Conclusion

Si la sociologie du savoir est d'une utilité quelconque, elle doit démontrer les influences sociales sur les croyances. La controverse des météorites montre un cas au moins dans lequel l'environnement social de la communauté scientifique a fortement influencé la découverte scientifique. Mais elle met aussi les influences sociales en perspective. Le public connaissait les pluies de météorites, mais il ne les comprenait pas. Les scientifiques durent être persuadés que les météorites tombaient ; mais seuls les scientifiques ne pouvaient fournir les idées nécessaire à leur compréhension. Le cas des météorites démontre l'importance de l'intelligence sociale ; mais l'existence de grands nombres de pierres de foudre non-météoritiques devrait aussi indiquer ses dangers potentiels.

A quel point le cas des météorites peut-il être généralisé pour expliquer d'autres cas de rejet par les scientifiques des signalements d'anomalies est une question ouverte. Il est certain que l'analogie du cas des météorites pour les ovnis et les serpents de mer est évidente. Mais il existe de nombreux autres types d'anciennes anomalies acceptées (comme les gorilles des montagnes) ou des anomalies hypothétiques actuelles (comme le Bigfoot ou le Sasquatch) qui restent à étudier s1Sur les gorilles des montagnes, voir Heuvelmans, B.: On the Track of Unknown Animals (New York: Hill and Wang, 1959), pp. 54-56; sur le Bigfoot, voir Napier, J.: Bigfoot: The Yeti and Sasquatch in Myth and Reality (Londres: Jonathan Cape, 1972).. Il est évident que l'acceptation des événements parapsychologiques par la communauté scientifique, par exemple, présente des problèmes differents (ainsi que des problèmes semblables) que pour les anomalies étudiées jusqu'ici s2Voir Collins (1976), op. cit. note 1; ainsi que McVaugh, M. & Mauskopf, S. H.: "J. B. Rhine's Extrasensory Perception and Its Background in Psychical Research", Isis, vol. 67 (juin 1976), pp. 161-189.. Jusqu'à ce que plus de cas soient étudiés, nos conclusions ne peuvent être que provisoires.

La controverse des météorites indique le besoin d'une compréhension des fonctionnements de l'intelligence sociale. Comme nous l'avons vu, les suppositions faites par les scientifiques sur le processus par lequel les signalements d'anomalies leur parviennent sont souvent erronées. Plus de détails sur cette incompréhension sont disponibles dans les 2 études de ma part déjà citées. Ce n'est qu'avec une appréciation réaliste de la manière dont l'intelligence sociale fonctionne sur les anomalies que l'on peut s'attendre à pouvoir évaluer le type d'information que l'on obtiendrait si une anomalie de tel-ou-tel type existe. En particulier, le problème posé par la suppression des signalements et de la recherche sur les anomalies par le ridicule doit être considéré avant de décider que l'absence d'information indique une absence de phénomènes. D'un autre côté, le scientifique peut aussi utiliser les organisations dédiées à la recherche sur les anomalies et la quantité de littérature parfois formidable que ces sociétés mettent à disposition n12 de ces sociétés sont : The International Fortean Organization, 7317 Baltimore Ave., College Park, Md. 20740, USA; et The Society for the Investigation of the Unexplained, Columbia, NJ 07832, USA. Toutes 2 publient des périodiques.. Il existe aussi la séries des Sourcebooks publiés par William Corliss, qui a largement exploité les sources scientifiques elles-mêmes pour répertorier des événements anormaux s3Corliss, W.: Strange Phenomena (2 vols., 1974); Strange Artifacts, vol. 1 (1974), Strange Planet (1975); Strange Universe (1975); Strange Artifacts, vol. 2 (1976); Strange Minds (1976); Strange Life (1976). Tous publié à titre privé par Corliss au Sourcebook Project, Glen Arm, Md. 21057, USA.. L'existence de ces organisations et compilations d'événements anormaux représente un changement dans les paramètres du processus d'intelligence sociale, puisqu'elles tendent à améliorer l'efficacité de la transmission d'information sur les événements anormaux.

J'aimerai conclure en résumant mon argument de base. Des individus dans toute société sont susceptibles de vivre des événements que la doctrine scientifique en cours tient pour impossible ou implausible. Certaines de ces expériences pourraient constituer des rencontres avec des phénomènes que les scientifiques aimeraient étudier, s'ils pouvaient obtenir des informations à leur sujet. Mais l'information sur ces événements est transmise aux scientifiques par des moyens très peu fiables et imparfaits. En conséquence on ne peut supposer que l'absence de rapports implique une absence de vécus de telles expériences. Pour les pierres qui tombent du ciel l'opportunité d'étudier un grand nombre de rapports se révéla très efficace. Peut-être se révèlerait-elle aussi précieuse dans d'autres cas.