Mutilations animales

Sider, JeanSider, Jean: LDLN n° 273-247, mars/avril 1987, mars 1987
n1Un article critique qui n'est lui-même pas exempt d'arguments contestables

Rappel historique

L'article en page 10
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C'est en 1973 que la prolifération des mutilations animales (bétail essentiellement) commence à attirer l'attention des chercheurs américains.

Auparavant, ce type d'incident était très épisodique, non évident, et pratiquement jamais investigué. Le cas le plus connu date de 1967 et concerna le cheval "Snippy" près l'Alamosa, Colorado.

J'ai pu collecter des rapports jusqu'en été 1983, et il semblerait que depuis lors, très peu de cas soient signalés à la Police. Le dernier cas connu de ma personne remonte à mars 1984.

Ces affaires se caractérisent par de très nombreuses anomalies qu'il m'est difficile de citer toutes ici, mais j'en rappellerai les plus notables ci-après :

J'ai comptabilisé 30 états ayant été touchés par ce "phénomène", dont 20 ayant enregistré un grand nombre de cas (environ 600 au moins rien que pour le Colorado, essentiellement en automne 1975).

Les autorités ont d'abord cru à l'action de sectes "sataniques", mais très vite elles se rendirent comptes que la main humaine n'avait pas grand chose à faire ici. Pour calmer la tension et l'inquiétude des zones rurales, elles décidèrent alors de mettre ces crimes sur le compte des animaux prédateurs. Ce qui simplifiait et décrispait la situation, car il n'y avait plus de coupables à arrêter.

Ce qui explique le cover-up, d'une part, et les raisons de mon enquête, d'autre part.

Une longue quête en perspective

Depuis 1 an j'ai entamé la 3ème et peut-être ultime étape de mes recherches sur le problème constitué par les mutilations animales, contingentées, je le répète pour ceux qui l'ignoraient encore, en Amérique du Nord, aux Etats-Unis essentiellement. Il ne semble pas s'agir, par conséquent, d'un phénomène universel, et les quelques cas signalés dans plusieurs pays d'Europe et d'Amérique du Sud qui ont pu me parvenir, ne paraissaient pas relever du même type que les incidents enregistrés chez l'Oncle Sam.

L'article en page 11
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J'avais entrepris la 1ère étape à partir d'un lot consistant de coupures de presse. Dans la seconde, j'avais entamé des contacts avec des chercheurs privés. La 3ᵉ, la plus longue mais aussi la plus délicate, touche essentiellement les personnes et organismes officiels concernés directement ou indirectement par ces événements.

Pour ce faire, près de 400 lettres ont été envoyées outre-Atlantique depuis 1 an, dans un but de prospection visant à collecter des documents officiels, certains étant à caractère scientifique. Actuellement, cette campagne de prospection est en cours, et j'avoue que je suis dans l'incapacité de dire quand elle sera terminée et sur quoi elle débouchera. Une étude en profondeur, bien sûr, c'est ce que j'avais envisagé au départ. Mais sous quelle forme ? J'ai déjà trop de données pour me limiter à un simple article et pas assez pour faire un livre. Le mieux est de continuer la collecte d'informations tant que j'aurai des sources potentielles pouvant me fournir de la documentation de bonne valeur, et de réfléchir après quant à la suite à donner à toutes ces démarches.

Voici en gros le genre de correspondants potentiels recherches :

D'une façon générale, 1 lettre sur 4 provoque une réponse. Et 1 réponse sur 2 est négative, du genre :

Il y a eu d'autres raisons invoquées, dont certaines manifestement ne devraient traduire que de la mauvaise volonté. Dans l'ensemble, une très nette réticence est décelable dans la plupart des courriers reçus. 2 vétérinaires d'état sur 22 contactés ont accepté de m'aider. Et encore, l'un l'a fait parce que je l'avais "piégé". L'autre m'a envoyé une petite partie de ses dossiers seulement, et celle-ci, bien qu'intéressante, reste malheureusement insuffisante.

Curieusement, le plupart des rapports d'autopsie que j'ai collectés m'ont été fournis par des correspondants oeuvrant dans des états différents de ceux d'où ils proviennent.

Peu de sheriffs ont accepté de me prêter assistance. Mais ceux qui l'ont fait ont parfois été extrêmement coopératifs. Un seul organisme d'état m'a réclamé de l'argent pour la fourniture de 75 documents. Un sheriff m'a transmis pour sa part, 180 documents sans me demander le moindre dollar.

J'ai commencé cette prospection après avoir acquis avec certitude la réalité de 2 choses fondamentales pour la poursuite de mon enquête :

  1. L'existence de rapports d'autopsie rédigés par des vétérinaires d'Université spécialisés en pathologie, démontrant que dans certains cas, les animaux prédateurs n'étaient pas concernés.
  2. Le comportement des animaux prédateurs nécrophages consommant des carcasses de gros mammifères morts de causes naturelles en plein pâturage, loin de toute présence humaine, est incompatible avec les cas qui nous intéressent ici, et par conséquent il ne peut être question de leur imputer les soi-disant découpages relevant d'un instrument tranchant manié au moins par une main humaine.

Ces 2 points ayant été établis de façon la plus irréfutable qui soit, la prospection s'est poursuivie à une cadence plus élevée, au fur et à mesure que j'obtenais des adresses. Certaines m'ont été données par des correspondants initialement contactés. D'autres furent trouvées dans mon dossier de coupures de presse. La plupart des autres me furent aimablement communiquées, après recherches, par le Centre Culturel de l'Ambassade des Etats-Unis, 2, rue Saint Florentin, 75001 Paris. Pour ceux que le renseignement intéresse, en faisant le 296.33.10, ils seront en relation avec ce Centre et n'ont qu'à demander la personne habilitée à donner une adresse et son code postal, pour obtenir les renseignements demandés en quelques secondes, quand on est précis, en plusieurs minutes quand on l'est moins...

L'article en page 12
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Avec ce que j'ai collecté en près d'une année, je suis en mesure d'affirmer les choses suivantes :

  1. Plusieurs vétérinaires d'état ont délibérément dissimulé certains faits lorsqu'ils furent consultés par des enquêteurs officiels ou même privés. Ils sont allés jusqu'à inventer un nouveau comportement chez certains animaux prédateurs nécrophages.
    Les preuves de ce que j'avance sont fournies par l'étude de ces animaux faite par des spécialistes, et qu'on peut trouver notamment dans le remarquable ouvrage suivante : "Procedures For Evaluating Predation on Livestock and Wildlife", Dr A. Wade & Dr James E. Bowns, édité par The Texas A&M University System, San Angelo, Texas, en 1980. Mais j'en ai d'autres avec les lettres personnelles qui m'ont été envoyées par les nombreux spécialistes en animaux sauvages que j'ai contactés, la plupart étant fonctionnaires au Fish and Wildlife Service, relevant du Ministère de l'Intérieur U.S.
    A noter que cet état de chose permit à un ancien agent du FBI et 2 scientifiques, de produire un rapport et 2 études visant tous les 3 à banaliser une situation paraissant avoir quelque peu embarassé les autorités américaines. J'y reviendrai en temps opportun.

  2. Au moins 3 experts en animaux sauvages sur la vingtaine contactés, eux aussi ont inventé un comportement fantaisiste chez certains prédateurs. Mais quand vous saurez que ces 3 scientifiques furent impliqués dans des autopsies de bestiaux mutilés, vous saisirez mieux la raison faisant que ceci explique cela ! Le plus drôle dans cette histoire, c'est que pas un seul de ces 3 spécialistes n'est d'accord avec les 2 autres. Le 1er prétend que le coyote (canis latrans) est capable de faire des découpes sur du gros bétail, aussi lisses et nettes qu'avec un couteau affuté ! Le 2ᵉen dit autant du renard rouge (vulpes fulva) ! Enfin, le 3ème prétend que ce sont les petits prédateurs et les vautours sans préciser les espèces !
    Les preuves de cette évidente mauvaise foi sont dans l'ouvrage cité plus tôt, ainsi que dans les nombreuses lettres émanant d'experts en animaux sauvages ayant répondu honnêtement.

  3. Les quelques vétérinaires privés qui autopsièrent des bestiaux mutilés et dont j'ai obtenu une réponse personnelle, ont confirmé les constatations faites in situ, malgré le fait que les 3 dépréciateurs évoqués auparavant, du moins 2 d'entre eux, aient contesté leur qualification. Les preuves sont les lettres de ces vétérinaires, conservées préciseusement dans mes dossiers.

  4. Mis à part 1 cas isolé s'étant produit dans un état où de nombreux cas de mutilations animales furent attribuées à des activités humaines diverses, aucune affaire de mutilation de bétail n'a provoqué l'arrestation du moindre coupable. Cette situation a conduit certains journalistes et sociologues à raisonner de la façon suivante :
    Puisqu'il n'y a jamais personne d'arrêté, c'est que personne n'est coupable et que seuls les prédateurs sont les responsables des pseudo-mutilations, l'hystérie collective faisant le reste.
    A noter que l'un des sheriffs ayant accepté de m'aider m'a fait m'a fait parvenir un dossier épais sur des mutilations de chevaux s'étant produites dans son comté. Les bêtes étaient toujours des mâles ayant le pénis coupé, avec abondance de sang. Il s'agissait en fait d'actions commises par un maniaque sexuel qui fut d'ailleurs vu par plusieurs personnes courant derrière un alezan un couteau dans une main. Cet individu réussit à échapper à la police en émigrant dans un autre état, mais le dossier qu'il suscita va considérablement m'être utile pour établir des comparaisons avec les autres affaires, visant à éliminer les agissements de personnages ayant plus leur place dans un hopital psychiatrique qu'ailleurs. Les preuves montrant cette carence de coupables humains emprisonnés figurent dans les lettres de sheriffs que j'ai reçues.

L'étude d'un sociologue

Le Dr James R. Stewart, sociologue à l'Université du Sud-Dakota, Vermillion, fit en 1975 une étude sur les mutilations de bétail s'étant produites dans ledit état en l'année d'avant. Il la peaufina en avril 1980 pour être insérée dans le rapport de M. Kenneth M. Rommel, Jr que j'évoquerai bientôt. Cette étude, se voulant scientifique, comporte des insuffisances et des rapprochements inadéquats. Manifestatement, le Dr Stewart dut être influencé et même abusé par les déclarations de certains scientifiques de l'Université d'état sise à Brookins, qui prétendaient que les animaux prédateurs étaient les seuls coupables de ces mutilations.

J'ai contacté le Dr. Stewart et il a eu la gentillesse de m'envoyer toutes les photocopies des coupures de journaux sur lesquelles il travailla que le lecteur pourra déjà se demander si une étude faite sur des coupures de presse, à propos de mutilations de bétail, peut être considérée comme étant à caractère scientifique. passons. Chacun fait ce qu'il peut avec ce qu'il a...

L'article en page 13
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Soucieux de savoir comment il avait travaillé en vue de produire son étude, je lui envoyait une 2nde lettre pour lui poser de pertinentes questions auxquelles le sociologue américain répondit bien obligeamment. J'appris ainsi que le Dr Stewart n'avait rencontré que 2 vétérinaires concernés par les mutilations animales, mais plutôt que de me parler de ce qu'ils purent lui dire, il me renvoie au rapport de M. Kenneth Rommel ! Invité à me dire s'il avait contacté des policiers ayant enquêté sur des cas précis, il eût la franchise de me répondre qu'il avait fait seulement avec des policiers de l'Iowa (en 1975, lorsque des incidents du même genre se produisirent dans cet état) ! Quand je lui ai demandé s'il avait essayé de se procurer des rapport d'autopsie auprès du Laboratoire de Science Animale de l'Université d'état sise à Brookins, il se contenta de me renvoyer encore au rapport de M. K. Rommel, disant qu'il y en avait certaines publiées dedans. Comme j'ai pu obtenir une copie du rapport de M. Rommel grâce à l'amabilité de Thierry PinvidicPinvidic, Thierry, lequel dût attendre longuement avant de l'acquérir, j'ai pu constater de visu que le sociologue s'était trompé. En fait, pour ce qui concerne le Sud-Dakota, on peut y trouver page 247, la lettre d'un directeur de Laboratoire de Science animale affecté à l'Université de cet état, disant notamment ceci :

Dans chaque cas, nous avons pu établir que les parties manquantes furent enlevées par les animaux prédateurs...

Nous avons conscience que dans aucun cas, nous n'avons pu démontrer un exemple quelconque où les parties manquantes avaient été enlevées par un être humain...

Il est exact que l'animal prédateur, lorsqu'il déchire ou enlève une peau, laisse des bords nets qui ressemblent beaucoup à ceux ayant pu être faits à l'aide d'instruments chirurgicaux... Dans tous les cas nous avons pu établir l'évidence que les animaux prédateurs étaient impliqués dans les parties manquantes d'animaux morts de quelque cause naturelle...

Si c'est ce dont parle le Dr Stewart dans sa lettre, on est bien loin des rapports d'autopsie !

Par contre, j'ai réussi à obtenir plusieurs copies de rapports d'autopsies émanant précisément de cet organisme, dont au moins 2 sont signés de l'auteur de cette lettre publiée page 247 du rapport de M. Rommel. Et dans ces 2 circonstances, ce chef de laboratoire a écrit ceci :

1er cas : La cause de la mort de cet animal n'a pu être déterminée.

2ᵉ cas : A mon avis, l'enlèvement de la peau dans le secteur de l'aine et du prépuce a été fait avec un couteau, et les organes ont été enlevés...

Tout commentaire me parait superflu...

Le Dr Stewart reconnaît dans son étude (page 281 du rapport de M. Rommel) que les Laboratoires d'état du Nebraska et du Sud Dakota ayant conduit des autopsies sur du bétail mutilé en 1974, n'avaient oeuvré que sur un petit nombre de cas seulement. C'est vrai, et ça l'est également pour tous les autres états concernés par les mêmes problèmes. Mais il n'empêche que j'ai pu envoyer à ce sociologue : 5 copies de rapports d'autopsie émanant du Laboratoire de Science Animale de l'Université d'état du Sud-Dakota, dans lesquels il est clairement indiqué que les excisions notées ne furent pas le fait de nécrophages.

Et s'il avait eu l'idée d'écrire au Fish and Wildlife Service de Pierre, Sud-Dakota, il aurait pu avoir la réponse suivante de son "State Supervisor" M. Rew V. Hanson : Il semblerait que le plus avancé des prédateurs du monde, l'Homo sapiens, soit probablement responsable des incidents auxquels vous faites allusion. Une réponse que j'ai eue dans une lettre personnelle.

L'enquête d'une agence de police d'état

Le Colorado Bureau of Investigation, Denver, fut mandaté de juillet 1975 à janvier 1976 pour enquêter sur les mutilations de bétail s'étant produites dans son fief. Quelques 203 rapports furent collectés, et la laboratoire de cet organisme effectua 36 analyses sur des échantillons de parties d'animaux où se situaient des découvertes suspectes. 3 cas seulement sur ce nombre furent attribués à un instrument tranchant. Ces informations m'ont été confirmées dans une lettre personnelle signée du gouverneur de l'état concerné : M. Richard D. Lamm, à qui j'avais du m'adresser, puisque le Colorado Bureau of Investigation refusait de répondre à mes demandes.

La lettre du Gouverneur Lamm est assez déroutante. Elle me donne plusieurs renseignements probablement communiqués par M. Carl Whiteside, directeur adjoint de l'agence de police de Denver, et qui dirigea une équipe d'enquêteurs pendant la durée du mandat cité plus tôt. On y apprend par exemple que l'Université du Colorado conduisit 19 autopsies et que 9 cas furent attribués à l'action d'un instrument tranchant. D'autre part, il est précisé un point important : 11 cas concernaient des animaux morts de cause naturelle, mais pour ce qui est des 8 autres, cette cause ne put être établie.

Ce qui me chiffonne, c'est le fait que j'ai pu établir avec certitude que l'un des points évoqués dans cette lettre est erroné. En effet, il est question de l'aide sollicitée par le C. B. I. auprès du Denver Wildlife Research Center pour avoir l'assistance d'experts dans des examens et autopsies d'animaux morts. Or, j'ai contacté cet organisme, et il me fut répondu que cette assertion était fausse... Pour un organisme d'état, c'est plutôt gênant !

Comme la lettre du gouverneur Lamm accompagnait un important dossier comprenant, entre autre, les 36 rapports d'analyse émanant du laboratoire du C. B. I. cités plus tôt, je décidai de pointer les dates des analyses effectuées et de les comparer avec celles des rapports d'autopsie émanant du Collège de Médecine Vétérinaire de l'Université du Colorado, Fort Collins, et me rendis compte sans trop d'étonnement, que les 2 premières analyses du C. B. I. reconnaissant l'utilisation d'un outil tranchant se situaient avant le mandat impliquant l'agence de police de Denver dans les affaires de mutilation de bétail. Quant à la 3ème, elle se plaçait comme était la 2ᵉ analyse faite après cette implication, toutes les autres, négatives, prenant place également après. Or l'Université du Colorado conduisit 19 autopsies dont les rapports sont en photocopie dans mes dossiers. J'ai pu constater que 2 cas seulement sont imputés aux prédateurs nécrophages, tandis que 2 autres restent dans l'imprécision. Sur les 15 restants, 12 parlent d'un instrument tranchant, 1 évoque la possibilité d'un outil affûté, 1 fait mention d'un mutilation (sans autre précision), et 1 fait état d'une excision (sans détails supplémentaires). Ce qui fait au mieux, si j'ose dire, 14 cas dans lesquels les animaux prédateurs n'ont rien à voir. Ce qui représente 70 %...

L'article en page 14
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C'est de plus en plus gênant : pendant plus de 6 mois, cette Université conduisit 19 autopsies sur lesquelles 14 cas furent le fait de "quelqu'un" muni d'un instrument tranchant, pendant que dans le même temps, le C. B. I. solicita, au cours de son mandat, l'aide des vétérinaires de l'Université du Colorado à plusieurs reprises. Ils indiquent qu'au moins 2 cas soumis au C. B. I. relevaient de mutilations faites avec un instrument affûté, non comptés dans les 12 cités ci-avant.

J'ai relancé le C. B. I. pour avoir d'autres précisions à propos de ces 36 affaires sur lesquelles il investiga, et tout récemment, après avoir adressé une autre réclamation au gouverneur Richard Lamm pour qu'il invite cette agence de police à honorer ma demande, j'ai obtenu un dossier consistant, dans lequel se trouvaient les rapports du comté de Benton, Arkansas, établis par le sergent F... sans les rapports initiaux rédigés à la main par les enquêteurs ! (voir le chapitre consacré à M. Rommel).

Je n'ai malheureusement pas eu encore le temps de le décortiquer en profondeur, mais dès que j'en aurai la possibilité je le ferai, et s'il faut, en fonction de ce que j'y trouverai, un article spécial lui sera consacré.

Mais je tiens à remercier le gouverneur Richard D. Lamm pour son extraordinaire amabilité. Sans lui, il est probable que jamais je n'aurais pu réunir autant de documents officiels sur le Colorado.

L'étude d'une anthropologue

Mme Nancy Owen, du Department of Anthopology University of Arkansas, Fayetteville, reçut en 1978 une subvention d'un organisme humanitaire pour mener à bien une étude sur les mutilations qui se produisaient en Arkasas s1Owen, Nancy H. (Dr): "Preliminary Analysis of The Impact of Livestock Mutilations on Rural Arkansas Communities", 1978, Final Report (révisé en janvier 1980), étude financée par the Arkansas Endowment for the Humanities, Little Rock, Arkansas.

A noter que Mme Owen n'enquêta que dans le comté de Benton, alors que 16 comtés de cet état furent concernés par ces incidents, selon elle. Rien que là, le lecteur pourra être pris par une quinte de toux... Mme Owen argue de ce fait en faisant valoir que le montant des crédits qu'elle avait obtenus était insuffisant pour faire une étude plus élargie. Passons.

Autre sujet d'étonnement. Le lundi 14 août 1978 une rencontre a lieu à Little Rock entre différents représentants de divers organismes officiels pour discuter de ces événements et demander la création d'une force spéciale de police pour enquêter sur ces affaires, sous les auspices du gouverneur de l'état concerné. Parmi les agences d'état représentées, figuraient : la police d'état, l'Université de l'Arkansas, le Laboratoire Criminel d'état, la Federal Aviation Administration et quelques autres de moindre importance.

Là aussi, le lecteur pourrait se mettre encore à tousser. Car enfin, comment imaginer des blessures faites par des animaux prédateurs ayant pu inciter ces organismes à se conduire ainsi _ Et que venait donc faire la Federal Aviation Administration dans cette histoire ?

Apparemment, Mme Owen passe outre sur cet aspect très important de cette affaire, évitant de la commenter. Toutefois, elle eut le mérite de faire une enquête plus en profondeur que le Dr Stewart, bien que son travail pêcehe par de nombreux défauts.

L'article en page 15
L'article en page 15

Il me faudrait au moins 5 pages de plus pour critiquer le travail de Mme Owen. Je vais donc trancher et me limiter à quelques remarques qui aideront le lecteur à se faire une opinion plus précise sur l'action de l'anthropologue de l'Arkansas.

Mme Owen mit surtout l'accent sur les abus des médias, et la publicité qui s'en suivit. A partir de cet argument de choc exploité inconsidérément par les socio-psychologues dans certains cas, elle s'employa à minimiser l'importance de ces événements en usant de différentes ficelles dont certaines sont quand même un peu grosses. Ainsi, elle mit l'accent sur le fait que les éleveurs qui eurent à se plaindre manquaient d'expérience, bien qu'elle admit qu'il y en avait 60 % étant dans le métier depuis leur plus jeune âge. Pour s'en sortir, elle argue du fait que ces fermiers avaient d'autres occupations que l'élevage de bestiaux pour arrondir leurs fins de mois. Ce n'est qu'un faux-fuyant, car elle "oublie" de s'appuyer sur les rapports de police et les 5 autopsies qui furent conduites, sur les 22 cas enregistrés dans le comté de Benton et sur lesquels elle travailla.

Ces documents, que j'ai en photocopie dans mes dossiers sont suffisamment explicites pour invalider l'analyse de Mme Owen. De plus, dans les autopsies il est fait mention également : D'incisions ayant été faites avec un certain degré de précision tel que le suggère l'utilisation d'un couteau, selon les propres termes de Mme Owen, p. 8 de son étude.

Là, l'anthropologue de Fayetteville "fait l'impasse" sur l'autopsie conduite par un vétérinaire sur le cas n° 12. Il y est inscrit noir sur blanc, que les organes enlevés, l'avaient été d'une manière chirurgicale (have been removed surgically).

Sur les 22 rapports de police cités par Mme Nancy Owen, 16 font état de découpes de type chirurgical. Bien que 3 ou 4 d'entre eux aient concerné en réalité des lésions non décrites comme telles initialement (nous reviendrons sur ce point bientôt), il en reste quand même une douzaine et cela fait encore beaucoup pour ramener toutes ces affaires à un phénomène psycho-social provoqué par quelques prédateurs aux dents particulières et certains journalistes en mal de copie avides d'hisstoires à faire dresser les cheveux sur la tête.

D'autant que dans au moins 1 cas, des analyses faites par un toxicologue fonctionnaire d'état, à partir d'un échantillon de liquide péricardial (sérosité secrétée par le péricarde), décelèrent la présence de mescaline, une drogue hallucinogène tirée du peyolt, plante cactacée que l'on trouve au Mexique, et surtout pas dans les pâturages de l'Arkansas, comme le laissa penser M. Rommel, page 197 de son rapport. Par prudence, page 196, il avait signalé auparavant la présence de "hippies" campeurs dans le secteur concerné par ce cas. Diable ! En pareil cas, il vaut mieux préserver ses arrières !

Mais ni M. Rommel, ni Mme Owen ne peuvent expliquer l'absence de traces qu'auraient du laisser les mutilateurs, pas plus que l'absence de sang dans les veines de l'animal ; dans ce cas précis, le vétérinaire mandaté n'ayant découvert qu'un petit caillot de sang représentant environ 8 cm3 dans la partie droite du cœur de l'animal.

En bref, pour suivre Mme Owen dans son raisonnement, il aurait fallu toute une conjoncture mettant en œuvre l'incompétence des éleveurs, des policiers, des vétérinaires, ainsi que des journalistes puisque certains d'entre eux firent quand même des enquêtes approfondies in situ. L'anthropologue de Fayetteville ne va pas jusque là et à l'instar de certains bridgeurs, utilise la tactique de l'impasse pour tromper l'adversaire, en l'occurence : pour tirer ses conclusions négatives.

Enfin, tout comme le Dr James R. Steward, le Dr. Nancy Owen a "oublié" de consulter des experts en animaux sauvages, en l'occurence ceux de l'Arkansas Game & Fish Commission, Little Rock, ou encore du Fish and Wildlife Service, à Little Rock également. De la part d'une scientifique, c'est impardonnable. Je lui ai écrit à 2 reprises, dont une fois avec coupon international de réponse. Jamais elle n'a honoré une seule de mes demandes de renseignements.

J'ai contacté les 2 organismes ci-avant nommés, et j'ai eu les précisions suivantes :

Le 1er cité, par son directeur M. Rocky Lynch, m'indique que les prédateurs de son état : n'ont aucune habitude insolite pour se nourrir et n'enlèvent pas de façon bizarre les organes des animaux morts.

L'article en page 16
L'article en page 16

Le 2nd, par son "state supervisor", M. Thurman W. Booth, me précise qu'en Arkansas : il est hautement improbable que que les caracasses d'animaux morts restent non touchées par les oiseaux et mammifères nécrophages pendant la nuit. Or la plupart des bêtes mutilées furent retrouvées le matin alors qu'elles avaient été vues en bonne santé la veille. Dans quelques cas, on ne les découvrit que 48 h plus tard, 3 jours pour le cas n° 18, une semaine pour le n° 16. Ce qui n'empêcha pas qu'elles furent toujours localisées absolument intactes, hormis les enlèvements d'organes présentés dans les rapports de police, du moins dans 16 d'entre eux, comme étant faits d'une manière chirurgicale. D'ailleurs, aucun des rapports dont il est question ici ne fait mention de traces de morsures faites par les animaux prédateurs ou nécrophages.

Nous retrouverons le Dr Nancy Owen bientôt ci-après.

L'enquête d'un ancien agent du FBI

En mai 1979, M. Kenneth Rommel fut mandaté pour solutionner les cas de mutilations animales dans des circonstances que j'ai déjà eu l'occasion d'exposer sous forme d'articles cités en référence dans le commentaire de Fernand Lagarde. Inutile d'y revenir.

En avril 1980, cet ancien agent du FBI écrivit un rapport de 297 pages pour nous apprendre, après 1 année d'enquêtes, que les mutilations n'étaient que les animaux prédateurs et que les abus des media avaient créé une situation telle dans le public qu'elle avait provoqué une hystérie collective. C'est maintenant un son de cloche auquel le lecteur est habitué s2Rommel, Kenneth, M.: "Operation Animal Mutilation", report of the District Attorney 1st Judicial District, Espanola, New Mexico, étude financée par the Criminal Justice Department of New Mexico.

Il me faudrait au moins 50 pages pour dégringoler en flammes le travail de M. Rommel avec preuves à l'appui, mais dans le cadre de cet article, je suis contraint d'être concis autant que faire se peut.

M. Rommel avait été initialement chargé d'enquêter sur des cas enregistrés au Nouveau Mexique. Mais il ne se gêne pas pour solutionner aussi ceux s'étant produits dans tous les autres états, parfois en quelques lignes hâtivement écrites à partir d'un simple courrier reçu d'un "State Veterinarian" de l'état concerné.

Et c'est là où le bât blesse plus qu'ailleurs. Car M. Rommel ne se base que sur des affirmations de vétérinaires d'état pour étayer son travail de démolition. Si l'on consulte les pages 227 à 231, on se rend compte non sans stupeur que toute sa bibliographie n'est constituée que de références à des articles de journaux et de revues, consacrés aux mutilations animales ! N'y figure aucun ouvrage spécialisé sur le comportement des animaux prédateurs et nécrophages.

Pour ce qui est de ce comportement des animaux sauvages confrontés à des caracasses de gros mammifères pour se nourrir, M. Rommel, probablement parce qu'aucune étude spécialisée faisant autorité dans ce domaine ne pouvait pas l'aider dans son œuvre de banalisation, et pour cause !, préféra joindre des vétérinaires d'état après un premier contact téléphonique comme il le reconnait lui-même, afin d'avoir les réponses qu'il ne trouvait pas ailleurs.

Il ne dût avoir aucun mal à se faire comprendre, puisque certains de ces vétérinaires d'état avaient déjà fait savoir à la presse de leur état respectif, depuis 1974 selon le cas, que les animaux prédateurs étaient responsables des mutilations, comme le fit celui du Sud-Dakota, et que j'ai évoqué plus tôt dans le chapitre consacré au Dr. James R. Stewart.

Un vétérinaire d'état, aux USA, c'est avant tout un fonctionnaire soucieux de conserver sa place. Par conséquent, si on lui donne un ordre, il l'exécute scrupuleusement, même si cette obéissance aveugle le conduit à dire et à écrire des énormités.

C'est pourquoi les vétérinaires d'état interrogés par M. Rommel, moi-même, ou bien d'autres, écrivent les énormités, le petit doigt de la main gauche sur la couture du pantalon.

M. Rommel cite plusieurs exemples, et parmi eux il y en a un qui vaut son pesant de rires. Celui où il est question d'un corbeau observé au Manitoba (province canadienne) dépeçant un reptile et y prélevant le foie d'une manière très nette sans toucher à rien d'autre. Seule la peau était trouvée dans la région du foie. Comment le corbeau acommplit ce travail de chirurgie avec une telle précision est un mystère (3-page 34).

Et voilà comment il explique les découpes chirurgicales !

A noter qu'un vétérinaire d'état n'est pas un expert en animaux sauvages, mais en animaux domestiques. Il a certaines connaissances de base, certes, mais ce n'est pas un spécialiste des nécrophages. Si les animaux prédateurs avaient vraiment eu des capacités de faire des découpes aussi précises qu'un chirurgien, M. Rommel se serait adressé sans l'ombre d'une hésitation à des experts du Fish and Wildlife Service, qui dépend du Ministère de l'Intérieur, et qui eux aussi, sont des fonctionnaires. Et si cela avait été le cas, son rapport aurait été presque impossible à réfuter, du moins sur ce point précis du comportement des prédateurs nécrophages.

L'article en page 17
L'article en page 17

Afin de rassurer le lecteur sur cette question, je puis citer l'avis du professeur A. L. Parodi, qui à la chaire d'anatomie pathologique à l'Ecole Nationale Vétérinaire d'Alfort, figurant dans une lettre personnelle :

Sans avoir d'expérience particulière du comportement des carnassiers sauvages, il me semble peu probable qu'ils puissent effectuer des ressections aussi précises que celles que vous décrivez. Ce que je sais sur le comportement de ces prédateurs, indique qu'ils s'attaquent d'abord aux viscères, digestifs, notamment, avant de consommer les masses musculaires.

Pour faire bonne mesure, je citerai l'opinion de Mme Leclerc-Cassan, vétérinaire au Museum National d'Histoire Naturelle, Parc Zoologique de de Paris, spécialiste en animaux sauvages, obtenue dans une lettre personnelle :

Je vous précise que les prédateurs déchirent leur proie grâce aux dents, aux griffes ou au bec. Cela peut entraîner quelques entailles franches au cou par exemple ou sur les flancs, mais jamais une découpe franche. Les lésions que vous me décrivez ne semblent donc pas devoir être attribuées à ce genre d'animaux. De plus les prédateurs se nourrissent en premier lieu des viscères et des masses musculaires, les parties génitales ne présentant pas un attrait nutritif particulier ni primordial.

Un dernier coup de masse pour assommer M. Rommel sur ces détails si importants. J'ai contacté 2 experts en animaux sauvages au Nouveau Mexique, autrement dit en plein fief de l'ancien agent du FBI. Ils ont été édifiants.

Le 1er est M. Gary E. Larson, Fish and Wildlife Service, New Mexico State University, Alburquerque, qui me dit entre autre, au sujet des découpes :

Dites-vous bien que des phrases telles que celle-ci : "aussi nette qu'un homme avec un rasoir ou un couteau affûté", sont probablement le fait d'enquêteurs inexpérimentés...

Le 2nd est M. Sanford D. Schemitz, professeur de science en animaux sauvages, Department of Fishery and wildlife Science, New Mexico State University, Las Cruces. Il me confirme tous les points précédemment établis et ajoute les précisions suivantes : Il n'est pas normal de trouver une carcasse presque entièrement intacte, non touchée par les nécrophages, sauf les parties sexuelles, alors que les masses musculaires non putrescentes, ni les viscères sont enlevés. Un animal qui meurt d'une cause naturelle en plein champ, loin de toute présence humaine dans une région retirée, est dévoré jusqu'au squelette dans les 24 h. Je ne connais aucune espèce de nécrophrages capable de faire des découpes aussi nettes ni aussi lisses qu'avec un outil affûté.

Cas du comté de Hodgeman (Kansas) le 1er août 1975
Cas du comté de Hodgeman (Kansas) le 1er août 1975 Cas du comté de Hodgeman (Kansas) le 1er août 1975
Cas du comté de Grant (Wisconsin) le 4 novembre 1975
Cas du comté de Grant (Wisconsin) le 4 novembre 1975 Cas du comté de Grant (Wisconsin) le 4 novembre 1975

Le lecteur, dans le cas où il se demanderait pourquoi M. Rommel n'interrogea pas ces spécialistes, doit très facilement comprendre pourquoi maintenant...

A noter que j'ai obtenu avec The New Mexico Livestock Board, où officie un "State Veterinarian", le Dr Robert L. Pyles, une liste de 26 cas de mutilations animales ayant été enquêtées par des inspecteurs de cet organisme, localisées entre août 1975 et septembre 1976, soit environ 1 an. Il est vrai que j'avais été obligé de me plaindre auprès de M. Toney Anaya, gouverneur de l'état du Nouveau Mexique, car ma demande de documents initialement envoyée au Livestock Board était restée sans zréponse. Cette liste est édifiante. Sur ces 26 cas, 18 font état des parties sexuelles ayant été enlevées.

Ce qui est singulier, c'est le fait que le Dr Pyles m'envoie par le même courrier 5 rapports d'autopsie émanant du fameux Los Alamos Scientific Laboratory, dépendant de l'Université de Californie. L'un des rapports fait état d'une carcasse mutilée par des humains, un autre évoque un scrotum enlevé, mais on ne dit pas qui ou quoi en fut l'auteur. Les 3 autres cas sont attribués aux animaux prédateurs et nécrophages. Or, 3 de ces cas, s'étant produits en novembre 1975 ne figurent pas sur la liste citée plus tôt. Ce qui veut dire que le nombre de cas répertoriés doit être nettement supérieur à 26. Du reste, M. Rommel, page 42 de son rapport, en signale 40, mais sur la totalité de novembre 1975 et l'année suivante, bien que ne donnant pas la période exacte concernée par des 2 années. Mais il y a beaucoup mieux. Sur ces 40 cas, il n'y en a aucun figurant sur la ligne réservée aux mutilations causées par des humains. Or le Dr Pyles, comme dit plus tôt, m'a adressé un rapport spécifiant bien l'origine humaine de certaines découpes constatées. Encore une preuve montrant que M. Rommel fait peu de cas des faits dûment établis.

La possibilité d'une "opération gambit"

Pour ce qui concerne les incidents signalés dans les autres états et contestés par M. Rommel, je ne citerai qu'un seul exemple suffisamment édifiant pour donner au lecteur une idée précise des méthodes employées par ce enquêteur. Il est relatif au comté de Benton, Arkansas, en 1978.

L'article en page 18
L'article en page 18

A l'aide de l'étude de Mme Nancy Owen, d'un sergent F... probablement "instruit", et de 2 ou 3 affaires facilement contestables, M. Rommel balaie en quelques pages ce qui se passe dans ce secteur.

Nous savons ce que vaut l'étude de Mme Owen. Passons donc à ce fameux sergent F... et du rôle qu'il joua ici. Ce policier affirma à M. Rommel (3-p. 192) que l'officier de police ayant mené la plupart des enquêtes avait fait des rapports falsifiés. Suite à cet étrange comportement, il aurait été suspendu pendant 30 jours, puis révoqué. Le sergent F... citait le cas n° 8 dans lequel l'officier avait écrit dans son rapport que la bête mutilée avait eu les 4 pattes brisées, alors que ce n'était pas vrai.

Comme j'ai les copies des rapports sur cette affaire, entre autres, il m'a donc été possible de vérifier ce point. Effectivement j'ai pu noter une anomalie, mais elle se situe à un niveau différent de celui indiqué par le sergent F...

En effet, j'ai 2 rapports sur le cas n° 8. Le 1er, rédigé à la main, émane du lieutenant R..., l'officier incriminé. Je n'y ai trouvé aucune allusion à des pattes brisées. Par contre, elle figure dans le 2nd rapport, tapé à la machine, mais dicté par le sergent F... !

Tous les rapports tapés à la machine que j'ai collectés sur le comté de Renton, même ceux relatifs à des enquêtes faites par un policier autre que le lieutenant R..., portent tous la même mention en haut, à gauche : Dictated by: Sergent F.... Lequel, à mon sens, dût probablement se baser sur les rapports rédigés à la main par les enquêteurs, pour dicter les siens à la sténo-dactylo.

Me rendant compte que le responsable d'une possible magouille n'était pas forcément celui évoqué dans le rapport de M. Rommel je décidai de vérifier tout le lot de rapports obtenus auprès de l'Arkansas State Police, et relevai bientôt une 2ᵉ anomalie, non divulguée dans le rapport de M. Rommel, et on peut facilement en comprendre la raison. Elle concerne le cas n° 11 qui fut investigué par un sergent T..., le lieutenant R... n'étant donc pas impliqué dans l'enquête. Or, si on prend connaissance du rapport Dictated by: Sergeant F..., et si on compare les termes avec le rapport d'autopsie qui fut établi en la circonstance, on se rend compte qu'il comporte un rajout. En effet, le rapport d'autopsie établi par le Dr. F..., précise : le rectum, la vulve, le vagin, l'utérus et la vessie ont été enlevés. Le vétérinaire ne disait pas de quelle façon. Alors que le rapport Dictated by: Seargent F..., portait la mention : ...d'une manière chirurgicale !

Le rapport initial fut établi par le sergent T..., le rapport d'autopsie par le Dr F...., et le rapport final par le sergent F..., ici, et je laisse le soin au lecteur de juger (je n'ai pas le rapport du sergent T...).

A noter que j'ai trouvé 2 autres cas, les n° 5 et 13, dans lesquels la mention de découpes à caractère chirurgical, portées sur les rapports Dictated by: Sergeant F..., ne figuraient pas sur les rapport du lieutenant R..., rédigés à la main initialement. Et les rapports du sergent F... étaient obligatoirement dactylographiés après les autres, puisqu'ils portent les nom et grade de l'enquêteur ! Restait à déterminer pourquoi le sergent F... semblait superviser le travail du lieutenant R..., car la logique aurait plutôt laissé penser le contraire.

Cas du comté de Cascade (Montana) en 1975
Cas du comté de Cascade (Montana) en 1975 Cas du comté de Cascade (Montana) en 1975 Cas du comté de Cascade (Montana) en 1975 Cas du comté de Cascade (Montana) en 1975 Cas du comté de Cascade (Montana) en 1975 Cas du comté de Cascade (Montana) en 1975

Parmi les documents fournis par l'Arkansas State Police, se trouve un rapport Dictated by: Sergeant F..., différent des autres. Il est adressé à un lieutenant E..., et à tous les enquêteurs du C.I.D. (Sic). Selon une coupure de presse, ce lieutenant E... à l'époque, était "Commander in the Criminal Investigations Division of the State Policy". Ce qui explique aussi le sigle C.I.D. Comme en fin de ce rapport, le sergent F... donne son adresse et celle du lieutenant R..., on se rend compte que le 1er appartenait au C.I.D., Compagnie "E", Springdale, donc était fonctionnaire de la police d'état, détaché au Sheriff's Department du comté de Benton. Alors que le lieutenant R... n'était qu'un adjoint du sheriff, possédant un statut local ne relevant pas de la fonction publique. Le sergent F..., représentant de la Police Criminelle de l'état d'Arkansas auprès du Sheriff's Departement, avait donc des pouvoir plus étendus que le lieutenant R..., de la police locale.

Ce rapport si différent, résumé des cas de mutilation animale dans le comté de Benton, et porte en haut et à gauche, la mention suivante : Source of information: Investigator's knowledge, Lt. R.... Autrement dit, le sergent F... prétend tenir le contenu de son rapport de ce que le lieutenant R... lui a dit, ou a écrit dans ses rapports. Le rapport indique qu'il établi le 27 novembre 1978 et dactylographié le 1er décembre 1978. Or j'ai constaté avec une certaine stupéfaction, que ce document reprenait des extraits, parfois à un ou deux mots près, d'un article qui fut publié le 26 novembre 1978, donc la veille, dans The News de Springdale, Arkansas, la ville où se trouvait basée l'unité à laquelle appartenait le sergent F.... Afin de dissiper tout malentendu, j'en fournira la preuve. Elle consiste en une énorme gadde que l'on retrouve dans les 2 textes. Il s'agit d'une mention erronnée figurant à la fois, dans l'article de presse, et dans le rapport du sergent F... Dans les 2 cas il est question du comté de Cascade, Colorado, secteur présenté comme étant très touché par les problèmes de mutilation animale. Or il s'agit en fait du comté de Cascade, Montana ! D'ailleurs il n'y a pas de comté, au Colorado, portant ce nom.

L'article en page 19
L'article en page 19

L'article, écrit par M. Guy Barnes, se base apparemment sur des interviews faites auprès de plusieurs personnes impliquées dans les enquêtes sur les bêtes mutilées. L'article est très long, et ce qui est prétendu émanant du lieutenant R... n'est aucunement outrancier. On ne lui fait pas parler du cas de la vache qui aurait eu les 4 pattes brisées. Par contre le journaliste fait dire au vétérinaire du cas n° 12 que l'œil de la bête aurait été enlevé au travers d'un trou perforé dans l'os orbital, les paupières étant restées intactes. Or, la mention que j'ai soulignée ci-avant ne figure pas dans le rapport d'autopsie !

Y aurait-il eu un coup monté, une sorte de gambit, destiné à discréditer l'officier et par le même coup, les histoires de mutilations anomales ? Ca n'est pas du tout impossible.

Le sergent F... aurait pu être "instruit" pour "piéger" le lieutenant R..., peut-être jugé trop expansif et trop loquace avec des gens de presse. D'une pierre on faisait 2 coupes, en évinçant un gêneur et en ramenant les incidents à des histoires imaginaires désirant se faire de la publicité pour acquérir une sorte de vedétariat.

C'est exactement la conclusion que tire M. Rommel !

L'ennui, c'est qu'il y a trop d'éléments se retournant contre l'accusation. La preuve des falsifications du lieutenant R... ne figure pas dans mon dossier, mais en ce qui concerne le sergent F..., les charges me paraissent accablantes. Le lecteur est invité à émettre son propre verdict...

Autre élément venant me conforter dans mes soupçons. En l'année suivante, un an après ces affaires, d'autres cas de mutilation se produisirent en Arkansas. Une certaine Arkansas Humane Association demanda publiquement au gouverneur de cet état, au cours d'un meeting, la création d'une force spéciale d'investigations. Ce qui fut refusé, mais un groupe d'étude fut constitué, parmi lequel figurait Nancy H. Owen, anthropologue que je n'ai plus à présenter, et qui venait de recevoir une petite subvention pour peaufiner sa 1ère enquête s3The Arkansas Democrat, Little Rock, Ark., 13 octobre 1979. Ce groupe d'étude était en étroite liaison avec la Police d'état, bien entendu, et quand je vous aurai dit que c'est le sergent F... dont j'ai amplement parlé ici, qui fut nommé coordinateur pour les affaires de mutilation d'animaux en Arkansas, vous aurez parfaitement compris ma pensée s4The Arkansas Gazette, Little Rock, Ark., 5 september 1979. Du reste, le moindre doute disparaît quand on apprend que le sergent F... avoua à un journaliste qu'il tentera une expérience avec l'aide de M. Kenneth Rommel s5 The Arkansas Democrat, Little Rock, Ark., 14 octobre 1979.

Cette expérience fut faite dans le comté de Washington sur une vache malade qui fut abattue pour la circonstance. Sa carcasse fut surveillée et seules des déprédations commises par les nécrophages furent notées. Interrogé par une journaliste, l'ex-lieutenant R..., déclara à propos de cette expérience : C'est de la foutaise ! J'en ai parlé avec d'autres enquêteurs. Ils n'ont rien découvert du tout !s6 The Arkansas Democrat, Little Rock, Ark., 19 octobre 1979

Il faut reconnaître que cette "expérience" était pour le moins douteuse...

Les journalistes produisirent des articles, en ce milieu de l'automne 1979, identiques à ceux de l'année précédente. Les policiers interrogés, sauf le sergent F..., les fermiers, et surtout les vétérinaires, répétèrent les mêmes déclarations relatives à des bêtes retrouvées mutilées à l'aide d'un couteau, de façon chirurgicale, etc. De même que le "State Veterinarian" de l'état s'employa à expliquer que le coyote peut quelquefois faire des coupures avec la précision d'un instrument chirurgical s7 The Arkansas Democrat, Little Rock, Ark., 19 octobre 1979.

Nous savons maintenant ce qu'il faut penser de cette invraisemblable prétention...

A noter que les vétérinaires d'état, jamais, ne firent mention de lésions à caractère chirurgical attribuées à des prédateurs, dans les quelques rapports d'autopsie qu'ils acceptèrent de divulguer. Il s'agissait toujours de marques de dents ou de becs. Lorsque la main humaine fut soupçonnée, ils employèrent toujours le terme : instrument tranchant, sans donner d'avis sur la manière exercée par le mutilateur. Mais il est très difficile de se faire une idée exacte de la situation si l'on considère que la plupart de ces rapports ne sont pas accessibles d'une part (du moins, très difficilement), et que le nombre des autopsies ordonnées fut très limité d'autre part (à cause des frais que cela entraîne).

Un dernier mot sur l'Arkansas de 1979. Un vétérinaire d'Ozark, le Dr Gary White, qui n'avait pas été sollicité en l'année d'avant, eût l'occasion de faire plusieurs autopsies l'année suivante. Parmi elles, 2 résultèrent sur une intervention humaine avec utilisation d'instruments tranchants, tandis que les autres identifiaient l'action d'animaux prédateurs. Ce qui démontre bien que ce spécialiste était parfaitement capable de différencier le "travail" de l'homme par rapport à celui des nécrophages. Du reste, ce vétérinaire confirma ce qu'il avait constaté à un journaliste, allant jusqu'à déclarer, à propos des autorités qui cherchaient à mettre tous les cas sur le compte des prédateurs : je suis convaincu qu'elles essaient de dissiper les craintes chez nous. J'ai vu des cas de bestiaux dévorés par les prédateurs, et 2 bêtes mutilées par des humains. C'était un travail d'une précision chirurgicale...s8 The Arkansas Democrat, Little Rock, Ark., 19 octobre 1979.

L'article en page 20
L'article en page 20

Un dialogue de sourd en quelque sorte. Sans compter les contradictions notées chez certains vétérinaires d'état. D'aucuns disent que certaines espèces peuvent faire des découpes de type chirurgical (voir ci-avant), pendant que d'autres, plus prudents, préfèrent nier cette précision des coupures en invoquant le manque d'expérience de ceux rapportant cette particularité. J'ai même relevé dans mes dossiers un cas où les 2 versions sont proposées par le même state veterinarian !

Pour en terminer avec le rapport de M. Rommel, voici maintenant la dernière information qui m'est parvenue le concernant : ça n'est pas M. Kenneth Rommel qui l'a écrit !

C'est Mme Nancy Owen !

Ce sont 2 "debunkers" américains qui l'affirment. Ils ont eu un entretien avec l'anthropologue au cours d'une soi-disant enquête qui s'appuie essentiellement sur des impressions personnelles, des exagérations, des "impasses", des "oublis", et surtout un très net manque de rigueur scientifique. Cela déboucha sur un livre assez épais mais plutôt décevant malgré son titre accrocheur et son sous-titre sans rapport avec le contenu s9Kagan, Daniel & Summers, Ian: Mute Evidence, Bantham Books, New York, 1984, pp. 156, 386 et 406 n2Ce livre est sous-titré : "The Cattle Mutilation Mystery-Solved ! Finally, the incredible truth behind the wave of death that shocked the nation". Pour un ouvrage qui banalise ce problème, c'était plutôt incroyable, effectivement !.

Ainsi, la boucle est bouclée. L'étude du Dr Stewart, qui apparait dans le rapport de M. Rommel, est suivie par l'étude du Dr Owen, qui la peaufine en l'année suivante, alors que M. Rommel investigue, soit-disant, les mutilations animales du Nouveau Mexique. Le sergent F..., de la police d'état de l'Arkansas est également "embauché" dans l'équipe, et pour couronner le tout, la rédaction du rapport néo-mexicain est confiée à quelqu'un rompu dans ce genre de travail, l'anthropologue de l'Université de l'Arkansas. Un travail de petits copains, en quelque sorte.

Cas du comté de Eddy (Nouveau Mexique) le 22 janvier 1979
Cas du comté de Eddy (Nouveau Mexique) le 22 janvier 1979 Cas du comté de Eddy (Nouveau Mexique) le 22 janvier 1979

A noter que M. Rommel a toujours refusé de m'envoyer des copies de rapports d'autopsie concernant les cas sur lesquels il enquêta au Nouveau Mexique, ou plus exactement, a délibérément ignoré mes 3 demandes successives, me répondant à 2 reprises : Voyez mon rapport.... Il n'a pas répondu à la dernière de mes requêtes, et je comprends aisément pourquoi. J'y avais exposé brièvement des données, reposant sur des références à caractères scientifique, invalidant son hypothèse. Depuis, il s'est fermé comme une huître. J'ai appris qu'il avait agi ainsi avec tous ceux qui m'avaient précédé. Rien n'a filtré de ses enquêtes, et on n'en connait que ce qu'il a bien voulu dire à leur sujet. Mais sans preuves formelles.

Que le lecteur bâtisse ses propres convictions à partir de ces élements. Qu'il reste conscient de ce fait majeur : les mutilations animales des années 1970, aux Etats-Unis, restent inexpliquées, je parle des cas sérieux investigués par des gens capables n'ayant aucune arrière-pensée visant à donner dans la complaisance. Mais il m'est impossible d'aller plus loin pour l'instant, parce qu'il y a trop de facteurs d'obstruction, rendant ma démarche vaine. L'incompréhension, le manque de volonté, la mauvaise foi, le mépris même, rencontrés au cours de ma prospection ont été élevés à un tel niveau que j'en suis plutôt écœuré. Mais je m'accroche encore, car c'est le lot de notre recherche. D'autant qu'il y a quand même de l'espoir avec cette poignée de correspondants qui ont accepter de me prêter assistance.

Nous n'aurons peut-être pas la réponse aux questions que nous nous posons, mais nous auront facilité la tâche de ceux qui prendront notre relève. En souhaitant que nos efforts n'aient pas été inutiles et profitent aux courageux qui assureront la continuité, et en espérant qu'ils fassent mieux que nous.