctionnement normal du gouvernement en encombrant les canaux de communication avec des rapports hors de propos et en induisant un comportement hystérique de masse dommageable pour l'autorité constituée. La commission craignait également que des ennemis potentiels projetant d'attaquer les Etats-Unis pussent exploiter le phénomène des ovnis et les utiliser pour disloquer la défense aérienne US s6Report of the Scientific Panel on Unidentified Flying Objects (le rapport Robertson), 17 janvier 1953 s7Fred C. Durant III, Report on the Robertson Panel Meeting, Janvier 1953.

Pour faire face à ces problèmes, la commission recommandait au NSC de déboulonner les rapports d'ovnis et de mettre sur pied une politique d'éducation publique pour rassurer le public sur le manque d'éléments solides derrière les ovnis. Il suggérait d'utiliser les média de masse, la publicité, les clubs d'affaires, les écoles, et même la société Disney, pour faire passer le message. Établissant son rapport en plein maccarthysme, la commission recommandait également que les groupes d'études privés sur les ovnis, tels que le Civilian Flying Saucer Investigators de Los Angeles, soient surveillés pour activités subversives s8Report of the Scientific Panel on Unidentified Flying Objects (le rapport Robertson), 17 janvier 1953 s9Fred C. Durant III, Report on the Robertson Panel Meeting, Janvier 1953 s10Good 1988, pp. 337-38 s11Jacobs 1975, p. 95 s12Klass 1983, pp. 28-29.

Les conclusions de la commission Robertson étaient remarquablement similaires à celles des rapports des projets antérieurs de l'USAF, Sign et Grudge, et à celles du propre Groupe d'Etude de l'OSI à la CIA. Tous les groupes de recherche parvinrent à la conclusion que les rapports d'ovnis ne comportaient pas de menace directe contre la sécurité nationale, ni de preuves de la visite d'extraterrestres.

Se conformant aux conclusions de la commission Robertson, l'Agence abandonna son projet de rédiger une NSCID sur les ovnis s13Memorandum de Reber pour l'IAC, 18 février 1953. Le Scientific Advisory Panel sur les ovnis (la commission Robertson) soumit son rapport à l'IAC, au Secrétaire à la Défense, au Directeur de l'Administration de la Défense Civile Fédérale, et au président du National Security Resources Board. Les responsables de la CIA dirent qu'aucune considération ultérieure du sujet n'apparaissait garantie, bien qu'ils continuèrent à contrôler les observations dans l'intérêt de la sécurité nationale. Philip Strong et Fred Durant, de l'OSI, informèrent aussi le Bureau des Evaluations Nationales de leurs conclusions s14Chadwell, memorandum pour DDI, Unidentified Flying Objects, 10 Février 1953 s15Chadwell, lettre à Robertson, 28 janvier 1953 s16Memorandum de Reber pour l'IAC, 18 Février 1953 s17Durant, Memorandum pour enregistrement, Briefing of ONE Board on Unidentified Flying Objects, 30 janvier 1953 s18CIA Summary disseminated to the field, Unidentified Flying Objects, 6 Février 1953. Les officiels de la CIA voulaient que l'intérêt de toute agence pour le sujet des soucoupes volantes soit le moins connu possible, remarquant que non seulement le rapport de la commission Robertson était "classifié", mais aussi que toute mention du soutien de la CIA à cette commission était interdite. Cette attitude causera plus tard de gros problèmes à l'Agence relativement à sa crédibilité s19Lettre de Chadwell à Julius A. Stratton, Provost MIT, 27 Janvier 1953.