Explications du phénomène

S'il n'y pas d'indice concret étayant les proclamations que des milliers d'animaux d'élevage ont été victime de "mutilations classiques", alors comment expliquer le phénomène des mutilations ? Encore une fois, bien que la réponse à cette question sorte du cadre de ce projet, j'aimerai brièvement passer en revue certaines des explications proposées par d'autres personnes intéressées par ce phénomène.

Une explication possible pour au moins une partie de l'intérêt pour les mutilations d'animaux d'élevage est proposée par Tom Adams (1979-80) dans le n° de janvier de Stigmata, une lettre d'information dédiée à l'enquête continue des mutilations d'animaux d'élevage :

Parmi les éléments qu'on dit être dans les cartons, bien que provisoirement : une anthologie du commentaire sur le phénomène des mutilations ; une bibliographie des éléments publiés ; un fond pour de recherche et d'enquête ; un documentaire approfondi par une station TV du Colorado, un programme qui pourrait ou ne pourrait pas circuler dans d'autres stations TV du pays. — Nous aimerions avoir eu un dollar (non, disons une once d'or) pour chaque auteur que nous avons entendu ces quelques dernières années nous promettre (ou menacer) de sortir un livre sérieux sur les mutilations.

Bien que le motif du profit ne puisse être entièrement écarté, le phénomène des mutilations de bétail est bien trop complexe pour être expliqué uniquement sur cette base. Une autre explication possible est fournie par Burton Wolfe s11976 dans un article intitulé "Demystifying all the Satanic Conspiracy Stories on the Cattle Mutilations", qui parut le n° du vendredi 14 mai 1976 du Guardian de San Francisco.

Wolfe attribue le phénomène des mutilations de bétail à un canular originellement perpetré par un astrologue nommé Dan Fry s2N.D.T.: Apparemment différent de Daniel Fry, qui hébergeait un programme radio dans le Minnesota intitulé l'"Ere Cosmique".

Selon Wolfe, il y a 2 ans environ Fry annonça sur son programme que du bétail était mutilé par un culte satanique bizarre ou des créatures supernaturelles arrivant sur place dans des ovnis.

Fry, visant apparemment à ce que ses commentaires soient une blague, fut alarmé par l'impact qu'ils eurent par la suite sur les ranchs et les fermiers.

Soudain, des fermiers du Minnesota habitués à trouver des vaches mortes avec des parties endommagées par des prédateurs commençèrent à attribuer l'activité charognarde à des satanistes et des créatures issues d'ovnis. Par le biais des media de communication de masse, dont l'Associated Press et des journaux aussi estimés que le Post de Houston, l'histoire fut disséminée à des millions de gens dans des centaines de villes du midwest. Des journalistes commençèrent à lutter les uns avec les autres pour la version la plus sensationalisée de comment des créatures mystérieuses issues d'ovnis ou des silhouettes nocturnes furtives de cultes sataniques mutilaient du bétail.

Alarmé par les résultats, l'astrologue se présenta sur un certain nombre d'émissions radio et télévisées dans un effort pour annuler sa farce avant que la presse ne crée encore plus d'hystérie de masse avec.

Mec, il n'y avait pas de mutilations de bétail", expliqua Fry lors d'une apparition typique sur un talk show télévisé au Texas en mars 1975. "J'ai juste lancé ces rumeurs comme une blague s3Wolfe 1976.

Que vous acceptiez ou non l'explication de Wolfe à l'origine du phénomène des mutilations, ses observations sur le rôle joué par les media sont assez révélatrices. De la même manière, ma propre enquête a clairement montré que les media ont joué un rôle très important dans la promotion du phénomène des animaux d'élevage comme du folklore qui l'entoure.

L'incident de Truchas, comme discuté dans le chapitre 4, est un exemple classique de comment un journal peut non seulement déformer les faits, mais peut aussi délibérément choisir de les ignorer face à une histoire plus sensationnelle. Cet incident, comme je l'ai noté précédemment, serait sans aucun doute resté dans l'histoire comme une "mutilation classique" de plus si je n'avais pas enquêté sur le cas moi-même. Ma propre enquête, comme je l'ai montré, a clairement indiqué que l'animal était mort de causes naturelles et avait par la suite été dévoré par des chiens et autres charognards. Bien que la journaliste ait par la suite été mise au courant des nombreuses inexactitudes contenues dans ses articles, elle ne publia jamais de rétraction.

Un incident semblable eut également lieu à Roswell. Cependant, dans ce cas le journaliste publia bien une rétraction. Le 29 octobre 1979, le Daily Record de Roswell s41979a publia un article intitulé "Mutilated Cow Found". Cette histoire, qui décrit une vache qui aurait été trouvée morte et mutilée à Carrizozo, contient les citations suivantes, qui me furent toutes 2 attribuées par erreur :

Il est catégoriquement classé comme mutilation, mais il n'en va pas de même pour constituer une mutilation comme nous en avons dans nos dossiers", dit Kenneth Rommel, directeur du projet mutilation animale du Nouveau-Mexique. "La différence est que les yeux et la langue étaient laissés intacts sur l'animal, expliqua-t-il.

Je n'ai aucune idée d'où vint cette citation, car je ne l'aurais sûrement pas faite. Le novembre 1979, j'envoyais une lettre au Daily Record de Roswell les informant de cette inexactitude.

Cette citation est erronée. Je n'ai fait aucune déclaration depuis le début de ce projet qui authentifierait de quelque manière que ce soit une quelconque mutilation de bétail signalée. Ma politique concernant cette enquête a été de ne donner aucune information incorrecte ou trompeuse. J'apprécierais si vous faisiez une correction dans votre journal.

Le Daily Record de Roswell s51979b publia bien une correction dans le n° du 11 novembre dans un article intitulé "It Wasn't a Mutilation".

Le rôle joué par les media pour sensationnaliser et promouvoir le phénomène de mutilations d'animaux d'élevage a aussi été noté par le Dr. Nancy H. Owen s61980 dans son étude des mutilations dans le comté de Benton (Arkansas). De la même manière le Dr. J. M. Tufts, dont le rôle pour démêler le mystère fly de Elsberry (Missouri) qui vient juste d'être discuté, fait l'observation suivante :

Après tout ce qui a été dit et fait, il était évident que le Journal de Canal 2 était plus intéressé par créer une histoire excitante que de faire la lumière sur l'occurrence de quelques vaches mortes.

Une des études les plus approfondies faite sur la relation entre les media et les mutilations d'animaux d'élevage fut menée récemment par le Dr. James R. Stewart, professeur associé de sociologie à l'Université du Dakota du Sud. Dans un article intitulé "Collective Delusion: A Comparison of Believers and Skeptics", le Dr. Stewart s71980 retrace l'histoire des signalements de mutilation d'animaux d'élevage dans 2 états adjacents — le Nebraska et le Dakota du Sud. Il poursuit en montrant qu'il existe une correlation claire entre le nombre d'incidents signalés dans une zone prescrite et le nombre de pouces de nouvelles consacrées aux mutilations d'animaux d'élevage dans les media.

Un autre point intéressant fait par Stewart est le rôle joué par le personnel des forces de l'ordre dans la promotion du phénomène :

Le personnel des forces de l'ordre locales a peu, s'il en a, d'expérience dans le fait de déterminer les causes de morts de bétail. En conséquence, ils sont enclins à adopter les explications du fermier en l'absence de tout élément réfutant solide de leur part. La même chose fut vraie de certains vétérinaires locaux. Rarement ils examinent du bétail mort ; on leur demande plutôt de traiter des animaux vivants s8Stewart 1980: 5.

Stewart présente aussi des éléments convaincants étayant sa conclusion — que les épisodes qui viennent d'être discutés représentent un cas classique d'hystérie légère s9voir aussi Stewart 1977. Cependant, comme Stewart le précise, tout le monde dans ces 2 états ne croyait pas aux mutilations d'animaux d'élevages, même au niveau de l'"hystérie". Curieux quant aux types d'individus susceptibles de "croire", Stewart et ses étudiants interrogèrent à peu près 800 adultes. Ses conclusions sont résumées dans la citation suivante :

Les femmes, personnes avec des niveaux d'éducation inférieurs et groupes socioeconomiques inférieurs semblent être plus enclins à souscrire à une explication bizarre — tandis que les hommes blancs, les groupes avec un niveau d'éducation plus élevé et les groupes socioéconomiques élevés semblent être plus réticents à adopter l'explication inhabituelle et sont plus susceptibles d'attribuer la cause à une explication naturelle s101980: 18.