Le vécu d'expériences ovni

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Comment une personne en vient-elle à décider qu'elle a vécu une expérience ovni ? Il s'agit clairement d'une question critique, à la fois en termes de la personne communiquant son expérience aux autres et en termes de l'expérience vécue comparée à d'autres vécus "similaires". En premier lieu, il est possible que l'individu ne puisse pas du tout définir ce qu'il a vécu comme un "ovni" pendant l'expérience, dans le sens où l'objet en question serait reconnu comme un de la classe des "objets ovnis". Il pourrait penser qu'il vit une expérience avec un objet anormal, et que son expérience pourrait être rapportée pour cette raison, même la classe d'objets à laquelle appartient l'expérience n'est pas claire. Avant 1947, par exemple, lorsque la phrase "soucoupes volantes" a été utilisée pour la 1ère fois, ceux qui avait vécu ce qui serait maintenant classé comme des expériences ovni ne pouvaient les décrire qu'en termes très spécifiques, puisqu'ils ne savaient pas que d'autres vivaient des expériences similaires s1 Bloecher, T.: Report on the UFO Wave of 1947, publié par l'auteur, 1967.. L'événement ne pourrait ainsi être qualifié d'"expérience ovni" qu'un temps considérable après l'événement lui-même. Ceci peut arriver lorsque la personne discute de son expérience avec d'autres ou même après que le signalement en ait été fait et soit comparé avec d'autres. A l'époque, la personne pourrait simplement penser que l'expérience est anormale parce qu'elle ne correspond à aucune catégorie culturelle conventionnelle.

D'un autre côté, une fois que la catégorie sociale "ovni" existe, il est possible d'imagine l'événement en avance du vécu effectif d'une telle expérience. Il existerait ainsi un certain nombre d'indices perceptifs qui seraient vu comme indicatifs d'une expérience ovni n1Pour des comparisons suggestive sur la perception des monstres, voir Hallowell, A. I.: "Cultural Factors in the Structuralization of Perception", in Rohrer, J. H. & Sherif M. (eds), Social Psychology at the Cross-Roads, New York: Harper, 1951, pp. 178-190.. Il pourrait même y avoir une forte prédisposition psychologique chez certains individus à percevoir des stimuli ambigus comme des ovnis. Prenez le récit suivant :

Je voulais vraiment voir un ovni. Je me souviens dire à haute voix... "Ce n'est pas un phénomène naturel. C'est vraiment des ovnis", J'ai ... essayé de communiquer avec eux. J'avais une lampe de poche... et j'ai signalé... en code Morse... Aucune réponse visible suscitée... Après être allé dans la maison j'ai eu une irrésistible envie de dormir... Mon chien... s'en est allé entre les 2 poubelles comme s'il était mort de peur... Un son de haute fréquence qui était inaudible pour nous ? s2Université du Colorado: Scientific Study of Unidentified Flying Objects, New York: Bantam, 1968, p. 577.

Il est ironique que le stimulus de cette expérience ait pu être les débris du satellite russe Zond IV rentrant dans l'atmosphère s3Ibid., 571..

Tous ceux ayant vécu des expériences ovni n'effectuent pas la perception si facilement. Dans de nombreux cas la perception d'un ovni ne vient qu'après que plusieurs autres "hypothèses" perceptives ont été essayées et laissées à désirer. Seul l'échec à faire "correspondre" le stimulus à une quelconque des hypothèses non-anormales mène à la perception d'une anomalie :

L'objet ressemblait au sommet d'une canopée de parachute, me dit-il ; c'était blanc et il pensa qu'il pouvait voir les wedges ou panneaux. Il dit qu'il pensa que ça se déplaçait devant le sol un peu trop vite pour dériver avec le vent, mais il était sûr que quelqu'un avait sorti son parachute et qu'il voyait son sommet. Il était sur le point d'appeler la tour lorsqu'il réalisa soudain que ce "parachute" dérivait avec le vent. Il venait de décoller de la piste 30 et savait dans quelle direction soufflait le vent s4 Ruppelt, E.: The Report on Unidentified Flying Objects, New York: Ace Books, 1956, pp. 161-162..

Dans un autre cas sur lequel l'auteur a enquêté, un marchand et sa fille virent ce qu'il pensa d'abord être les fenêtres d'un avion de ligne dans le ciel au-dessus de la maison de son père. Mais il rejeta cette idée lorsqu'il réalisa que l'"avion de ligne" n'était pas en mouvement. Etait-ce un hélicoptère alors ? Cette idée dût également être rejetée, le témoin ayant rapporté n'avoir entendu aucun son. Finalement l'objet sembla être un disque de 150 pieds de large à peut-être 800 pieds du sol, avec des ouvertures comme les fenêtres d'un avion de ligne. Après 8 ou 10 mn, l'objet partit lentement vers le nord-ouest.

Cette escalade des hypothèses, comme Hynek l'a appelée s5Hynek, J. A.: The UFO Experience, Chicago: Henry Regnery, 1972, 13; voir aussi Carrouges, M.: Les Apparitions des Martiens, Paris: Arteme Fayard, 1963, pp. 188-195., est une caractéristique typique de nombre d'observations d'anomalies. Elle est, selon une théorie de la reconnaissance perceptive s6Bruner, J.: "On Perceptual Readiness", Psychological Review, vol. 64, 1957, pp. 123-152., la manière avec laquelle on devrait s'attendre à ce que l'appareillage perceptif humain opère si de fait il devait rencontrer un objet qu'il aurait grande difficulté à reconnaître. La lenteur relative à percevoir un objet anormal serait le résultat d'une tentative de faire correspondre le stimulus d'abord avec les idées perceptives courantes. Si un objet est rare ou "impossible" (comme un as de pique rouge), il ne sera perçu pour ce qu'il est qu'avec grande difficulté.

Un autre indice possible qu'un sujet de vécu d'anomalie est bel et bien en train de percevoir un objet anormal correctement est l'existence de réactions critiques à la perception. Dans son étude des réactions publiques à l'émussion d'"Invasion de Mars" de Welles en 1937, Cantril trouve que la croyance en l'"invasion" fut causée par un manque de ce qu'il appelle "capacité critique" s7Cantril, H.: Invasion from Mars: A Study in the Psychology of Panic, New York: Harper & Row, 1966, p. 112.. En bref, une capacité critique fut montrée par ceux ayant fait des vérifications efficaces sur l'authenticité des événements décrits, au travers des éléments internes de l'émission elle-même ou en vérifiant les contres-indications du contexte social, comme des programmes de routine sur les autres stations radio. Ceux manquant de cette capacité critique, même lorsqu'ils étaient d'un niveau d'éducation relativement élevé, pensèrent que la pièce était en fait une émission d'actualités, que les martiens atterrissaient bel et bien, et ainsi de suite - à l'exception du cas de ceux qui eurent assez de chance de découvrir par accident que l'émission était une pièce.

Dans les vécus d'expériences ovni, on trouve aussi des témoins pensant que des vérifications critiques de leurs propres perceptions sont nécessaires pour les valider. Par exemple, un groupe de scientifiques pensant qu'ils pouvaient prendre des avions près de leur installation pour des ovnis se firent survoler par des avions pour voir s'ils produisaient le même effet s8 Ruppelt, op.cit. note 22, 266.. D'autres manières encore de s'assurer que l'on voit quelque chose correctement sont des demander à quelqu'un d'autre si il ou elle le voit aussi s9Ibid., 47. ; ou une fois que quelqu'un a quitter the locale de l'observation, de revenir pour voir si l'objet est toujours là :

Je voulais être sûr que c'était là. Le revoir pour être sûr que je ne voyais pas des choses. On est revenus s10Fuller, J.: Incident at Exeter, New York: G.P. Putnam's Sons, 1966, p. 64..

Si la personne qui vit une anomalie doit faire témoignage public de son expérience, elle doit être sûre qu'elle a bel et bien vu quelque chose d'anormal. Avoir fait des vérifications critiques est susceptible d'augmenter cette certitude, mais elle doit aussi être confiante quant au fait de savoir distinguer un stimulus anormal d'un non-anormal. Dans une étude, par exemple, des personnes qui n'avaient pas rapporté leur vécu d'expériences ovni déclaraient très fréquemment (40 %) que la principale raison de leur non-signalement était que c'était probablement quelque chose de normal qui a avait l'air bizarre pour une raison ou une autre s11Université du Colorado, op.cit. note 20, p. 228..

On pourrait en dire beaucoup plus sur la constitution interne des expériences d'anomalies en général et des expériences d'ovnis en particulier, mais on peut espérer que ce bref résumé donnera au lecteur une idée de la nature des expériences ovni s12Pour un traitement complet, voir Hynek, op.cit. note 23..

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