La promesse de l'ufologie

Westrum, Ronald M.Westrum, Ronald M.: Frontiers of Science, novembre 1980

Dans son numéro du jeudi 11 octobre 1979, le New Scientist publia un article de James Oberg intitulé "L'échec de la 'science' de l'ufologie". Cet article a remporté le prix de 1000 livres New Scientist/Whisky Cutty Sark. Dedans M. Oberg fait valoir que bien que "ufologie" puisse sonner scientifique, il n'y a vraiment que peu de choses scientifiques à son sujet. Son essai contient de nombreux commentaires perceptivs et utiles, mais ne parvient pas à dresser un véritable portrait objectif d'un domaine d'étude sur lequel il sembla avoir de sérieuses idées fausses.

En tant que sociologue ayant été professionnellement impliqué pendant plusieurs années dans des groupes et la recherche ufologique, je pense qu'il est important d'éclaircir une partie de la confusion à laquelle M. Oberg contribue et de dresser une image plus fidèle et judicieuse de la nature de l'ufologie.

Laissez-moi résumé brièvement les arguments de M. Oberg. L'ufologie, avance-t-il, a échoué à devenir une science parce que ses pratiquants ne souhaitent pas se conformer aux règles de la méthode scientifique. Ils ne se préoccupent pas de l'authenticité des cas qu'ils publient et sont peu intéressés par le développement de théories falsifiables. Etant données ces observations générales, il pense que l'ufologie ne peut même pas être une protoscience, puisqu'une indifférence pour ces questions la prive automatiquement de tout type de statut scientifique. Il soutient ces assertions par des exemples de déclarations exaggérées, faites principalement par la presse, mais aussi par certains ufologues.

Examinons quelle part de vérité il y a dans les déclarations de M. Oberg.

Qu'est-ce que l'ufologie ?

L'ufologie est l'étude des observations d'ovnis, dont une fraction reste inexpliquée après une enquête compétente. On devrait faire remarquer que la grande majorité (environ 90 %) des "observations d'ovnis" rapportées se révèlent être explicables en termes de phénomènes naturels ou d'origine humaine. Un faible pourcentage sont des canulars.

L'ufologue compétent est donc conversant avec une large gamme de phénomènes pouvant donner lieu à des signalements spurious. Le véritable objectif de l'activité ufologique, cependant, est la recherche des cas résistant à l'explication. L'étude attentive de ces cas et de leurs schémas est l'objet de focalisation de l'ufologie. S'il doit y avoir une contribution significative quelconque à notre connaissance de l'univers de la part de l'ufologie, elle viendra d'une telle étude des cas "inexpliqués".

M. Oberg déclare que les ufologues affirment que de tels cas doivent être le résultat d'une cause exotique puisqu'ils sont inexpliqués. Il avance que, en fait, il s'agit d'un fatras que les scientifiques n'ont pas de véritable besoin d'expliquer. Il s'agit d'une sérieuse méprise. Ce sont des schémas dans des cas inexpliqués qui les rendent significatifs pour les ufologues. Les ufologues sérieux ne sont pas particulièrement intéressés par des collections de cas ne montrant que peu de liens les uns avec les autres.

La science en général est une activité bien-institutionalisée dans la société occidentale. L'ufologie ne l'est pas. Les ufologues prétendent rarement que ce qu'ils font est de la science ; ils ne possèdent pas un corps de principes et lois bien testés, vérifiés par des douzaines d'expérimentations reproductibles.

L'ufologie est une proto-science, un domaine d'étude qui aspire à devenir une science mais qui, reconnaissent ses pratiquants, a un chemin considérable à faire avant que ce but soit atteint. L'implication majeure de scientifiques dans la recherche sur les ovnis est un développement récent, vieux de moins d'une décennie. L'origine amatrice de l'ufologie est évidente à travers l'inégalité du travail ufologique. Certains chercheurs, en particulier ceux doté d'une formation technique, font un bon travail, solide et prudent. D'autres mènent leurs recherches d'une manière si occasionnelle que leurs résultats n'ont pas d'intérêt. On peut, comme le fait M. Oberg, les regrouper ensemble et rendre les chercheurs sérieux responsables des fautes des non-sérieux, ou mettre en avant certaines gaffes bien connues et affirmer qu'elles démontrent la qualité non-scientifique du domaine. La vraie question, cependant, n'est pas de savoir ce font les pires des ufologues, mais ce que font les meilleurs : y a-t-il une bonne pratique de l'ufologie comme il y en a une mauvaise ?

Pour répondre à cette question, nous devons nous confronter à 2 idées fausses plus sérieuses de la part de M. Oberg. La 1ère de celles-ci est son affirmation que la plupart des ufologues ont un mépris total pour l'authenticité des preuves. Cette affirmation, tout en étant dramatique, démontre simplement le manque de connaissance que M. Oberg a du sujet en question. Il n'est apparemment pas au courant du fait que la grande majorité des révélations d'erreurs et de canulars est le travail d'ufologues et que des débats sur l'authenticité des cas remplissent les pages de publications ufologiques.

Encore plus sérieuse est la fausse idée de M. Oberg selon laquelle les ufologues rejettent le concept de "falsificabilité" des théories scientifiques. Ordinairement, bien sûr, les théories elles-mêmes ne sont pas considérées falsifiables mais plutôt les hypothèses qui en sont dérivées. Néanmoins, s'il était vrai que les ufologues n'étaient pas préoccupés de la falsificabilité des hypothèses, l'affirmation de M. Oberg selon laquelle l'ufologie ne peut même pas être considérée comme une proto-science pourrait avoir quelque mérite.

Il suffit pour démontrer la fausseté de sa contention d'ouvrir le UFO Handbook (1979) écrit par Allan Hendry du Centre pour les Etudes sur les Ovnis. On y trouve des examens critiques careful des données, des hypothèses testées ? parfois vérifiées et parfois rélévées fausses ? et des théories passées en revue. Se peut-il que M. Oberg en sache si peu sur l'ufologie qu'il n'a jamais entendu parler d'hypothèses éminemment falsifiables comme l'orthoténie, le phénomène du mercredi, la loi des heures ou l'hypothèse de l'inverse de la densité de population ?

Toutes celles-ci furent examinées (et dans certains cas rejetées) à la lumière des données que M. Oberg semble ignorer. Que ce processus ne soit pas encore institutionalisé dans des journaux à comité de lecture est symptomatique, non pas de buts non-scientifiques de l'ufologie, mais plutôt de son état naissant.

Que peut-on apprendre de l'ufologie ?

La réponse la plus évidente à cette question est que l'ufologie pourrait révéler l'existence de nouveaux phénomènes naturels. Un grand nombre d'observations enquêtées par des ufologues semble être des phénomènes naturels semblables à la controversée foudre en boule. L'existence de cette dernière était toujours débattue par certaines personnes, il est évident que beaucoup reste à découvrir sur les propriétés de ces manifestations à l'allure de plasmas. Notre principal indice pour elles, cependant, est le témoignage humain. Leur nature transitoire et effrayante leur permet généralement d'échapper à l'objectif. Même Philip Klass, le critique le plus proéminent de l'ufologie, pense que ces phénomènes devraient être étudiés plus attentivement, comme il le recommande dans son livre UFOs - Identified (1968).

Le motif le plus exotique pour étudier les observations d'ovnis est la détection possible de preuves physiques d'une intelligence non-humaine. Même après que les ovnis de type "plasma" soient éliminé de la catégorie des "inexpliqués", il reste toujours un résidu de cas qui inclut des caractéristiques fortement suggestives d'une origine intelligente non-humaine.

Est-il délicat de croire que des indices physiques d'une intelligence non-humaine pourrait atteindre notre atmosphère ? Une spéculation à priori sur cette question peut être intéressante. Au final, cependant, utiliser la phrase d'Albertus Magnus, sur ces questions seule l'expérience rend certain. En regardant dans la littérature sur les ovnis et en trouvant des centaines de cas avec des effets physiques supposés, des observations d'"humanoïdes" et des enlèvements, il est difficile d'éviter le sentiment qu'il s'agit de questions qui ne devraient pas être écartées d'un revers de main, mais devraient faire l'objet d'investigations attentives.

Des sommes énormes ont été proposées pour construire des réseaux de radio-télescopes afin de détecter des signaux de vie intelligente dans des systèmes stellaires éloignés. Un d'entre eux, le projet Cyclops, devait avoir un coût de quelques 116 millards $. Si nous pouvons envisager ce type de financement pour détecter de possibles signaux de vie dans des systèmes stellaires éloignés, nous pouvons certainement voir dépenser des sommes plus modestes pour enquêter sur des manifestations supposées d'une telle vie dans notre propre atmosphère.

Une telle recherche pourrait présenter des problèmes non ordinairement rencontrés dans les sciences naturelles. L'objet de l'investigation, après tout, pourrait être intelligent ? plus intelligent même que nous le sommes ? et contrairement à ce que de nombreuses personnes supposent de manière simpliste, pourraient bien s'engager dans des activités difficiles pour nous à interpréter.

Une des caractéristiques de la vie intelligente est sa capacité à afficher un comportement stratégique. Cela pourrait ne pas être nécessairement faire d'une visite aux Nations Unies la 1ère priorité. En tant que sociologue je connais bien les difficultés de compréhension du comportement humain. Les complexités possibles du comportement d'une vie intelligente extraterrestre défient l'imagination.

Néanmoins, les retombées potentielles d'une telle recherche la ferait paraître mériter l'effort, si ce n'est indispensable. En tant qu'espèce intelligente conscience de la possibilité de vie ailleurs nous n'avons pas d'autre alternative que d'être impliqué en ufologie. La seule question est de savoir si une telle recherche sera menée avec des financements adéquats et un talent scientifique. L'ufologie n'a pas échoué, elle a juste commencé. Notre effort ne devrait pas être de l'étouffer, mais de la pousser plus loin sur le chemin de proto-science à discipline scientifique.