A propos de l'extraordinaire : une tentative de clarification

Truzzi, MarcelloTruzzi, Marcello: Zetetic Scholar n° 1, p. 11-22, 1978

Dans le traitement des déclarations prétendant des événements paranormaux, une question de base concerne le degré de preuve nécessaire pour établir de telles affirmations. Comme le montre l'article de Laurent Beauregard (dans ce n°), il ne s'agit d'une question qui n'est pas simple et qui doit prendre en compte l'orientation préalable de quelqu'un envers le monde. Dans ses termes les plus simples, j'ai exprimé la question dans la déclaration : Une affirmation extraordinaire requiert une preuve extraordinaire. Toute considération sérieux de la littérature sur les phénomènes paranormaux rend rapidement apparent, cependant, que les prétendants du paranormal n'apprécient souvent pas totalement cette expression de besoin. Ainsi, les parapsychologues ont assez souvent mis en avant que les contrôles et soins utilisés dans leurs études dépassent souvent les prérequis imposés sur la plupart des autres travaux de psychologie expérimentale. A ceci, le critique doit simplement répondre : Bien sûr ! Ceci parce que le critique considère les affirmations de parapsychologues comme étant plus extraordinaires que la plupart d'autres affirmations en psychologie. Mais du point de vue du parapsychologue, le critique requiert parfois une preuve de caractère tellement extraordinaire que le partisan du paranormal en vient à croire que rien ne convaincra jamais un sceptique si extrême. Ceci devient particulièrement apparent lorsqu'un critique suggère une fraude de l'expérimentateur comme explication même lorsqu'il pourrait n'y avoir aucune preuve directe de fraud, simplement une possibilité de fraud. Ainsi, d'un côté nous pourrions avoir le prétendant une preuve qui soit non-substantielle pour le critique, et de l'autre côté nous pourrions avoir un critique donnant une indication non-substantielle de ce qu'il faudrait pour forcer le critique à accepter une preuve. Je suggère que ces questions pourraient quelque peu aidées en considèrant plus exactement ce que nous voulons dire par l'utilisation du terme "extraordinaire" dans ce contexte.

Événements extraordinaires versus explications extraordinaires

Pour placer les choses un minimum en perspective, avant d'en venir directement à la question de la définition exacte, nous devrions noter que l'on peut généralement séparer les événements de leurs explications : et nous parlons couramment des événements et des explications comme ordinaires et extraordinaires (j'utilise ici "extraordinaire" dans son sens le plus large de "inattendu", en particulier théoriquement inattendu. Une considération plus attentive à ce terme sera apportée plus tard dans la discussion). Ceci résulte en la simple matrice d'orientation suivante :

Explication offerte
ordinaire extraordinaire
Evénement prétendu ordinaire A C
extraordinaire B D

Cette matrice représente des types "purement" analytiques qui pourraient n'être trouvés que rarement empiriquement. L'extraordinarité et l'ordinarité sont souvent le résultat d'un entremêlement de l'événement et de l'explication. Mais je suggérerai qu'une séparation analytique puisse se révéler conceptuellement utile.

La cellule A représente les événements ordinaires ayant reçu des explications ordinaires. C'est ce qui a lieu d'habitude dans la science "normale". Dans le traitement des affirmations du paranormal, nous nous préoccupons généralement des allégations d'un événement extraordinaire (e.g., l'observation d'un monstre, une fréquence statistique non due au hasard, etc.) que nous cherchons alors à expliquer en termes d'une explication ordinaire (e.g., erreur dans le témoignage, fraude, etc.) comme en cellule B, ou parfois à travers une explication extraordinaire (e.g., visite depuis Mars, psi, forces astrologiques, etc.) comme en cellule D. Nous oublions souvent qu'existe aussi l'orientation representée en cellule C où des événements ordinaires pourraient recevoir des explications extraordinaires (e.g., voir une coïncidence de pure chance expliquée par le principe acausal de synchronicité). A un certain degré, ces 4 cellules pourraient correspondre à des proclivities psychologiques assez différentes. Ainsi, il pourrait y avoir des personnes souhaitant structurer leurs mondes en termes d'une ou l'autres des orientations representées par ces cellules.

Le type de "personnalité" de la cellule A insiste sur la totale ordinarité des choses. L'anomalie elle-même est niée, assez indépendamment de toute réflexion quant à son explication. Il est simplement avancé ici que rien du tout d'extraordinaire n'est arrivé. Ceci débouche parfois sur une posture qui pourrait être perçue par les partisans de l'anomalie comme une négation dogmatique plutôt qu'un simple scepticisme. Par exemple, plutôt que d'accepter l'existence d'une corrélation extraordinaire ou d'une découverte statistique non dûe au hasard, cet individu pourrait contester l'existence réelle de la découverte en déclarant qu'il s'agit d'un canular ou d'une fraude (d'un sens, prétendre une fraude constitue une explication "ordinaire" d'une affirmation extraordinaire — comme on le trouve en cellule B — mais, sans fondement extérieur pour une telle explication, cela revient à nier l'extraordinarité supposée de l'événement lui-même ; donc je vois ceci comme un exemple de la cellule A lorsque c'est avancé grossièrement).

La cellule B représente le cas où un percevant accepte un événement comme extraordinaire mais cherche à l'expliquer au travers de principes ordinaires. Lorsqu'un sceptique dit Rien d'extraordinaire n'est arrivé, il pourrait parler des choses dans ce sens plutôt que dans les termes de la cellule A. Une anomalie vérifiée pourrait être le résultat de processus normaux. Ainsi, un monstre pourrait simplement être une mutation rare ; une corrélation astrobiologique pourrait être le résultat d'une 3ème variable courante qui d'une manière ou d'une autre produit conjointement les 2 états considérés à tort comme directement liés causalement ; un haut score de test PES pourrait être produit par une communication non-verbale et inconsciente comme dans le cas de la fameuse jument "liseuse de pensées" Lady Wonder.

La perspective de la cellule C est souvent trouvée chez les adhérents de cultes. Ainsi, un événement ordinaire, disons un échec de récolte, pourrait être interprété comme le résultat des dieux ; une mort suite à une inondation pourrait être attribuée à une malédiction ; ou une simple coïncidence résultant dans les limites du hasard pourrait être vue comme le résultat de mysterieuses "forces". On devrait noter que la logique n'empêche pas des événements ordinaires d'avoir des explications extraordinaires, mais la doctrine de la parcimonie en science (la vision selon laquelle l'explication adéquate la plus simple est celle qui doit être acceptée) rend une telle explication extraordinaire intenable si une explication ordinaire tout aussi adéquate peut être fournie.

La cellule D représente la plus extrême des positions au sens où l'événement comme son explication sont extraordinaires. Par exemple, l'événement de témoignages d'observations d'un petit homme vert émergeant d'un appareil en forme de soucoupe pourrait être expliqué comme la visite d'une mission anthropologique extraterrestre d'une galaxie éloignée. L'orientation représentée par la cellule D pourrait souvent être considérée comme la plus "éloignée" mais elle est en fait assez scientifiquement adaptée si toutes les explications ordinaires pour un événement extraordinaire établi se sont révélées inadéquates. Ainsi, si une expérience psi véritablement reproductible était produite qui puisse convaincre toute personne raisonnable que des scores significatifs de visions non dues au hasard ont eu lieu, et si une telle personne raisonnable pouvait être convaincue que toutes les explications ordinaires sont inadéquates, une explication extraordinaire (comme un processus psi comme la télépathie était à l'œuvre) pouvait être invoquée et considérée expliquer les scores de vision extraordinaire. Non seulement serait-il nécessaire de montrer que des explications ordinaires sont inadéquates avant que l'explication extraordinaire soit considérée, mais une telle considération ne permettrait en aucun cas de sauter à la conclusion que l'explication extraordinaire suggérée était valide. Une fois que la porte ouverte à la considération d'explications extraordinaires, on doit considérer tous les explications extraordinaires qui pourraient être présentées avec tout degré de plausibilité. Ainsi, l'explication de "télépathie" aurait dû concourir avec d'autres explications extraordinaires telles que la PK, possession démoniaque, etc. Falsifier certaines explaications ne valide pas automatiquement une autre explication. Malgré ces limitations, l'approche représentée par la cellule D est scientifiquement acceptable dans des conditions adaptées tandis que l'orientation représentée par la cellule C qui pourrait apparaître plus raisonnable (puisqu'un seul élément, l'explication, est extraordinaire) est méthodologiquement éliminée de la science serieuse.

Je suggererai, alors, que l'approche scientifique adaptée à une prétendue anomalie est d'abord de voir si nous pouvons la voir en termes de l'orientation trouvée en cellule A. Si, si seulement si, l'extraordinarité de l'événement est établie, nous devrions alors voir si nous pouvons voir les choses dans les termes représentés par la cellule B. A cause de la règle de parcimonie, nous devrions complètement éviter la cellule C. Et si, et seulement si, nous pouvons éliminer les alternatives d'explications adéquates proposées dans la cellule B, nous devrions en venir à considérer les choses en termes de l'orientation trouvée en cellule D. Finalement, une fois que l'on regarde les choses de manière adéquate en termes de la perspective de la cellule D, nous devrions considérer les explications extraordinaires alternatives et non simplement accepter celle offerte de la manière la plus proéminente.

L'extraordinaire comme relatif et mesurable

Bien qu'une définition du dictionnaire de extraordinaire indique qu'il signifie aller au-delà de ce qui est habituel, normal ou coutumier ou qu'il fasse simplement référence à ce qui est remarquable ou exceptionnel pour une mesure définie, ce terme doit avoir une signification plus spécialisée pour toute considération scientifique sérieuse des anomalies et du paranormal. Autrement de tels termes pourraient facilement être confondus avec le simple rare ou anormal. Dans un sens plus fondamental, quelque chose est extraordinaire lorsqu'il est inattendu. Mais une telle extraordinarité (que j'assimile ici à anormal) peut être à la fois d'une variété générale et théorique. Ainsi, si on nous montre une image d'un adulte haut de 30 pouces, cela pourrait nous frapper comme assez étonnant et inattendu. Beaucoup qualifieraient une telle personne d'extraordinaire. Mais un nain remarquable de cette taille ne constituerait pas un phénomène paranormal, simplement un phénomène anormal. Le scientifique ne serait probablement pas surpris par l'apparence d'un tel nain, tout comme le grand public, un telle petite personne pouvant être trouvée dans l'expérience et certainement dans les possibilités théoriques connues du scientifique. D'un autre côté, un scientifique tombant sur une espèce d'animal étrange et inattendue pourrait considérer une telle bête comme extraordinaire alors que la population indigène, qui a couramment vu la bête alentours depuis des années, pourrait la percevoir comme assez ordinaire. Ceci parce que le scientifique a des raisons théoriques de s'attendre à ne pas trouver une telle bête (e.g., la science pourrait définir la bête comme éteinte). Ainsi, une anomalie générale pour (la plupart d'entre nous) pourrait ne pas être une anomalie théorique pour le scientifique et vice versa. La question de l'extraordinarité, alors, est relative au cadre de référence de chacun, et lorsque nous nous préoccupons de l'extraordinarité dans un contexte scientifique — comme c'est le cas ici — une telle extraordinarité doit être mesurée par rapport aux attentes théoriques fournies par le corps général de la connaissance scientifique de l'époque. De plus, les choses sont rarement simplement ordinaires ou extraordinaires, certaines choses étant plus extraordinaires (et par la même occasion, parfois plus ordinaires) que d'autres. Ainsi, nous ne traitons pas ici d'une simple dichotomie mais d'un continuum exprimant des degrés d'attente et de surprise.

Tout ceci devient assez important lorsque nous examinons des affirmations paranormales spécifiques. Nous tendons à confondre notre surprise psychologique de voir certaines choses (la définition générale d'anormal) avec le niveau d'attente que la théorie scientifique produirait. Ainsi, pour la plupart d'entre nous, un "abominable homme des neiges" ou une personne qui boit du sang humain (un vampire) semble initialement plus extraordinaire (et donc peu susceptible de vraiment exister) que quelqu'un prophétisant l'assassinat d'une figure politique bien aimée. Le Montre du Loch Ness semble une possibilité plus "étrange" à beaucoup d'entre nous que la notion que certaines personnes soient capables de télépathie. Une licorne pourrait sembler plus improbable que quelqu'un guéri d'une maladie physique à travers la foi. A l'évidence, le degré auquel chacun d'entre nous pourrait être surpris par un événement étrange est plutôt relatif à notre propre expérience et contexte. Mais bien qu'il nous soit difficile de dire quelque chose à propos des niveaux d'attente généraux des gens (ce qui constituerait des anomalies en général pour la plupart des gens), il est bien plus facile de faire des évaluation raisonnables d'extraordinarité par rapport aux corps existants de la connaissance et de la théorie scientifique. Et je suggèrerais que les scientifiques fassent de telles évaluations avec attention avant de juger de la probabilité qu'un phénomène ait réellement eut lieu. Je pense que cela révélera rapidement que certaines affirmations paranormales sont bien moins improbables que d'autres, et ceci a des implications très importantes pour la quantité et la qualité de preuve qu'un sceptique scientifique devrait demander avant d'accepter de telles déclarations.

Lors de l'examen de la littérature concernée, j'ai été étonné de voir que de nombreux (si ce n'est la plupart des) scientifiques évalueraient probablement la probabilité de diverses affirmations paranormales de manières plutôt déraisonnables (si l'on accepte mon raisonnement ci-dessus comme raisonnable). Ainsi, les affirmations des parapsychologues sont généralement et incorrectement perçues comme plus "raisonnables" par de nombreux scientifiques que celles des partisans de l'existence d'un Sasquatch (Big Foot) ou d'une grande créature habitant un lac. Pour la plupart d'entre nous, l'existence de "monstres" semble plus bizarre que la possibilité de télépathie. Pourtant, les implications de l'existence réelle de la télépathie sont bien plus révolutionnaires pour la psychologie contemporaine qu'une nouvelle espèce de singe ou de créature marine (qui pourrait simplement être une espèce ancienne considérée à tort être éteinte) ne le serait pour la zoologie. De la même manière, les diverses affirmations des parapsychologues ont des types assez différents d'implications pour le reste de la science. La simple télépathie ne changerait pas nécessairement notre vision de la physique même si elles causait de grandes reconceptualisations en psychologie et en physiologie. Mais l'existence de la clairvoyance et/ou de la précognition aurait des effets plutôt révolutionnaires sont les idées fondamentales en physique et sur presque toute la science dans la mesure où elle pourrait forcer l'altération de nos idées sur l'espace et le temps. Pourtant les partisans comme les critiques de ces affirmations échouent régulièrement à considérer les degrés d'extraordinarité impliqués dans les différentes anomalies discutées et, bien sûr, les différentes implications qu'elles pourraient avoir pour ce qui devrait constituer une preuve acceptable pour le scientifique.

En correspondant avec un critique majeur des affirmations du paranormal je fus surpris de voir qu'il considerait la probabilité de affirmations parapsychologiques comme plus raisonnable que les affirmations d'astrobiologistes (comme Michel Gauquelin). Même si les corrélations remarquables prétendues par les astrobiologistes sont simplement présentées comme des corrélations anormales — aucune explications causale n'est suggérée — l'association de telles "découvertes" astrobiologiques avec les affirmations causales des astrologues semble avoir été suffisante pour amener ce critiquer à considérer la corrélation astrobiologique comme moins probable que les affirmations des parapsychologues. Même si une confirmation des affirmations comme celles de Gauquelin ne menaçait directement aucune théorie importante en astronomie ou biologie (puisqu'aucune affirmation n'est faite d'un quelconque lien causal direct), l'association de telles idées avec l'astrologie classique est apparemment suffisante pour stigmatiser de telles idées et les faire apparaître comme presque totalement improbable. Les parapsychologues ont généralement été bien conscients de ce type de "culpabilité par association" et en sont arrivés à se dissocier eux-mêmes de ce qu'eux et d'autres appellent les "occultistes". Mais je suggèrerais que nos manières de voir de nombreuses affirmations de paranormal devraient être ré-examinées afin d'éviter de telles associations théoriquement non-pertinentes. Une affirmation empirique devrait être examinée sur la base de ses propres mérites, sa véracité étant souvent peu liée aux autres idées de ses supporters.

De récents critiques d'affirmations du paranormal ont suggéré que l'acceptation de certains effets paranormaux pourrait ouvrir la porte à l'acceptation de toutes sortes de pensées irrationnelles. C'est ce type de pensée blanc/noir, l'un-ou-l'autre trop simpliste, qui pourrait être en train créer l'impasse actuelle entre certains critiques et partisans du paranormal. Il est urgent que si un progrès doive être fait dans un quelconque dialogue entre les partisans et leurs critiques que les 2 bords doivent carefully hammer out le type de critères de décision fondamentaux nécessaires pour faire des évaluations scientifiques responsables de non seulement quels sortes de preuves seraient acceptables mais aussi de la qualité et la quantité de preuve qui pourrait être nécessaire par rapport au degré d'extraordinarité d'une affirmation de paranormal.

Dimensions du raisonnable

Dans l'examen des discussions des phénomènes paranormaux, il est important que nous localisions le lieu de ce qui est prétendument extraordinaire. J'ai vu que les partisans et les critiques se concentrent souvent sur des éléments différents. Ainsi, nous en trouvons certains, comme Michael Polanyi, parlant de la plausibilité d'idées révolutionnaires comme considération centrale alors que d'autres auteurs parlent de la crédibilité des expérimentateurs, de la probabilité des événements en eux-mêmes. Je suggèrerais que les termes comme "ordinaire", "plausible", "probable", "raisonnable" et "crédible" sont souvent traités comme synonymes lorsqu'ils pourraient faire référence à des choses différentes ; et ceci à son tour rend confus les débats entre partisans et critiques.

Au niveau le plus général, nous pouvons analytiquement séparer 3 éléments qui sont impliqués lorsque nous traitons d'événements paranormaux supposés. D'abord, nous pouvons parler de l'événement lui-même, et je suggèrerais qu'on y fasse référence sur une échelle de ordinaire-à-extraordinaire. Comme décrit plus tôt, cela fait simplement référence au degré auquel l'événement était théoriquement attendu ou inattendu. Il est important de noter que quoi que nous puissions psychologiquement penser d'un événement, que nous l'attendions ou non, dans l'analyse finale les événements existent bien ou n'existent simplement pas, indépendamment de nos désirs. Ensuite, nous traitons avec un témoin ou narrateur de l'événement. Je suggèrerais que nous faisions référence au caractère de ce témoin/narrateur (et bien sûr le narrateur pourrait ne pas être le témoin d'origine) comme variant sur une échelle avec crédible à une extrémité et non-crédible à l'autre. Ici, crédible signifie simplement croyable. Évidemment, un certain nombre de facteurs différents entrent dans cette désignation dont l'honnêteté du témoin/narrateur, les capacités de perception, les motivations, l'attention, la formation et la connaissance en tant qu'expert, etc. Mais notez que cette terminologie ne nous permet pas de faire référence à l'événement lui-même comme étant "crédible" (ou quoi que nous puissions être enclins à d'abord penser comme son opposé, non crédible). Le terme ne doit s'appliquer q'uau caractère du témoin/narrateur. Enfin, nous avons le récit ou le rapport de description de l'événement. Je suggèrerais que ceci varie sur un continuum de plausible-à-non plausible. Encore une fois, notez que nous pourrions, par cette terminologie, faire référence aux événements ou témoins/narrateurs comme plausibles ou non plausibles ; seuls les récits des événements devraient être ainsi décrites. Nous avons ainsi les 3 éléments et les dimensions utilisées pour décrire leur raisonnabilité comme suit :

Événement : ordinaire........ extraordinaire
Témoin/narrateur : crédible.......non-crédible
Récit : plausible......non-plausible

Ces 3 éléments peuvent résulter en 8 combinaisons différentes. A un extrême, nous avons un événement ordinaire, relaté de manière plausible, par un témoin/narrateur crédible. C'est le type de cas que nous espérons généralement trouver dans la science "normale". A l'autre extrêmité du spectre des combinaisons, nous aurions un événement extraordinaire, relaté de manière non crédible, par un témoin/narrateur non crédible. Cette dernière forme est le type d'affirmation paranormale le plus facilement rejeté et serait couramment estampillé absurde ou charlatan. Mais entre ces 2 extrêmes nous avons 6 autres combinaisons et celles-ci ne sont pas si facile à traiter.

4 des 8 combinaisons au total traite d'événements ordinaires. Mais lorsque nous traitons d'événements ordinaires nous avons généralement peu de raisons d'être suspicieux quant à la plausibilité des récits ou du caractère du témoin/narrateur. Lorsque nous nous préoccupons du récit, c'est généralement d'une manière méthodologique courtoise qui se concentre sur ce qui se trouve dans le témoignage plutôt que sur ce qui pourrait en avoir été laissé en dehors. Et nous tendons à supposer une crédibilité du témoin/narrateur s'il est membre de la communauté scientifique, certifié par son système de mérite et socialisé à travers son processus de formation pour produire des rapports standardisés. Cela signifie probablement que nombre de récits apparemment plausibles en science "normale" sont en fait mal faites (seraient évaluées comme non plausible si nous connaissions toute la vérité quant à la manière dont la recherche a été effectuée), et nous avons quelques élements pour soutenir ce jugement. Nous avons aussi probablement une quantité raisonnable d'erreurs dans la science "normale" dans nos jugements sur la crédibilité de témoins/narrateurs. L'histoire de la science et de récentes enquêtes indiqueraient qu'une certaine fraude a bien lieu dans la recherche ordinaire. Mais puisque nous traitons d'événements ordinaires, qu'il s'agit de phénomènes théoriquement attendus, la perturbation créées par ces erreurs est relativement mineure par rapport au progrès scientifique général réalisé ; et de telles erreurs seront probablement corrigées au travers de la réplication et du travail ultérieur au sein de la communauté de la science "normale". Mais lorsque nous traitons d'événements extraordinaires, du type que nous appellerions paranormal, les implications de tels événements peuvent être assez révolutionnaires pour les théories de la science générale, et donc les contrôles sociaux au sein de la science deviennent bien plus étendus et parfois quelque peu exagérés.

Les 4 combinaisons dans lesquels l'événement est extraordinaire sont toutes les situations que nous pourrions trouver en traitant du paranormal. Le cas le plus difficile à écarter est celui trouvé lorsque l'événement est extraordinaire mais que le témoin/narrateur est crédible et que le récit est plausible. En fait, je dirais que dans ce cas nous ne devrions pas écarter le cas mais devrions être forcés d'au moins essayer de l'accepter (au moins jusqu'à ce que des réplications soient menées qui confirment ou falsifient notre croyance en la crédibilité du témoin/narrateur et la plausibilité du rapport narratif). Par exemple, si un scientifique réputé (et donc crédible) passe à travers des procédures facilement vérifiées et arrive avec une corrélation étonnante (un rapport narratif plausible d'un événement extraordinaire), un tel cas devrait avoir une probabilité plus élevée d'être une peinture véritable des choses qu'un cas où nous avons des doutes sur la plausibilité du récit et/ou la crédibilité du témoin/narrateur. J'irais plus loin et suggèrerais que ce cas devrait être perçu par nous comme ayant une plus haute probabilité d'être vraie qu'un événement ordinaire lié à un récit non plausible et/ou un témoin/narrateur non crédible (en supposant qu'aucun autre témoin ou récit crédible et plausible n'existe).

Comme nous pouvons rarement être nous-mêmes le témoin/narrateur d'un événement extraordinaire, nous devons nous reposer sur des récits plausibles par d'autres personnes crédibles. Nous devrions, par conséquent, moins nous concentrer sur le fait de savoir si l'événement est extraordinaire ou non que sur les facteurs de plausibilité et de crédibilité. Malheureusement, certains ont confondu ces différentes dimensions les unes avec les autres. Par exemple, certains critiques de la parapsychologie ont, en effet, argué que le caractère extraordinaire de l'événement (dans ce cas un score de divination significatif non dû à la chance) a en lui-même créé la présomption qu'une fraude devait être présente. En d'autres mots, l'événement extraordinaire a été utilisé pour mesurer le caractère du narrateur. Comme de nombreux défenseur de la parapsychologie l'ont indiqué, la présomption de fraude justifiée par aucune preuve est une affirmation non-falsifiable qui n'a pas sa place en science. Dit ainsi, je me dois d'approuver. Une critique plus courante, cependant, cherche à assimiler les failles possibles dans le récit et le caractère du narrateur. Ainsi, les critiques ont souvent dit que si une expérience psi ne contrôle pas complètement des explications alternatives, et que si une de ces explications alternatives peut être une fraude de la part de l'enquêteur (le narrateur), on doit présumer que cette fraude a eu lieu. Sa forme extrême, où l'argument dit que la seule explication alternative (non-psi) peut être la fraude et que donc on doit supposer la fraude, est bien sûr encore une fois non falsifiable est par conséquent inappropriée dans le discours scientifique. Ici je soutiendrais que les critiques du psi comme C.E. M. Hansel et certains autres pourraient aller au-delà des éléments disponibles et dépasser l'argument scientifique raisonnable. C'est du moins le cas si mon interprétation ci-dessus est exacte. D'un autre côté, je pense que l'on peut avancer que les événements extraordinaires peuvent de manière adéquate forcer le scientifique à une plus grande attention dans son examen des facteurs de plausibilité et de crédibilité qui pourraient être le cas normal dans l'examen d'affirmations d'événements ordinaires. Et là où les contrôles de crédibilité (formation, pressions de pairs, etc.) sont absents, et il pourrait y avoir une histoire de la fraude passée dans ce domaine, cela devrait certainement affecter le degré d'attention de l'évaluateur lorsqu'il présume la crédibilité du narrateur d'un événement paranormal (extraordinaire). De l'autre côté de la question, de nombreux parapsychologues semblent si convaincus de la crédibilité de leurs collègues narrateurs qu'ils semblent vouloir abaisser leurs standards de plausibilité pour les témoignages psi. Je suggèrerais alors qu'alors que les sceptiques peuvent parfois être trop sceptiques, les prétendants du paranormal ne sont très souvent pas assez.

Toutes choses considérées, je recommanderais que notre principale attention se porte sur les récits elles-mêmes. Nous en devrions pas permettre à notre perception de l'événement comme extraordinaire de colorer trop grandement notre analyse, car au final nos théories doivent correspondre aux faits plutôt que l'inverse. Le degré auquel un événement est vu comme extraordinaire devrait certainement affecter quel quantité d'éléments nous devrions demander pour sa preuve, mais nous devrions faire attention à séparer l'événement de son récit et de son narrateur, car autrement nous préjugeons les choses d'une manière qui nie l'attitude inductive de base de la science. Nous devrions aussi reconnaître que les jugements sur la crédibilité du narrateur doivent dans la plupart des cas n'arriver qu'inférés après notre jugement sur la plausibilité du récit. Des scientifiques réputés peuvent faire des erreurs et des fous peuvent parfois avoir raison. Un narrateur non crédible (e.g., un témoin dont nous savons qu'il a été impliqué par le passé dans une fraude) pourrait jeter une ombre de doute sur les témoignages de sa part, mais cela n'implique pas logiquement que ces témoignages soient faux.

Que devrions-nous faire alors des témoignages plausibles de témoins d'événements extraordinaires ? Dans la des cas nous devons simplement être patients, reconnaître qu'un seul de ces témoignages pourrait simplement ne pas être suffisant pour nous permettre de faire un jugement final. Bien que nous ayons le droit de simplement ignorer de tels signalements (leur donner une priorité faible de confirmation ultérieure) et de leur donner une faible priorité scientifique pour notre époque, nous n'avons pas le droit de les écarter. La charge de la preuve reposant en science sur celui qui affirme, nous devons déclarer que les éléments ne sont pas concluants et rester sceptique (bien que certainement moins que nous l'étions avant ce récit plausible soit entré dans le débat). Mais dire que quelque chose n'est pas prouvé n'est pas la même chose que de dire que cette chose est réfutée. Jusqu'à ce que d'autres éléments convaincants arrivent (et ceci doit être proportionnel à l'extraordinarité de l'affirmation paranormale au sens théorique que j'ai décrit), nous devons rester sceptiques et agnostiques sur les sujets paranormaux. Du moins ceux qui n'ont pas été explicitement réfutés (comme nous avons vu de nombreuses choses comme le Triangle des Bermudes et l'énergie des pyramides falsifiés). C'est de ce type de scepticisme scientifique avec un esprit ouvert que je pense qu'est faite une véritable zététique.