Discussion

L'évaluation des éléments par catégorie, présentée en Section IV, semble montrer que chaque synthèse de l'équipe est un résumé prudent honnête et justifiable des éléments pertinents du cas. Par contraste, le résumé de Condon contient peu de liens avec le travail, les analyses et les résumés de sa propre équipe. Par conséquent, une critique minimale que l'on pourrait faire est que les efforts de nombreuses personnes n'ont pas trouvé d'intégration satisfaisante s1[Lorsque j'ai montré une version préliminaire de cette analyse à l'un des Enquêteurs Principaux du Projet Colorado, il remarqua : "Vous auriez dû voir le 1er brouillon que Condon a écrit. C'était bien pire. Après que j'ai mis en avant que beaucoup était faux dans le 1er brouillon, Condon le réécrivit et l'améliora considérablement"].

Cet échec pourrait avoir été dû en partie à une conception initiale erronée de la nature du phénomène. Si, comme le Directeur pourrait l'avoir cru, le phénomène pouvait être abordé comme un problème direct de science physique, il y aurait aujourd'hui peu de désaccord au sein de la communité scientifique concernant la validité et les conclusions du Rapport. Le phénomène ovni semble au contraire être plus apparenté à certains phénomènes énigmatiques de l'astronomie moderne, tels que les sources d'éclats de rayons gamma. Concernant ces objets étranges, nous ne savons pas où ils sont, nous ne savons pas ce qu'ils sont et nous ne pouvons que speculer sur la manière dont ils fonctionnent ; mais ces limitations, aussi graves qu'elles soient, ne découragent en aucune manière les astronomes et les astrophysiciens de les étudier aussi intensivement que possible.

Concernant les ovnis, nous ne sommes pas sûrs de savoir s'il s'agit de canulars, d'illusions, ou de choses réelles. S'ils sont réels, nous ne savons pas si s'agit d'une réalité de nature psychologique et sociologique, ou d'une appartenant au domaine de la physique. Si le phénomène a une réalité physique, nous ne savons pas si elle peut être comprise en termes de la physique actuelle ou si elle pourrait nous présenter un exemple de la physique du 21ᵉ siècle (ou 30ᵉ siècle) en action. Si l'on fait face, en fait, à un problème de cette magnitude, il est nécessaire de consacrer le plus grand soin à la méthodologie scientifique impliquée dans le projet.

En somme, il est de mon opinion que les faiblesses du Rapport Condon sont une conséquence compréhensible, mais regrettable d'une mauvaise appréhension de la nature et de la subtilité du phénomènon. Il est également de mon opinion qu'il y a beaucoup dans le Rapport Condon qui pourrait être utilisé pour soutenir la proposition qu'une analyse de la totalité des signalements d'ovnis montrerait qu'un signal émerge du bruit et que le signal n'est pas facilement compréhensible en termes de phénomènes aujourd'hui bien connus de la science. Si c'est le cas, alors le Rapport makes a case pour une prochaine étude scientifique des signalements d'ovnis. Il apparaît que cette opinion est, en fait, partagée par certains membres de l'équipe du Projet Colorado. Pour exemple, le professeur David R. Saunders, qui a quitté le projet dans des circonstances malheureuses, a publié un livre s2[Saunders & Hawkins 1968] remettant en cause les conclusions du Rapport Condon. Gordon D. Thayer également a prolongé son intérêt pour le phénomène, comme cela est évident d'après son rapport sur le cas de Lakenheath pour le journal Astronautics and Aeronautics s3[Thayer, 1971].

En conclusion, il est nécessaire de ccommenter brièvement l'examen du Rapport Condon par le Comité de l'Académie Nationale des Sciences s4[Condon & Gillmor, 1968, pp. vii-ix]. Ce corps distingué a examiné le rapport et pleinement approuvé ses périmètre, méthodologie et conclusions. En Section IV, nous avons noté les incohérences entre les faits et points de vue avancés par l'équipe du Projet Colorado et ceux avancés par le Directeur. En comparant ceux-ci avec l'Examen du Panel de la NAS, il est clair que certaines de leurs informations sont prises du Résumé de l'étude du Directeur, y compris là où le contenu de cette section est contredit par les éléments présentés dans les Sections CR III and CR IV du rapport. Pour exemple, dans la discussion des cas photographiques, le panel affirme que 35 cas photographiques ont été investigués ...aucun ne s'est révélé être de vrais objets avec une haute étrangeté. Cette déclaration est entièrement compatible avec la discussion ed Condon des éléments photographiques en Section CR II du rapport ; mais, comme nous l'avons vu en section III, les déclarations de Condon ne sont pas compatibles avec les éléments présentés par Hartmann, qui a mené l'analyse photographique : Hartmann a discuté 14 cas, pas 35 ; et, dans son résumé (CR 86), Hartmann indique : ...après enquête, il reste un petit résidu de l'ordre de 2 % de l'ensemble des cas, qui semble représenter des objets aériens bien enregistrés, mais non identifiés ou non identifiables - i.e. des ovnis...

Le Rapport Condon a également été étudié par le sous-comité sur les ovnis de l'Institut Américain d'Aéronautique et d'Astronautique, dans le cadre de leur approche du problème des ovnis s5[Kuettner et al., 1970]. Le sous-comité indique que toutes les conclusions contenues dans le rapport lui-même ne sont pas pleinement reflêtées dans le résumé de Condon. Le sous-comité avance également que le chapitre de Condon, Résumé de l'Etude, contient plus que son titre ne l'indique ; il révèle nombre de ses conclusions personnelles.

La recommandation la plus importe de Condon fut peut-être celle relative à l'activité future. Il indique qu'une étude complète plus poussée ne peut probablement pas être justifiée dans l'attente que la science en sera avancée s6[Condon & Gillmor, 1968, p. 1]. Le panel de la NAS concourut à cette recommandation. D'un autre côté, le sous-comité sur les ovnis de l'AIAA n'a pas trouvé de fondement dans le rapport quant aux prédictions selon lesquelles aucun apport scientifique ne débouchera d'études ultérieures.

Le panel de la NAS, qui fut nommé fin octobre et début novembre 1968, commença sa lecture initiale du rapport le vendredi 15. Le panel se rassembla le 2 décembre puis à nouveau le 6 janvier 1969, pour conclure ses déliberations et préparer ses conclusions. 7 semaines est un temps très court pour que les membres du panel digèrent un rapport sur ce qui était probablement un sujet peu familier. C'est particulièrement vrai lorsqu'il existe des incohérences grossières entre le rapport et sa synthèse, auquel les lecteurs ne s'attendent pas. Par contraste, les points de vue du sous-comité de l'AIAA furent crystalisés fin 1970, accordant plus temps pour apprécier les subtilités du problème et pour digérer le rapport massif.

Ce réexamen du Rapport Condon et mes citations comparativement brèves des examens du panel de la NAS et du sous-comité de l'AIAA pourraient jeter le doute sur certaines des conclusions du rapport et certaines des opinions et recommandations du Directeur. La citation suivante montre qu'une telle dissidence a été envisagée, et même encouragée, par Condon lui-même :

Les scientifiques ne sont pas respectueux de l'autorité. Notre conclusion que l'étude des signalements d'ovnis n'est pas susceptible de faire avancer la science ne sera pas acceptée par eux sans critiques. Pas plus qu'elle ne devrait, ni que nous souhaitions qu'elle le soit. Pour les scientifiques, nous espérons que la présentation analytique détaillée de ce que nous avons été en mesure de faire, et de ce que nous n'avons pas pu faire, les aideront à décider si oui ou non ils s'accordent avec nos conclusions. Notre espoir est que les détails de ce rapport aideront d'autres scientifiques à voir quels sont les problèmes et les difficultés d'y faire face s7[Condon & Gillmor, 1968, p. 2].